Pat Metheny en solo à l’Olympia | Un one-man show musical splendide
Pat Metheny a déjà 70 ans, mais il ne cesse de se réinventer pour sa longue tournée solo Dream Box / MoonDial. Ce vendredi soir 29 novembre, devant un Olympia complet, il parlait abondamment au public et racontait même des blagues ! Et musicalement, sa virtuosité était intacte. L’intensité augmentait tout au long du concert jusqu’à l’époustouflante finale. Une vraie réussite musicale, avec le côté humain et chaleureux en bonus.
La soirée a commencé de manière inhabituelle, avec l’annonce habituelle nous demandant d’éteindre nos appareils électroniques pour profiter pleinement du spectacle. Sauf que le message était unilingue anglais… De nombreux « En français ! » ont fusé dans l’audience, avec sans doute quelques poings levés au ciel. Pat Metheny est monté sur scène sous des applaudissements hésitants et a habilement rattrapé le coup avec un « Bonjour ! Merci beaucoup ! » dans la langue de Félix Leclerc, lors de sa première intervention.
Malgré la mention sur le billet d’éventuels invités, il n’y en aura aucun. Enfin, aucun autre humain sur scène, à l’exception de passages rapides d’Andre Cholmondeley, son technicien guitares. Mais des invités à cordes, il y en avait en masse, avec une bonne dizaine de guitares à 4, 6, 8 ou même 42 cordes qui ont défilé entre les mains du maestro.
L’aire de jeu du maître est installée au fond de la scène, confortablement entourée de quelques guitares, avec bien sûr ses tapis orientaux et son fidèle ventilateur. Il y a aussi divers pédaliers et un système de son particulièrement complexe tout autour de lui. Cela reflète le côté contrôlant du guitariste, qui n’a jamais de première partie et limite les éclairages à une sobriété immobile et minimaliste qui tourne au plate, sans parler des contraintes drastiques imposées aux photographes, ce qui fait que cet article est minimalement illustré.
Metheny s’assoit et commence par un medley de vieux titres joués sur une guitare à cordes nylon, où l’on retrouve entre autres le classique Phase Dance, ainsi que Minuano (Six Eight), Antonia et This Is Not America. Un réchauffement agréable qui s’avère être une mise en bouche pour la suite.
Pat Metheny prend alors le micro pour sa première intervention et rigole en disant que son public fidèle vient de l’entendre dire plus de mots en deux minutes que lors de ses 45 dernières années de concerts cumulés ! Pendant dix minutes, il explique comment est venu son amour de la guitare (les Beatles au Ed Sullivan Show en 1964), son manque de talent à la trompette et sa collaboration avec le contrebassiste Charlie Haden, qui l’a amené à jouer davantage de guitare à cordes nylon. Une belle introduction au morceau suivant, qui reprend des titres de l’album Beyond the Missouri Sky (1997), enregistré en duo avec Haden.
Il enchaîne ensuite avec une guitare baryton (au manche plus long, donc plus grave), à cordes métalliques cette fois, pour un autre medley comprenant Song for the Boys, Pipeline et Rainy Days and Mondays.
Je dirais que les choses sérieuses ont commencé à partir du morceau issu de son rebutant album bruitiste et controversé Zero Tolerance for Silence (1994), joué sur une guitare acoustique préparée à huit cordes avec l’appui de boucles enregistrées à la volée et d’effets. Le résultat m’a agréablement surpris et même convaincu de donner une autre écoute à cet album mal aimé et rejeté, à base de feedback de guitares électriques distordues.
Arrive alors sur scène, la fameuse guitare Pikasso qui fait toujours son effet. La musique sortie de cet instrument reste magique et unique. J’ai l’impression que Metheny maîtrise de mieux en mieux cette guitare outrancière. Cette guitare acoustique genre Frankenstein possède 42 cordes! (voir plus de détails sur le site de Manzer) Parti d’un défi de Metheny, la luthière canadienne Linda Manzer a créé ce monstre et a donné lieu à une longue collaboration entre les deux. Si jamais vous avez la chance de croiser Manzer lors d’une conférence ou d’un salon de lutherie, allez-y sans hésiter, cette femme est véritablement passionnante et passionnée. Metheny l’a même longtemps emmené en tournée comme technicienne guitare. Quoi de mieux que celle qui a fabriqué la plupart de ses instruments pour en prendre soin!
