crédit photo: Félix Pomerleau
pol

pol | Ceci n’est pas un spectacle

Dans l’ambiance feutrée du Pantoum de Québec, pol proposait, dimanche matin (!), une expérience rare : un moment musical en formule intime, présenté dans le studio d’enregistrement du lieu. Conçue pour accueillir un maximum de six personnes, cette séance musicale chamboulait les conventions traditionnelles du spectacle. La ligne entre musiciens et auditoire s’était estompée, ouvrant un espace où tous les regards cédaient la place aux oreilles, rivées sur la musicalité à l’état brut. Un saut collectif dans l’inconnu, sans théâtre et sans distance.

À l’étage, dans un décor tamisé, cinq musiciens attendaient derrière un rideau, entourés d’une forêt de câbles, d’instruments et de pédales. L’atmosphère rappelait celle d’un tournage feutré ou d’un rêve mis en scène : lumière douce, fauteuil confortable, écouteurs posés avec soin. Dans un calme déroutant, les invité·e·s étaient amené·e·s à choisir trois pièces parmi le répertoire, à régler eux-mêmes le volume, puis à se laisser porter par leur propre sélection.

Le groupe s’échange quelques directives musicales, et ça démarre. Vingt minutes de musique jouée en direct, d’improvisations et de textures sonores, mixées en temps réel dans les écouteurs par un membre du collectif posté derrière.

La musique de pol s’écoute comme on entre dans un lieu sacré : la voix est posée, la rythmique souple, les effets sont soigneusement dosés. Quand le saxophone intervient, il vient briser l’immobilité avec justesse. Tout est équilibre, retenue, délicatesse. Le résultat évoque l’intimité d’une pratique de groupe, sublimée par la précision d’un geste technique parfaitement maîtrisé. Une musique qui enveloppe sans imposer, qui propose sans forcer.

Courte mise en bouche pour l’album

Après trois pièces, le moment prend fin. L’expérience est brève, mais dense. Elle laisse une impression de proximité rare, comme un rêve dont on sort à regret, en espérant pouvoir en retrouver la trace.

L’album Cabinet de curiosités, paru le 25 avril 2025, prolonge cette exploration sensible : treize pièces comme autant de fragments sonores, façonnés dans un esprit de recherche et de jeu. C’est une manière de poursuivre l’expérience, selon l’écoute qu’on choisit : en arrière-plan, comme une ambiance enveloppante, ou en plein centre, comme objet de pleine attention.

Présenté sous le titre Ceci n’est pas un spectacle, ce projet immersif est porté par Raphaël Laliberté-Desgagné, multi-instrumentiste et compositeur, accompagné de musiciens proches, amis et collaborateurs de longue date. Ensemble, ils ont conçu ce format à partir d’un désir simple : recréer un lien d’écoute authentique. Loin de la frontalité scénique, pol invite à s’installer au cœur même du processus de création, là où la musique respire avant d’être fixée, là où le geste reste vivant.

Le projet est né d’un constat : une certaine déconnexion entre la musique et sa performance. À force de jouer chaque soir, le geste peut devenir automatique, détaché. Ici, il s’agit de retrouver ce qu’il y avait avant : le moment fragile, mouvant, organique. La musique, dans ce contexte, n’a pas besoin d’être spectaculaire. Elle se suffit à elle-même. pol ne rejette pas le spectacle, il le connaît, il l’aime, mais cherche ici autre chose. Un espace plus nu, plus proche. Un lieu où la musique est le cœur de l’expérience.

Après trois jours de résidence au Pantoum, le format est désormais abouti, souple et transportable. La curiosité suscitée par ce concept novateur a rempli toutes les représentations à Québec. pol poursuivra sa route à Montréal pour deux journées de séances immersives, ce mardi 20 et mercredi 21 mai, aux studios Piccolo. Plusieures représentations sont donnés, de 14h jusqu’en soirée.

Les billets sont en vente par ici, et il reste quelques places. Une expérience unique, qui mérite d’être vécue et partagée.

Vos commentaires