crédit photo: Zoé Arcand
Womansplaining

Le Womansplaning show : faire de la place aux femmes, une blague à la fois

Après avoir présenté Womansplaning au ZooFest cet été, les humoristes Noémie Leduc Roy et Anne-Sarah Charbonneau prendront d’assaut la scène du Lion d’Or le samedi 18 septembre 2021. Le duo animera cette soirée humoristique lors de laquelle sont invités d’autres humoristes « à venir expliquer des concepts, des mots ou des thèmes féministes, tout ça à travers la blague ».

Rafaële Bolduc, Garihanna Jean-Louis, Meghan Brouillard et Coco Belliveau seront de la partie samedi prochain et occuperont la scène pour des numéros d’environ 10 minutes, présentant un format inspiré par des soirées telles que Le cabaret des Sorcières, animées par Judith Lussier.

« Pour l’instant, ce sont toutes des femmes qui sont invitées à prendre part au spectacle, et on a un réel souci d’inclusivité: on se voyait mal animer un show sur le féminisme auquel les participantes seraient toutes des femmes blanches cis », explique Anne-Sarah Charboneau, appuyée par Noémie.

Respectivement membres des cohortes 2019-2021 et 2018-2020 de l’École Nationale de l’Humour (ENH), les deux humoristes de la relève ont voulu présenter leur spectacle elles-mêmes, indépendamment du ZooFest. « On a eu des bons commentaires des humoristes qui ont participé au show et des humoristes qui sont venus voir le show, puis le public aussi a l’air d’avoir vraiment tripé, donc ça nous a juste donné envie de continuer et de rendre ça un peu plus gros », raconte Anne-Sarah.

Même si « le milieu de l’humour évolue dans la bonne direction » et tente d’être plus ouvert à d’autres genres qu’aux hommes, selon le duo, il manque tout de même de diversité. Par exemple, « ils veulent une fille par show puis ils trouvent qu’il n’y en a pas beaucoup, donc il y a tout le temps juste une fille par spectacle dans les bars. Nous, on veut prouver qu’il y en a beaucoup de filles! », s’exclame une fois de plus Anne-Sarah. Elle et sa collègue ont d’ailleurs une longue liste de femmes voulant participer à leur projet à qui elles doivent dire que leur tour ne viendra que dans plusieurs mois.

Une première présentation encourageante

C’est cet engouement et l’approbation de leurs collègues féminines qui leur ont donné le goût de continuer ce projet au-delà du festival pour la relève humoristique. Noémie raconte que « même si les filles ont fait d’autres soirées d’humour, elles parlent tout le temps [du Womansplaning Show] comme ayant été un de leurs plus beaux, parce que les sujets étaient respectueux. » C’est ce qui l’a motivée à continuer.

Les deux collègues soulignent au passage que le but du spectacle est d’offrir plus de place aux femmes, pas de haïr les hommes. « Il y a des gars qui nous ont dit qu’ils avaient peur de venir voir notre show parce qu’ils avaient peur de se faire basher… Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Le nom est sarcastique là! », rassure Noémie, presque découragée par cette manifestation de leur masculinité toxique.

Ce n’est pas de l’humour noir, ça se veut vraiment inclusif, à la blague et le fun!

« Ça fait du bien aux filles qui sont dans le milieu » et c’est tout ce qui compte. Il ne faut donc pas s’attendre à du « man bashing ». Elles expliquent que « dès que tu t’intéresses à ces enjeux-là, à des femmes qui parlent de leurs expériences, tu devrais avoir du plaisir et apprendre des choses ». La gent masculine présente au ZooFest a justement « donné de bons commentaires », assurent-elles. Pour reprendre les mots d’Anne-Sarah : « [les gars] vont peut-être avoir le goût réfléchir après le show pis c’est peut-être une bonne chose. »

F comme futur… ou féminisme?

Suite à son expérience à l’École de l’humour et dans ce « Boys club » que constitue ce milieu, Noémie dit avoir fait du féminisme sa mission, quand il s’agit de sa carrière comme humoriste. Elle ne se voit pas parler d’autres choses dans un futur proche, même si ça dépend de l’évolution du milieu à ce niveau:

Présentement, quand j’écris, je ne peux pas penser à des choses qui n’ont pas rapport avec comment je me sens en tant que femme dans ce milieu-là.

Du côté d’Anne-Sarah, une chose est sûre: elle n’embarquera jamais dans un projet qu’elle considère « complètement sexiste ou antiféministe ». Elle explique que le féminisme fait tout simplement partie de leurs valeurs: « [le féminisme] c’est tellement de choses, ça fait partie de nos vies. Comme le stand-up c’est se livrer soi-même, mes sujets vont l’être malgré moi. »

Cette dernière déplore que ce phénomène soit souvent perçu d’un mauvais oeil ou « trop radical ». À ses yeux son humour n’est ni trop dur ni trop noir: « je parle vraiment d’anecdotes personnelles, c’est tout ». De son côté, Noémie s’avoue désenchantée par le classique humour absurde présenté par les hommes du milieu: « tout le système est en place pour qu’ils puissent faire des bruits de pet avec leur bouche et que ce soit l’hilarité ».

C’est d’ailleurs en reconnaissant leur propre privilège qu’elles ont poussé pour recevoir sur scène « des femmes racisées et de différents backgrounds, pour nous c’est super important ». Elles affirment mettre de réels efforts pour découvrir des artisanes de l’humour issues de la diversité.

Une supplémentaire est déjà prévue pour le 8 octobre. Lors des représentations de 17h et 20h, ce sera une toute autre cuvée d’humoristes qui défilera sur scène: on peut s’attendre à entendre les blagues de Marie-Hélène Racine-Lacroix, Emna Achour, Judith Lussier et Tranna Wintour.

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