Les femmes s'en mêlent

Les Femmes s’en mêlent | La condition féminine en musique d’un continent à l’autre

Le 23 mars prochain, Montréal accueillera des artistes du Québec et de l’Europe pour un spectacle qui vise à mettre de l’avant des femmes fortes et indépendantes issues de la francophonie, à la tête de leur projet et de leur avenir. Les Femmes s’en mêlent, un évènement qui célèbre cette année son 22ème anniversaire en France, sera présenté pour la première fois en sol canadien, et introduira au Club Soda les artistes Flèche Love, La Bronze, Annie Sama et Alice et moi. Entre la France et le Québec, vision de deux artistes engagées, engageantes et inspirantes.

Des invitées particulières

Pour Annie Sama, la participation à cet évènement est avant tout une occasion d’unir la France et le Québec dans des projets communs. L’artiste multidisciplinaire originaire de Sherbrooke produit de la musique qui oscille entre l’électro, le R&B et le hip-hop, mais évolue également dans le milieu de la mode et des arts visuels, et voyage constamment entre le Québec, l’Europe et les États-Unis.

« Toute la semaine, j’ai échangé des liens avec les autres bands, et j’espère qu’il va en découler de belles futures collaborations. Je pense que c’est ça qui est vraiment important, la collaboration de nos équipes et de nos deux pays autour d’une vision, une volonté de faire changer les choses par rapport à la place qu’occupent la francophonie et les femmes en musique », explique-t-elle au téléphone, en voyage à Paris au moment de l’entrevue. Elle se produisait d’ailleurs là-bas avant de revenir en sol québécois, accompagnée des Françaises Flèche Love et Alice et moi.

D’ailleurs, pour Alice et moi, une des nouvelles figures de la scène pop française, la participation à l’évènement est teintée d’une toute autre symbolique. « Un de mes tout premiers concerts, c’était justement en 2016 pour Les Femmes s’en mêlent, à Paris. J’avais joué dans une toute petite salle qui s’appelle Madame Arthur, j’étais très timide, et ils m’ont donné la chance de jouer alors qu’à l’époque j’étais qu’à mes débuts. Ça m’a donné confiance en moi, et je suis trop contente de rejouer maintenant pour eux », raconte l’artiste jointe par Skype, son éternelle casquette rose vissée sur la tête.

« Je trouve que c’est une super idée de faire un spectacle qui met les femmes à l’avant. Ce qui est cool aussi, c’est qu’ils prennent à la fois des filles qui sont connues, mais aussi des artistes qui sont en développement et qui ont besoin de faire des scènes, qui ont des choses à dire », renchérit-elle; un discours également partagé par Annie Sama : « C’est sûr que ça [Les Femmes s’en mêlent] démontre quelque chose, et pour moi ça a une grande force et ça porte un message, un soirée uniquement de femmes ».

Les femmes et l’industrie

L’évènement aborde un thème qui préoccupe beaucoup les acteurs et actrices de l’industrie musicale : celui de la place qu’occupent les artistes féminines en musique, un milieu souvent dominé par les hommes. « Au niveau du booking, on [les femmes] a parfois l’impression de perdre notre temps avec certaines personnes, parce que s’il n’y a pas un intérêt amoureux ou autre, ça devient moins intéressant pour eux. Il faut toujours essayer de trouver les bonnes personnes avec qui travailler, celles qui ont un vrai intérêt par rapport à ce qu’on fait en tant que femmes, en tant que musiciennes. Il y a un changement qui s’opère, de plus en plus de productions ont décidé d’ajouter des femmes dans leur équipe, et je crois que ça va continuer de s’améliorer », relate Annie Sama.

L’artiste québéco-congolaise se sent également parfois mise dans des cases, comme elle fait partie d’une minorité visible, et qu’elle déroge selon elle au rôle traditionnel de « femme » en musique. « On veut souvent m’imposer l’idée que parce que je suis une fille, je dois faire de la musique douce. Si ça me tente de crier dans une chanson, je vais le faire, parce que c’est selon moi l’émotion que ça prend pour cette pièce-là. Par contre, si j’étais un gars et que je rappais, ou que je chantais et que j’avais cette émotion forte-là, je me ferais acclamer », se désole-t-elle.

Il reste quand même que mon but, c’est de continuer d’inspirer d’autres filles à le faire, à ne pas avoir peur de choisir son équipe comme il le faut et de ne pas attendre après personne pour écrire sa musique.

Une situation qui a aussi un écho en France, chez Alice et moi. « Je trouve qu’on met encore trop les filles en compétition dans le milieu de la musique. Les gars, on ne leur dit pas qu’ils ne peuvent pas réussir, alors que moi, quand je dis que je fais de la pop, on me répond qu’en France il y a déjà Angèle, et donc que mon projet ne fonctionnera pas. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde, et surtout qu’entre filles, on sait que ça peut être galère et dur, donc moi je suis trop contente pour chaque fille qui réussit. Peut-être qu’il y en a une plus jeune que moi qui est en train de marcher en ce moment, et c’est tant mieux pour elle, je veux qu’elle y arrive », relate la chanteuse.

Pour celle qui autoproduit tous ses EP, compose et écrit sa musique, l’invisibilisation de son travail est également un enjeu de taille.

Je pense que les filles et les mecs travaillent autant, parce que quand t’as un projet en musique tu dois y donner tout ton temps, mais qu’il y a un problème au niveau de la perception. Dans le cas des hommes on se dit que c’est forcément eux qui travaillent, et dans celui des femmes, on se dit que c’est plutôt les gens autour d’elles, comme si elles ne pouvaient pas le faire toutes seules.

Malgré tout, elle reste positive et optimiste, et, même avec le travail qu’il reste à faire, trouve qu’elle évolue dans un milieu solidaire. « Je vois pas mal de filles qui arrivent dans l’industrie française et qui sont à la tête de leurs projets, qui gèrent tout, alors que peut-être qu’avant il y avait plus cette idée que les filles venaient juste être porteuses d’une image, qu’elles ne composaient pas, n’écrivaient pas… Après, même dans le milieu du rap, il y a plein de rappeuses qui arrivent, et je trouve ça hyper cool », se réjouit-elle.

Les billets sont en vente par ici. 

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