crédit photo: Thomas Mazerolles
Nättefrost

Rencontre avec Nattefrost | « On n’est pas là pour se toucher, on est là pour jouer du Norvegian Rock’n’roll »

Alors que Nattefrost jouera le 24 novembre prochain à Montréal lors de la Messe des Morts, nous avons pu rencontrer cette légende du black métal norvégien, lorsque que Carpathian Forest s’est produit lors de la dernière édition du festival. Retour sur une rencontre avec un artiste singulier, brillant dans un mélange de chaos, d’humour, de noirceur et d’authenticité.

C’était donc la première fois que Nattefrost, de son vrai nom Roger Rasmussen, mettait un pied en Amérique du Nord, lors de la dernière Messe des Morts. Nous arrivons finalement à le rencontrer, car prendre un rendez-vous avec cet homme-là n’est pas chose facile : tout est très spontané autour de lui, explosif, assez chaotique et parfois décousu, mais non sans humour et sympathie. Bref, du vrai rock’n’roll, comme il aime le rappeler.

« Je suis flabbergasté d’être ici », déclare Nattefrost, qui a commencé avec Carpathian Forest en 1992. « C’est la première fois que je viens en Amérique du Nord. On devait jouer au Maryland DeathFest il y’a quelques années, mais je sais plus pourquoi ça n’a pas marché, des histoires de casiers judiciaires peut-être. » La renommée internationale du festival était déjà parvenue à ses oreilles. « J’avais entendu parler de la Messe des Morts. Je suis vraiment heureux d’être ici. Je suis juste ravi d’être encore en vie. »

Nouveau sang, nouvel album

Nous abordons le sujet du nouvel album de Carpathian Forest, le premier en vingt ans, qui se fait attendre depuis plusieurs années maintenant :

« Ça fait 5 ans qu’on l’a enregistré, mais je le garde en otage. Il faudrait me faire des menaces pour qu’on le sorte enfin. »

Tout ce qu’on sait pour l’instant, c’est qu’il s’intitule Likskue – Dødens Arkitektu, ce qui signifie l’architecture de la mort. « J’espère qu’on va le sortir au bon moment, je pense qu’il mérite un Grammy Norvégien! » Nattefrost décrit l’album comme étant plus inspiré par les 70s, avec un son plus chaud.

« Hey tu vas où?! », hurle Nattefrost à son guitariste qui se dirige vers la porte, tenant à ce que tout le groupe soit présent pour parler du nouvel album. Depuis maintenant six ans, Carpathian Forest évolue avec de nouveaux musiciens, incluant plusieurs membres de Svarttjern, un groupe qui se produira pour la première fois à la Messe des Morts en novembre prochain. « Nous avions grandi dans des directions différentes avec l’ancien line-up, comme un mariage qui sombre. C’était juste professionnel, mais on n’avait plus rien en commun. » Nattefrost s’avoue content de ses nouveaux musiciens. « On est comme une famille. Regarde comme ils sont sexy! (rires). »

Nattefrost nous présente alors succinctement les nouveaux musiciens de Carpathian Forest : « Alors lui c’est le padre, lui c’est ma main droite, ça c’est Jason Newsted, et lui c’est juste un batteur. (Fou rire général) Ils me font pas chier…moi oui je les fais chier! Mais on est bien ensemble, je suis fier de jouer avec eux, j’espère que ça va se voir sur scène. »

Cependant, il nous confie qu’il espère encore pouvoir faire une célébration des 30 ans de Carpathian Forest avec les anciens membres. Une affaire à suivre.

Anti-suicidal black metal ?

Les années ont passé, et Nattefrost a roulé sa bosse, mais semble déterminé à continuer de composer, nous confiant même avoir déjà un autre album en cours d’écriture. « Je fais ce truc depuis 1991. Je pourrais être à la retraite. Ou même être un retraité retardé! Mais tu vois, j’ai seulement 27 ans! (Rires). »

Avec un lourd passé d’addiction, Nattefrost semble rendu sur une autre voie, tout en restant dans le black métal, avec une volonté de transcender à travers des paroles différentes.