Metheny reprend le micro pour nous expliquer ce qu’est une guitare baryton et la meilleure façon de l’accorder : les deux cordes du milieu à l’octave supérieur. Il explique son côté obsessif avec cet instrument qui l’a amené à enregistrer One Quiet Night en 2003. Et il poursuit avec une partie consacrée à l’album de reprises What’s It All About (2011) joué à la guitare baryton (corde métal).
Le niveau de jeu et la dextérité de Metheny impressionnent toujours, même s’il y a beaucoup moins de parties très rapides et ostentatoires qu’il y a quelques années. Je ne m’en plains pas, la musique y gagne en cohérence et en respiration.
La partie suivante est consacrée au dernier album Moondial. Joué entièrement sur une guitare classique baryton à cordes nylon fabriqué par Linda Manzer, Metheny prend visiblement beaucoup de plaisir sur cette instrument et enchaîne sur une touchante version du titre and I love her des Beatles.
La tension monte ensuite d’un cran, Metheny sort la guitare électrique pour des titres comme Imaginary Day, The Roots of Coincidence et Beat 70 avec effets et boucles. Au cours du titre, un immense rideau se lève pour laisser apparaître son orchestrion tout au fond de la scène. C’est un amalgame d’instruments et de percussions automatisés dirigé par ordinateur qui l’accompagne depuis l’album du même nom sorti en 2010. Le rendu de cette machine infernal est très visuel puisque chaque activité de l’instrument est soutenue par une ampoule qui s’illumine.
Le public est maintenant aussi chaud bouillant que le jeu de Metheny et le concert reprend pour quelques titres à la guitare électrique avec le soutien par moment de l’orchestrion.
Pour le dernier titre, il y a toute une mise en place où il commence par une boucle enregistrée à la guitare électrique. Metheny se dirige à la droite de la scène et retire un drap et apparaît une basse sur pied avec laquelle il enregistre une ligne. De même à gauche de la scène avec cette fois une guitare électrique sur pied et une nouvelle boucle superposée aux autres. L’orchestrion entre alors en jeu et Metheny sort sa mythique guitare synthé des années 80 au son à la fois emblématique et un peu désuet. Mais attention : sur les dernières mesures, pour le grand final, nous avons même droit à des projections d’un motif tribal tendance quétaine pendant 20 secondes! Une mise en scène aussi impressionnante que surprenante avec un final un peu gênant mais qui fait son effet. N’est pas Coldplay qui veut! Mais musicalement, quelle réussite!
Il y a trois autres titres en rappel, un à l’électrique et les deux derniers sur la guitare baryton acoustique à cordes métal pour clore cet impressionnant concert.
Avec un concert de 2 heures 20 minutes, tout seul sur scène, Pat Metheny a vraiment réussi une prestation hors norme avec une virtuosité et une musicalité enlevante. L’apparition de l’Orchestrion est toujours bienvenue et permet d’apporter une touche rafraîchissante au concert. Si la mise en scène est vraiment surprenante de la part d’un guitariste réputé pour son côté taciturne sur scène, il a aussi su montrer son côté humain et chaleureux en étant sincèrement drôle et intéressant dans ses longs monologues. C’est incontestablement le meilleur concert que j’ai vu de Metheny à date sur tous les plans.
Pour ne pas sombrer totalement dans des excès outrancier de gear porn dans ses lignes, je vous recommande chaudement un des fameux rig rundowns de mon magazine préféré Premier Guitar où Andre Cholmondeley, le technicien guitare de longue date, détaille et explique le matériel de Metheny. En plus, Cholmondeley est particulièrement intéressant et affable, ce qui est loin d’être souvent le cas pour de ce genre d’exercice vidéo.
- Artiste(s)
- Pat Metheny
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- L'Olympia de Montréal, Olympia
- Catégorie(s)
- Instrumental, Jazz,
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