crédit photo: Pierre Langlois
Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp

L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et DahL à la Sala Rossa | Bêtes féroces de l’espoir

Dahl et l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp ont enflammé la Sala Rossa, hier soir, lors d’un concert organisé par Distortion Psych Fest & Analogue Addiction.

Je dois l’admettre tout de go: je suis arrivée en retard à la première partie, n’ayant pu n’en entendre que quelques notes. Il y a de ces journées où on planifie de manière enthousiaste, lors desquelles, par exemple, on fait un aller-retour à Québec pour rencontrer en après-midi un responsable en éducation afin de le sensibiliser à la ségrégation scolaire et parler de ce qui nous divise et morcelle. Et la route longue, et le retard qui se creuse, et manquer Dahl qui a livré, en première partie, quelques pièces issues de leur album Drosophila, avec claviers et guitares lancinantes. Les quelques vieux amis ayant eu la chance d’être dans la salle ont apprécié ce groupe, joyeusement surpris par la proposition, séduits par la fluidité et l’originalité des pièces, brumes lumineuses.

Et puis, l’Orchestre Tout puissant Marcel Duchamp. Ensemble réuni par Vincent Bertholet et issu de la Suisse, en courte virée au Québec. Le groupe s’est installé en scène dans un grand coup de vent d’énergie.

Les musicien.nes, un.e par un.e, ont pris place, bien serré.es entre les deux marimbas sur les côtés, les deux batteries à l’arrière, et tous ces pieds de micro laissant entendre que ces musiciens, ils seront aussi chanteurs.

Mais ce sont les voix des femmes qui dominent la scène, dès l’ouverture, avec Liz Moscarola au violon et à l’essentiel des voix, avec son timbre clair et habité, ses lignes mélodiques syncopées et créatives et sa présence scénique d’une théâtralité gutturale, et, tout près, Naomi Mabanda au violoncelle, également aux voix.

Et dans l’enchaînement des pièces, qui nous laissent à peine le répit de se dire «Oh! Que c’est bon!», ils et elles repartent, avec la batterie nerveuse, la contrebasse fiévreuse, les guitare endiablées (les deux guitaristes, wow!), les cordes percussives, les cuivres tantôt klez tantôt punk. On a envie d’hurler à la lune avec eux, de psalmodier, de faire aller nos mèches folles en dansant.

La Toute Puissance de l’orchestre, elle est là, dans ce déferlement de joie et de colère saine, dans cette pulsation qui nous rappelle qu’on est vivant.es en crisse malgré la morosité politique, dans cette joyeuse harmonie chaotique, musique comme une forêt vive.

On se dit : oui, c’est la fanfare dont on a besoin pour bercer la fin de ce monde, et accueillir celui qui viendra après, plus libre on l’espère, plus doux il le faudra, plus coopératif, c’est la seule voie.

Ce spectacle, c’est le genre d’expérience esthétique qui te traverse de bord en bord, qui te renverse et te disperse dans chaque note de musique, te laissant haletant.e et essouflé.e.

C’est une leçon de joie et de courage, qui rappelle qu’on peut faire oeuvre commune sans effacer nos singularités, qu’on peut tisser quelque chose de puissant sans perdre en douceur. Que la voix humaine est exquise et touchante, même versée par petites gouttes. Qu’on a besoin, encore et encore, de se raconter.

C’est fou ce que les humains peuvent faire de grand, quand ils et elles s’y mettent, ensemble. Ils et elles chantent Miron, en fermeture de concert, nous laissant avec ces mots, qui résonnent d’une force nouvelle : « à force d’avoir pris en haine toutes les servitudes / nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir ».

Un grand concert, des musiciens agiles et généreux, un ensemble unique.

Ils seront en concert au Zénob de Trois-Rivières ce soir et au Pantoum de Québec demain, 23 septembre. Manque pas ça, l’ami.e.

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