crédit photo: Raphaël Nikiema

Peau d’âne au Théâtre Denise-Pelletier | La vie d’un âne, la vie des femmes

La reprise de contes classiques au théâtre est commune ; la réécriture de ces derniers pour mettre au monde des fables féministes l’est un peu moins. C’est pourtant le pari qu’ont pris Sophie Cadieux et Félix-Antoine Boutin avec leur relecture de Peau d’âne, qui sera présentée au Théâtre Denise-Pelletier dès ce mercredi 25 septembre.

La version originale de Charles Perrault peut être assez difficile à avaler, tout comme le film de 1970, inspiré du conte. « C’est comme une gorgée sûre », explicite en entretien avec Sors-tu? l’acteur Éric Bernier, qui partagera la scène avec Sophie Cadieux, pour une pièce à deux interprètes seulement, mais beaucoup plus de personnages.

Le Peau d’âne de Perrault nage en eaux troubles, et touche à des thèmes sensibles : pour éviter à son père qui menace de se marier avec elle, une princesse fuit son château, vêtue de la peau de son âne sacrifié, pour être reléguée au rang de « souillonne » dans un village voisin (dans la version de Sophie et Félix-Antoine : la forêt). S’ensuit un jeu de romance et d’apparences avec le prince d’un autre royaume qui tente d’accéder à la vraie princesse malgré toutes ses peaux, les propres et les figurées.

C’est un peu comme les peaux qu’on impose aux femmes toute leur vie. La pièce veut redonner le pouvoir aux femmes, à leur unicité, leur possibilité de choisir.

Sophie Cadieux, qui joue Peau d’âne (la princesse), et pour qui la représentation des femmes dans les contes est objet de fascination depuis longtemps, sera d’un acte à l’autre enfant, victime, héroïne, serpent, sorcière, bête lumineuse, arbre, ciel et soleil. Autant de couches que celles que la société demande aux femmes de revêtir, même dépassé la fleur de l’âge : voilà ce qu’essaient de mettre de l’avant les deux auteurices « très complémentaires » de cette mouture contemporaine, décrite comme un coming of age.

« Dans un monde où on en demande autant aux femmes, ça me fait du bien comme gars de jouer une femme féministe », lâche l’acteur, qui portera notamment le rôle de la marraine de Peau d’âne. « Je vais pouvoir dire ce que je pense déjà, mais en robe [rires]. »

Pour se rapprocher du personnage de la marraine, d’ailleurs jouée dans le film Peau d’âne par Delphine Seyrig, actrice et figure féministe française, Éric Bernier a puisé dans un hétéroclite catalogue d’inspirations : « J’ai travaillé avec des références punk comme PJ Harvey, Björk, Diane Dufresne… Des femmes fortes et radicales, même un peu inquiétantes au premier abord. »

Les deux interprètes donneront donc vie à la dynamique princesse-marraine, mais aussi princesse-prince et princesse-roi. Ce qui confère trois rôles à l’acteur. « C’est intéressant de jouer tous ces rôles, parce que Peau d’âne est habitée par chacun d’entre eux. Elle les confond même parfois. Encore là, on a un jeu de couches », explique-t-il.

On a du même coup affaire à « un show de costumes » signés Elen Ewing, qui « s’enlèvent et se révèlent au fil de la pièce ». Malgré des thématiques qui peuvent être dures, « la pièce demeure très drôle, étrange aussi », portée par la bande sonore d’Antoine Bédard qui rappelle les sons d’une forêt.

« J’ai aussi hâte de parler aux jeunes après la pièce. Est-ce que les gars vont se sentir concernés? J’aimerais que ça puisse leur parler. C’est mon côté romantique », rigole Éric Bernier.

Pour assister à une des 23 représentations de Peau d’âne au Théâtre Denise-Pelletier, c’est par ici. L’oeuvre se déplacera ensuite au Centre national des arts d’Ottawa.

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