« Je veux être cette lumière dans la nuit, pour les gens qui veulent se suicider. J’ai passé ma vie à lutter avec des pensées suicidaires. L’héroïne, c’est comme un long suicide. J’ai fait ça il y a 10 ans, maintenant je suis rendu ailleurs. »

Il évoque alors le fait de monter sur scène sans être complètement saoul, de maîtriser son élément et d’être conscient. De nouvelles perspectives, peut-être aidées par le fait d’être père aujourd’hui. « Mon fils de 13 ans est monté sur scène à Londres pour chanter la reprise de Turbonegro avec nous, c’était un grand moment pour moi, magique. » Le musicien norvégien semble prendre très au sérieux l’importance de transmettre quelque chose à travers son art. « Mon boulot, c’est de donner une nouvelle direction au black metal : anti-sucidiaire [NDLR : en opposition au DSBM, Dépressive Suicidal Black Metal]. Je pourrais juste rester chez moi avec ma famille et rien faire. Mais il y a tellement de groupes de black metal que je ne veux pas appeler black metal. Nous, nous sommes un groupe de rock’n’roll / punk. »

Avenir du black metal, force de la Norvège

On peut ainsi déceler chez Nattefrost une volonté de garder ce côté cru, punk et rock’n’roll du black métal souvent oublié de nos jours, mais aussi de se soucier de paroles avec du sens et un message, ayant donné sa part de satanisme et autres clichés du genre.

« On n’est pas là pour se masturber, on est là pour jouer du Norvegian Rock’n’roll. Aujourd’hui ça m’emmerde tous ces groupes de black metal avec zéro paroles, genre « Invocation de mes fesses » et tout ça. »

Avec Mayhem, Darkthrone, Gorgoroth ou Satyricon entres autres, Carpathian Forest fait partie de ces derniers piliers de la scène norvégienne encore actifs. « C’est fou quand tu y penses, un si petit pays comme la Norvège, d’avoir eu une scène aussi importante. » Et on se pose la question du futur du black metal, quand ces groupes auront disparu. « C’est comme le punk dans les 70s, ça a disparu un peu, et puis dans les années 90s il y a eu toute une nouvelle vague. Le black metal reviendra toujours. »

Toutefois, la scène actuelle laisse Nattefrost perplexe :

« Qui joue du black metal aujourd’hui ? Moi-même je suis confus. J’aime beaucoup Revenge par exemple. J’adore les gars de Enslaved, et je respecte beaucoup Darkthrone, mais ils sortent tellement d’albums! Parfois je me demande quelle est leur valeur, quelle matière il reste. »

La question musicale de la qualité VS la quantité lorsqu’on parle de création. Nattefrost évoque alors son admiration pour Mayhem, mentionnant qu’ils font partie avec Burzum des essentiels du paysage black métal norvégien.

« Je pense que De Mysteriis Dom Sathanas est le meilleur album de black metal au monde. Il n’y a pas de moment faible. »

Il continue sur Mayhem, en parlant de leur chanteur et son aura unique : « Attila est un putain de shaman. », dit-il en nous racontant une étrange histoire d’invocation de lucioles dans un village lors d’une tournée en Italie… Et lorsqu’on connaît effectivement l’aura chaotique et un peu mystérieuse d’Attila, on ne peut qu’imaginer le cocktail explosif et improbable qui peut découler de la rencontre de ces deux personnages.

Trente ans de musique extrême

Quoi qu’on en dise, peu importe les critiques, il faut saluer et apprécier la présence de Nattefrost dans la scène métal extrême, plus de trente ans après ses débuts avec Carpathian Forest. Il a également ressuscité son projet solo que l’on pourra entendre pour la première fois en Amérique du Nord en novembre. Leur dernière sortie remonte à 2009, un split album réalisé avec le projet doom metal d’un certain Fenriz de Darkthrone.

À travers des années de noirceur et de ténèbres, une existence chaotique et un univers torturé, le musicien norvégien brille toujours aujourd’hui dans la création et la performance, continuant sa route sans se soucier de ce que pense le monde, authentique et spontané, lui donnant cet aspect imprévisible et un peu dangereux, dans le sens où on ne sait jamais trop ce que ça va donner sur scène, et même en dehors de la scène. Par définition, un artiste qui reste rock’n’roll, comme on en voit de moins en moins aujourd’hui.

En attendant peut-être le nouvel album de Carpathian Forest, qui sortira bientôt si Satan le veut, c’est avec son projet solo que Nattefrost sera de retour à Montréal le 24 novembre prochain pour la Messe des Morts, aux côtés notamment de Blasphemy, Urgehal, Seth, Dødheimsgard ou encore Délétère et Misere Luminis.

Billets pour le festival disponibles ici (le pass de 3 jours est sold out).

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