crédit photo: Morgane Dambacher
Mitski

Mitski au Théâtre St-Denis | De darling indie rock à reine du emo rock

Note de la rédaction : en principe, Zoé devait couvrir le spectacle de Mitski pour nous, mais elle a la COVID. Ensuite, Estelle devait la remplacer… mais elle a la COVID. En désespoir de cause, une lectrice-amie quarantenaire a gracieuseté accepté de nous témoigner sa soirée au spectacle avec sa fille de 14 ans. Un choc générationnel fort intéressant que voici…

Lorsque ma fille de 14 ans m’a demandé hyper enthousiaste en octobre dernier d’acheter des billets pour le spectacle de Mitski, j’ai sourcillé. Depuis quand ma fille connaissait la darling du indie rock que des hipsters de NPR m’avaient découvrir il y a 6 ans ? Trop contente de revoir Mitski en spectacle pour une troisième fois à Montréal et de partager ce moment avec ma progéniture, j’ai donc sauté sur la prévente et prié pour qu’une énième vague de covid ne vienne repousser le spectacle.

J’aurais dû reconnaître les signes que la carrière de Mitski avait fait un pivot important dans les derniers mois. Tout d’abord, le simple fait qu’elle assurera la première partie d’Harry Styles annoncé en janvier aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais aussi le changement de salle du concert d’hier de l’église Saint-Jean-Baptiste au Théâtre St-Denis ainsi que l’heure d’ouverture des portes devancées à 18 h 30… et pourtant j’avais totalement sous-estimé la ferveur de ses nouveaux fans.

Déjà à 18 h 15 la file de plusieurs centaines de personnes formait un impressionnant colimaçon s’enroulant des portes du théâtre, passant devant le Cinéma du Quartier Latin, derrière le théâtre sur la rue Sanguinet, pour revenir sur la rue Maisonneuve jusque devant la Cinémathèque.

C’est au bout de cette file que je me trouvais avec mon ado qui insistait pour seulement texter une amie qui devait théoriquement nous rejoindre. Pas question de faire un appel pour coordonner rapidement la logistique, God forbid !

Finalement, l’amie ne nous a jamais rejoints dans le chaos ambiant.

 

Foule vingtenaire conquise

C’est devant une foule majoritairement féminine dont l’âge moyen semblait quelque part dans la mi-vingtaine, et absolument conquise d’avance, que Mitski est montée sur scène. Ça criait fort mes ami.es, croyez-moi lorsque les premières notes de Love Me More ont ouvertes le bal.

On était loin de la Mitski chantant son interprétation ténébreuse de How Deep Is Your Love de Calvin Harris devant 40 personnes au Il Motore en 2017. Hier soir, Mitski n’avait plus besoin de reprises. La foule chantait si fort toutes les paroles de toutes les chansons qu’on a eu droit à quelques moments étranges de discordances lorsque l’interprète a pris certaines libertés avec les arrangements de quelques pièces alors que la salle y allait selon les arrangements appris par cœur.

Accompagnée de ses cinq musicien.nes, Mitski a enchaîné plusieurs moments forts de ses quatre plus récents albums sans réels temps morts.

Si Lana Del Rey s’impose comme la reine de la langueur, j’ai eu la preuve hier que Mitski est maintenant la reine du emo rock et ses admirateurs l’adulent.

Vêtue d’une robe angélique, Mitski a agrémenté sa performance d’une chorégraphie de danse contemporaine bien scénarisée. Se présentant parfois comme un pantin déchiré par la douleur, se faisant violence en martelant son ventre, allant même jusqu’à se trancher la gorge avec son micro dans Working for the Knife, on pouvait sentir à tous les instants l’intensité du propos fortement appuyé au grand plaisir de la foule.

On flirtait même par moment dans une scénographie inspirée des grandes tragédies comme pour la finale The Only Heartbreaker dans laquelle Mitski a choisi de rester étendu au sol dans une pose de décès théâtral digne de Roméo et Juliette de longues secondes concluant une interprétation absolument viscérale de la chanson.

 

Le pouvoir d’une nostalgie (qu’on n’a pas vécue)

Alors que le spectacle venait à peine de clore sur un cours rappel de Two Slow Dancers, j’ai questionné ma fille sur ce qui la touchait dans cette chanson. Mitski y parle de la nostalgie des danses scolaires et de cette jeunesse pleine de possibilités qui ne survit pas au passage du temps.

Ma fille, qui venait pourtant de chanter toutes les paroles à l’unisson avec la salle, ne pouvait pas avoir la nostalgie de ces expériences, elle ne les a même pas encore vécues ! J’ai eu droit à un cryptique « Ché pas, j’aime juste la vibe » et peut-être qu’effectivement la réponse était là.

L’intensité des émotions non réciproques ou incomprises dépeintes dans l’œuvre de Mitski ainsi que la difficulté de se sentir vu pour ce que nous sommes trouvent écho peu importe l’âge.

Celleux qui l’ont manqué hier soir pourront se reprendre le samedi 30 juillet dans le cadre du festival Osheaga.

À lire également :

 

Photos en vrac :

Vos commentaires