crédit photo: Thomas Mazerolles
Madama Butterfly - Puccini

Madama Butterfly par L’Opéra de Montréal | Récit classique habilement rafraîchi

L’Opéra de Montréal propose ces jours-ci à la Place des Arts sa production Madama Butterfly, basée sur l’oeuvre très connue de Puccini.

Madama Butterfly raconte l’histoire de Cio-Cio-San, jeune geisha de quinze ans, qui se retrouve du jour au lendemain promise au soldat américain B.F. Pinkerton, lieutenant dans la Navy dépêché temporairement au Japon. Folle d’amour, elle renie famille, patrie et religion pour cet homme dont elle tombe éperdument amoureuse, mais qui disparaîtra rapidement pour aller se remarier aux États-Unis. Si le premier acte est surtout centré autour des manigances orchestrées par Pinkerton et le consul Sharpless, qui se félicitent de profiter des nombreuses opportunités amenées par le désir d’occidentalisation naissant de ce Japon du début du XXe siècle, le second sera toutefois presque entièrement consacré au drame familial vécu par une Cio-Cio-San esseulée et dévastée.

Récit tout près de la tragédie grecque dans son essence, la trame narrative de Madama Butterfly dénonce l’impérialisme international des années 1880-90, mais propose du même coup un ensemble de clichés vieillots autour des Américains cupides et des asiatiques arriérés en vogue dans l’Europe du tournant des siècles.

Le libretto d’origine, qui remonte à 1904, est lui-même basé sur le récit semi-autobiographique plein d’exotisme à l’eau de rose de 1887, Madame Chrysanthème, par Pierre Loti. Et c’est ici que peut se situer le piège de Madama Butterfly dont sont trop souvent victimes les mises en scènes contemporaines de cet opéra, dans une aire où le militantisme envers la justice sociale et l’égalité raciale se fait plus présente que jamais.

La proposition scénique, menée par Stephanie Havey, réussit toutefois à bien s’en tirer. Avec un décor simple, accompagné de projections intermittentes, les personnages évoluent dans un univers astucieusement sobre qui permet de mettre toute l’attention du public sur le jeu des comédiens et le drame qu’ils incarnent.

À ce titre, le ténor Américain Matthew White, interprète de Pinkerton, s’en tire avec une interprétation stellaire qui témoigne bien de sa notoriété internationale en pleine ascension. Livrant ses paroles avec une facilité déconcertante, il commande à lui seul un premier acte qui gagnerait parfait à être un peu plus fougueux, surtout dans ses moments comiques, et volera presque entièrement la vedette sur un Vogliatemi bene senti.

Quant au comique, le Québécois Éric Thériault, interprète de l’entremetteur Goro, servira du moins cet aspect avec une performance notable.

À l’instar de son personnage, Joyce El-Khoury prendra par la suite d’assaut le second acte avec brio, livrant un Un bel dì, vedremo impeccable et émotif. Bonne interprète, elle réussira à arracher des rires francs du public, lorsque Cio-Cio-San, en pleine dépression, retrouvera enfin son enfance et son innocence dans l’adversité. Soulignant également la mignonne performance d’un tout jeune interprète dans le rôle de Dolore, enfant né de sa brève union avec le lieutenant américain, qui aura reçu une ovation méritée du public.

L’orchestre, énergique sous la gouverne du chef espagnol Pedro Halffter, aura parfois volé bien malgré lui la vedette par son intensité. On y retrouve de belle manière la clarinette et les cuivres rendent de manière générale un bel hommage aux compositions magistrales de Puccini.

Si encore aujourd’hui Madama Butterfly ne se trouve peut-être pas à être la meilleure introduction qui soit au genre opératique sur scène, bien qu’il reste l’un des exemples les plus connus et mis en scène, la version proposée par l’Opéra de Montréal, encore en salle jusqu’au 16 mai, saura combler le public avec une vision fraîche emplie de légèreté.

 

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