Nuit Blanche à Montréal

Nuit Blanche 2019 à Montréal | Nuit de groupe

La plupart de mes nuits sont blanches. Je vis la nuit, surtout dans mon studio. J’aime la solitude et le calme de la nuit. C’est parfait pour créer. Cette année, pour la Nuit Blanche, organisée dans le cadre du Festival Montréal en Lumière, j’avais hâte de sentir les gens envahir le calme habituel de la nuit et de me joindre à la fête. La barre était haute : certaines des nuits blanches que je n’ai pas vécues dans la solitude sont mémorables. Seun Kuti à la Virada Cultural de Sao Paulo en 2012, nuits d’ayahuasca auprès d’un shaman à Iquitos, la première fois où j’ai dansé toute la nuit à Medan, nombreuses nuits à danser jusqu’au lever du soleil sur la plage de Trancoso, ou encore dans les montagnes de la Chapada dos Veadeiros.

J’ai passé plusieurs heures à éplucher la programmation de la Nuit Blanche. Je prévoyais me promener d’évènement en évènement dans divers quartiers. Mais j’ai vite réalisé que la soirée ne durerait que quelques heures et non plusieurs jours. J’ai donc fait le choix déchirant de moins m’éparpiller et de me concentrer sur les deux évènements qui m’intéressaient le plus : la soirée 2040, l’An/demain au Centre Phi et le spectacle des Royal Pickles au Lion d’or. À quand une série de Nuits blanches plutôt qu’une seule nuit au cours de laquelle sont programmés un peu plus de 200 évènements?

 

1. Les fameux sites extérieurs

Vers 17h00, je vais d’abord faire un tour sur la place des festivals, point central de la Nuit Blanche. Le site pullule de familles venues jouer dehors. Parmi les nombreux stands qui me mettent l’eau à la bouche avec leurs appétissants produits de l’érable, de boulangerie artisanale, de portos et même d’huîtres, trônent les décevants stands de bière. Moi qui voulais commencer ma soirée avec un petit jus de culbute, me voilà captif du commanditaire de l’évènement. Je ne dis jamais non à cette marque durant un voyage de pêche, car elle sait si bien rafraichir le gosier en plein été tout en assurant de ne jamais atteindre un taux d’alcoolémie suffisant pour nous faire perdre les poissons qui mordent. Mais, pour commencer une longue nuit en plein hiver, je n’ai besoin ni d’être rafraichi, ni de garder mes poissons. Je décide donc de retourner chez moi pour m’équiper d’une flasque de whiskey. Celle-ci saura me tenir au chaud durant la nuit.

Les rues du Vieux Montréal sont pleines de vie. Pour une rare fois en hiver, on croirait que ce quartier est réellement habité. J’ai utilisé cette Nuit Blanche comme prétexte pour mettre les pieds au Centre Phi pour une première fois. Ça ne sera pas la dernière : quel endroit magnifique et accueillant! Tous mes sens y seront sollicités. Plein de petits recoins à visiter.

 

2. Centre Phi

Nous prenons un café gratuit dans le lounge, parmi les tentacules – mot masculin, ne pas l’oublier! – qui ornent l’endroit, évoquant les films d’Ed Wood. Nous rejoignons la piste de danse qui se remplit tranquillement au son de rythmes éclectiques joués par le DJ anabasine, alliant des sonorités vaguement drum n’ bass à des sons futuristes. Le contraste entre ses sons synthétiques et les nombreuses plantes derrière lesquelles il se trouve offre une vision du futur où la destruction règne, mais où la nature est enfin célébrée.

Loin du monopole du commanditaire, je peux enfin m’offrir une bière intéressante. Le DJ suivant nous chasse de la piste de danse avec ses salves de bombes sonores à la limite du supportable, entêté à ne construire absolument aucun rythme. C’est le moment choisi pour nous éclipser, pour aller à l’autre bout de la ville et du spectre musical. En sortant par la boutique, je suis séduit par les magnifiques vêtements conçus par Maya Amoah, de Batik Boutik, faits à la main au Ghana.

3. Lion d’or

J’arrive au Lion d’Or au milieu du deuxième set des Royal Pickles. L’ambiance y est frénétique et tout le monde danse. J’y retrouve plusieurs amis. Je vide ma flasque. Je rencontre de belles personnes. Je retrouve mon pas de danse, sur une musique totalement différente de celle qui régnait au Centre Phi. Les basses fréquences me font toujours bouger, qu’elles émanent d’un tuba ou des platines d’un DJ. J’adore ces contrastes que Montréal offre.

Nous restons pour entendre le dernier set des Pickles. Leur entrée est fort efficace : ils arrivent du fond de la salle et jouent leurs deux premières pièces au milieu des spectateurs. Après quelques pièces, je réalise que le tubiste, tapi dans l’ombre, joue aussi de la grosse caisse en même temps. C’est là la seule critique que j’aurais à adresser à ces Royal Pickles qui ont sur faire sauter le plafond du Lion d’Or : ce groupe, maître de son art, gagnerait à mettre plus à l’avant-scène un musicien si unique.

J’étais inquiet de ce qui arriverait ensuite car la vase majorité des évènements de la Nuit Blanche se terminaient entre minuit et 3h00… Qu’arriverait-il alors aux plus nocturnes d’entre nous, qui souhaitions continuer la fête? Le Lion d’Or a été fort clément, nous permettant de rester une bonne heure après la fin du spectacle des Pickles. Des amis partis en éclaireurs vers le seul évènement officiellement ouvert après 3h30, les 24 heures du vinyle, m’écrivent pour me dire qu’il y a une file pour entrer. Alors, nous décidons d’aller terminer cette nuit blanche bien arrosée de façon classique autour d’une délicieuse – et nécessaire – poutine (patates écrasées rules!).

Cette Nuit Blanche, dans toute sa simplicité, son effervescence et son éclectisme bien montréalais, m’a beaucoup plu. Elle m’a rappelé pourquoi j’ai choisi Montréal : justement parce que ce type d’expérience est normal ici, nul besoin d’être mémorable. C’est ce qui fait la couleur de notre ville que de savoir que ces moments spéciaux sont toujours possibles, accessibles, au prochain tournant. C’était si beau de voir tout ce beau monde vivre l’expérience de la nuit, en groupe.

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