crédit photo: Anne-Marie Boucher
Marsö

Marsö lance son album au Ministère | Splendeurs des éclopés

La légende raconte que, lorsque Marsö Margelidon était petit, un musicien avait visité sa classe. Le petit Margelidon, provenant d’une famille qui ne jouait pas de musique, avait étonné sa classe en étant le seul à pouvoir produire un son puissant à partir du bec de la trompette du visiteur. Du talent brut, c’est clair, mais on comprend aussi, à voir Marsö présenter ses chansons une à une dans un spectacle réglé au quart de tour pour lancer l’album Tristesse et confettis, qu’on a aussi affaire à un bosseur qui ne laisse rien au hasard. 

Gagnant du grand concours du Festival international de la chanson de Granby de 2021, Marsö est tout d’abord un musicien de talent, puis un habile compositeur de chanson, qui fait dans un storytelling qui peut rappeler tantôt Richard Desjardins, pour un certain lyrisme dépouillé, tantôt le Nougaro d’Une petite fille pour le jazz et l’émotion ou un Jérôme Minière pour la délicatesse de la voix et de l’écriture.

Sur scène, son charisme aimante, dense. Ses mains et ses mots dansent. Présence magnétique et regard malicieux, il offre ses chansons avec une générosité rare, dans une scénographie épurée faite d’une bande de papier azur traversée de stries blanches à l’avant, et d’une sphère orangée lumineuse à l’arrière, comme un coucher de soleil dans une ville de bord de mer.  

Après avoir ouvert le concert avec la très planante Être heureux, en survolant du regard le public comme un horizon de mer, il a enchaîné avec L’averse, sortant sa trompette jamais loin pour un solo puissant au coeur d’une pièce au rythme essouflant.

Tout au long du spectacle, il alterne, tel un crooner en habit trois pièces, entre ballades suaves, en balançant des hanches dans un slow avec son micro, pour ensuite aller vers des chansons plus rythmées, funk ou rock, lors desquelles la salle enjouée esquisse des pas de danse en suivant les pieds de Marsö, chaussés d’azur vernis.

Entre les chansons, il nous raconte, dans une narration charmante, l’oeil espiègle, l’histoire d’un hôtel de bord de mer un peu banal, duquel nous explorons les univers, chambre par chambre, avec « un vieux soldat romantique, deux petites dames, un trompettiste amnésique… ».

« Les éclopés s’aiment aussi », entend-on dans L’averse, et la femme de ménage y est conviée, sans changer de personnage.

Après nous avoir offert en 2017 un micro-album, il se déploie aujourd’hui avec tout son arsenal, accompagné d’un solide ensemble (claviériste, batteur, bassiste et guitariste), proposant des pièces plutôt pop-rock au sucre acidulé (Pareil, Tristesse et confettis) tandis que d’autres, plus emballées, avec des claviers appuyés, donnent à découvrir des univers profonds et complexes (L’averse, Le plongeur, Mathilde).

Le tout est accrocheur, les textes sont inventifs, sa voix douce enrobe le tout d’une tendresse caillouteuse ou d’une sensualité grinçante. Avec des hymnes légers, des airs solidement accrocheurs, il chante les désespoirs ordinaires, les passions abîmées, la vie des cuistots inconnus, le désir qui fleurit, la vie qui s’emballe trop vite et nous laisse derrière.

Sur scène, il habite chaque chanson, offrant des pantomimes en appui, articulant les phrasés de son corps léger de danseur. Certaines chansons, presque des vers d’oreille, risquent d’user nos ondes en tournant inlassablement dans les radios, avant de devenir, qui sait, des hymnes classiques de karaoke. 

Après un tour de chant d’une heure pleine, Marsö remercie ses collaborateurs, l’oeil brillant, le sourire fier. Ses chansons, tissées patiemment depuis des années, prennent leur envol, goélands grinçants, gracieux. Nous en suivons la silhouette claire, jusqu’à l’horizon, captifs.

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