crédit photo: Pierre Langlois
Myriam Gendron

Myriam Gendron à La Tulipe | Complainte des temps présents

Par un soir de lendemain de pleine lune venant auréoler quelques journées grises, la prestation de Myriam Gendron était fort attendue, réunissant ses fans à La Tulipe qui, pour le temps d’une soirée, avait retrouvé sa formule cabaret.

En première partie s’est déployé sur scène le maître de l’american primitive guitar Glenn Jones, qui, en 1971, a fait la rencontre de cette musique alors qu’il fréquentait l’Université de Virginie, aux États-Unis. « I felt it was music from another time, another world », raconte-t-il en parlant de cette découverte, et il ajoute : « I realized that this music wasn’t dead ».

Sur scène, entouré de ses trois guitares et d’un banjo, il égrène les pièces une à une dans l’écrin chaleureux de la Tulipe, devant un public recueilli autour de ces gestes simples : pincer les cordes, donner à vibrer, raconter cette vérité universelle : on a besoin de la musique pour vivre. Et cette musique, qui arrive de loin, est bien vivante. En quelques pièces d’une virtuosité dénudée, il nous raconte un temps révolu et l’invoque pour les temps présents. Bien qu’il avoue avoir aussi hâte que nous d’entendre Myriam Gendron, il se permet un petit rappel au banjo devant un public conquis.

Et puis Myriam Gendron entre sur scène, s’installe et branche sa guitare. En silence, elle débute. Sa guitare chuinte dans l’air en suspension. Il n’y a plus que des doigts, des cordes qui vibrent, nos souffles déposés. C’est la fin de l’automne, presque l’hiver, et ce fut une année éprouvante pour elle, pour plusieurs. Nous sommes toujours là, vivant·e·s dans la beauté du moment.

Aux premières notes de Go Away From My Window, des cris de joie fusent dans la salle. Sa voix s’élève, habitée d’un vibrato qui rappelle le sanglot. Myriam Gendron possède ce don rare: s’adresser à la tristesse, sans intermédiaire. Après nous avoir remercié·e·s de recevoir sa musique avec nos sensibilités, nos tristesses et nos joies, parce que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, elle dépose, de sa voix chaude : « Contribuer à la beauté du monde… je n’ai plus d’autre ambition dans la vie».

Myriam Gendron, avec son art de la complainte des temps présents et anciens, est une artiste offrant un style musical d’une rareté exceptionnelle dans le paysage musical québécois. Après une année de tournée (60 spectacles au Canada, aux États-Unis et en Europe) et bien des remous, elle revient en sol natal, probablement échevelée intérieurement, et entourée par la famille, les amis et les amoureux et amoureuses de sa musique. À ses côtés, Bernard Falaise, qui l’accompagne et orne quelques pièces sobrement, avec guitare, archets et pédales nombreuses.

Les chansons s’enchaînent, entre dénuement en puissance, échantillonnages et distorsions. De son deuxième album Ma délire – Songs of love, lost & found, elle fait résonner I Wonder As I Wander et enchaîne avec Waly Waly, qu’elle offre pour sa mère décédée en mai dernier. Avec sa musique, Myriam Gendron révèle et apaise nos chagrins à la fois. Dans Poor Girl Blues, sa voix se charge d’une tristesse vibrante, nous transportant dans le texte d’une façon nouvelle. Subitement, nous sommes aussi en exil, en quête d’un endroit où nous nous sentirions aussi chez nous, et trouvons enfin cet endroit, momentanément, dans la consolation de la musique. Gendron habite totalement un territoire qui étend ses confins et qui se ressent, jusqu’au fond de la poitrine.

L’amour n’épargne personne, chante Gendron, et les cœurs se serrent dans la salle, trop souvent malmenés en ces temps tortueux. Sa guitare pleure et se tord, avant de s’envoler dans d’autres pièces plus lumineuses, tantôt puisées dans le folklore, tantôt rapaillées, tantôt composées autour des poèmes de Dorothy Parker, du premier album Not so Deep as a Well.

En cette soirée feutrée, Myriam Gendron a clos le cycle de l’album Ma délire – Songs of love, lost & found, un an et des poussières après son lancement à la Sala Rossa et a livré un spectacle généreux d’une qualité remarquable, avec une voix et une guitare exceptionnelles.

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