crédit photo: Pierre Langlois
Lucill

Lucill (avec Loïc April) | Une soirée indie rock intimiste pour les 23 ans de l’ESCO.

Dimanche, c’était soir de fête pour les amateurs d’indie rock, généralement mal servis par la scène francophone québécoise… Lucill et Loïc April sont tous deux venus présenter une version simplifiée de leur univers musical complexe inspiré du son rock caractéristique des années 2010. Une soirée intime feutrée d’un éclairage rouge au cours de laquelle le rock francophone a revendiqué haut et fort qu’il mérite d’exister.

L’Esco : repère essentiel de la musique indépendante sur Saint-Denis

Permettons-nous d’abord de rendre hommage à la fêtée, la véritable reine de la soirée, la salle de l’Escogriffe Bar Spectacle (l’Esco pour les intimes) qui fête ses 23 ans d’existence cette année. Un âge somme toute honorable pour une salle indépendante qui diffuse le meilleur de la scène underground et qui se transforme souvent en discothèque une fois les spectacles terminés.

Situé dans le demi-sous-sol d’un bâtiment au coin de Saint-Denis et Mont-Royal, l’Esco peut accueillir un maximum de 180 personnes. Les murs sont faits de pierre, le plafond est bas, on y retrouve quelques tables rondes, deux tables-comptoirs et un espace devant la scène suffisamment grand pour y danser.

L’arrière-scène a des allures de décor de cirque burlesque au centre duquel on y retrouve une ardoise.  Le premier geste qu’a d’ailleurs posé l’autodidacte auteur-compositeur-interprète Raphaël Bussière en entrant sur scène a été d’écrire à la craie en grosse lettre son nom de scène: LUCILL.

Un premier duo sur scène réussi pour Lucill et Marie Claudel

Lucill, c’est le projet solo indie rock, parfois folk, plusieurs fois récompensé de ce natif de Chibougamau. Son microalbum homonyme sorti en 2018 a été salué par la critique et a remporté le prix EP Indie Rock de l’année au GAMIQ 2019. Son deuxième opus, Snake Eyes paru en 2022, sorti deux ans après son premier album Bunny, a aussi été récemment couronné remportant l’album Indie-Rock au GAMIQ 2022.

Sur disque, on ne peut s’empêcher d’entendre l’influence du groupe américain War on Drugs, une batterie souvent rapide et des synthétiseurs peignant une toile vaporeuse sur laquelle sont projetés des riffs de guitare électrique hypnotisant. Un univers musical, à notre grand regret, très peu exploré par la musique francophone québécoise. On était tout de même curieux d’entendre comment se transposerait ce son multicouche en version intimiste. C’est accompagné d’un séquenceur servant de batterie et de clavier, et en grande partie grâce à la présence de la guitare de Marie Claudel, que Lucill a relevé ce grand défi de transposer ce son sur scène.

Lucill et Marie Claudel montaient donc sur scène en duo pour la première fois. Marie mène une double carrière d’auteur-compositeur-interprète et d’accompagnatrice (Thierry Larose, David Giguère et Gab Bouchard). La précision de son du jeu de guitare (malgré une petite bourde professionnellement rattrapée en début de spectacle) et sa voix qui appuyait certains refrains ont ajouté de la profondeur au son de cette prestation.

L’interaction entre les deux protagonistes était d’abord timide, mais au bout des dix titres offerts, on sentait qu’une réelle chimie commençait à opérer. On s’est même plu à imaginer pousser l’idée du duo un cran plus loin. Sur Fugue du soir, certains passages obligent Lucill à passer des basses aux aiguës rapidement : on aurait confié en toute quiétude ces passages à Marie Claudel.

C’est ce titre qui a d’ailleurs décoincé la foule qui était jusqu’à ce moment restée plutôt timide.
Lucill a offert en fin de spectacle une interprétation de Presque qu’Alain Souchon a écrit à 77 ans. Lucill a dit rêver de pouvoir encore écrire de belles chansons à cet âge, on le souhaite aussi et on espère que ses racines rock resteront bien ancrées jusque-là.

Loïc April : Un retour sur scène réussi

Plus de trois ans après la sortie de son dernier album (Ressusciter les stigmates, 2020), et n’ayant pas monté sur scène depuis, Loïc April est arrivé seul vêtu d’une tuque et de pantalons noirs roulés, de bas blanc et de loafers (flâneurs en français). En décidant d’agripper sa guitare et de s’assoir sur un tabouret, on s’attendait à une version douce de son répertoire pourtant grinçant. Il aurait pourtant fallu être plus attentif à la présence d’une importante Pedaltrain sur scène pour anticiper une version plutôt abrasive des sept des titres de son répertoire.

Visiblement un peu timide de ce retour sur scène, Loïc nous a offert une prestation sans faille, remplie d’humilité et de grandeur d’âme. Sa voix douce et plaignante contrastant avec un usage important d’effets de guitares, de distorsion, et de rétroaction. Autant la voix de Loïc April est proche d’une douce lamentation, autant la guitare semblait vouloir tout défoncer. Peut-être est-ce des restants de ces années dans le groupe shoegaze Protofiev, l’exceptionnel parolier a levé les yeux (pas la tête) de ses pédales que pour s’adresser à l’auditoire. On sentait une gêne le rendant toutefois charmant à souhait. Il nous a tout de même offert un nouveau titre (il en faut du courage pour offrir un nouveau titre après une absence prolongée de la scène).

Loïc utilise sa voix comme un instrument créant un son lisse et lancinant, un peu à la manière d’Eddie Jerome Vedder (Pearl Jam), en n’appuyant pas trop sur les consonnes. En soit, c’est un choix d’esthétique sonore qui se défend, mais hier sur scène cet esthétisme était poussé un peu trop loin puisqu’on ne pouvait pas bien distinguer les textes, pourtant fort poétiques et sophistiqués, de ces compositions. Au final, cela nous aura donné envie de redécouvrir ses albums pour s’abreuver de sa plume. Un poète timide, avec une guitare de punk rocker, on en reprendrait bientôt. Alors, on le revoit sur scène sous peu?

 

Grille de chanson (Lucill)

1. Et je cours
2. Détours
3. Personne
4. Calme
5. Seul au monde
6. Trop près
7. Fougue du soir
8. Baisser les yeux
9. Presque (reprise de Alain Souchon)
10. Bunny

Grille de chanson (Loïc April)

1. Ne rien faire
2. La marche à suivre
3. Nous ne sommes plus de ceux qui se foudroient
4. La convention des plans mort-nés
5. Nouveauté (titre inconnu)
6. ?
7. Fait de ma tête ton jouet

Vos commentaires