crédit photo: Steve Gerrard
Mayhem

Le triomphe impérial de Mayhem à Montréal

Le légendaire groupe norvégien était finalement de retour au Québec le 26 mars 2025 après des annulations l’automne dernier accompagné de Mortiis, Imperial Triumphant et New Skeletal Faces. Et oui, malgré les années, l’âge, les attentes, ces musiciens cultes du black metal ont réussi à prouver qu’ils étaient encore parmi les plus grands détenteurs de la flamme noire d’un genre extrême et mystique, notamment grâce à l’aura unique du chanteur Attila. Un spectacle bien ficelé – voire barbelé – avec des belles images d’archives et une setlist remontant le temps, rendant hommages aux défunts membres.

* Photo par Steve Gerrard

Oui, encore une fois, Mayhem. Un groupe au grand nom, qui tourne relativement souvent depuis la célébration de l’album mythique De Mysteriis Dom Sathanas. Alors certes, on se demandait ce que les Norvégiens allaient apporter cette fois-ci. Après une tournée annulée l’automne dernier suite à des problèmes de santé du chanteur, Mayhem revenait à Montréal au Théâtre Corona-Beanfield-Whatever. Et à la mi-cinquantaine pour les membres originaux, les musiciens n’ont pas seulement rendu hommage au genre et à leur propre histoire, mais ils ont su encore une fois la transcrire sur scène en nous emportant dans leur univers qui a influencé et continuera d’influencer des générations entières.

Ouvertures diverses et divergentes

Présentée par le magazine Decibel, l’affiche de cette tournée jouait la carte d’une diversité appréciable dans une soirée de 4 groupes un mardi soir, un exercice toujours audacieux pour rester pertinent. Le trio – en fait un quatuor mais un des guitaristes ne pouvait pas rentrer au Canada – New Skeletal Faces ouvrait le bal avec son death rock imprégné de la vague post-punk gothique des années 90. Un style rafraichissant dans ce genre de soirée, avec un chanteur-guitariste rappelant une version gothique de Paul Stanley. On sent la relative jeunesse du groupe sur l’expérience scénique, mais de bonnes chansons font taper du pied la salle qui se remplit timidement.

* Photo par Steve Gerrard

S’en suivait Imperial Triumphant, un groupe américain que l’on adore ou qu’on déteste, un peu comme l’art contemporain, mais qui ne laisse personne indifférent, avec son metal avant-gardiste cinématique bizarroïde progressif et ses masques mystérieux. Peut-être pas franchement triomphant, dans cette frontière progressive parfois floue entre performance technique et cacophonie maîtrisée, mais définitivement intriguant, des interactions du chanteur avec une voix robotique à la présence tout aussi étrange du bassiste.

* Photo par Steve Gerrard

Et c’était alors Mortiis, considéré par beaucoup comme le père du dungeon-synth, musicien culte de la scène norvégienne, qui prenait la scène pendant 45 minutes avec son univers donjon-dragonesque. Un show très bien fait, des projections sur l’écran en noir et blanc nous emmenant dans son unviers heroic-fantasy, avec un percussionniste sur scène qui rajoute un peu de vibration et d’action. Cependant, les avis restent divisés sur la pertinence de l’expérience scénique d’un genre si calme et ambiant, certes envoûtant ou relaxant, mais sorti d’un univers peut-être moins « live » que bande sonore à écouter à la maison ou dans un autre contexte qu’un concert.

* Photo par Steve Gerrard

La domination Mayhem

La scène est alors dégagée, un film d’archives est projeté sur l’écran, et Mayhem monte sur scène sous une ovation, pour nous envoyer plus d’une heure de black métal comme on n’en fait presque plus. Menés par l’indétrônable fondateur restant, Necrobutcher à la basse, appuyé par les fûts infernaux de Hellhammer, qu’on peine malheureusement à entendre au début, et les deux « plus jeunes » aux guitares, la machine de guerre Mayhem est bien réglée, emportant le public dès les premières notes. Allant puiser d’abord dans leur répertoire des années 2000, des albums comme Daemon, Chimaira, ou Grand Declaration of War, le groupe nous captive avec une mise en scène bien travaillée.

* Photo par Steve Gerrard

Mais il faut le dire, le groupe ne serait rien sur scène sans son pilier actuel : Attila. Le seul non-norvégien, flairé à l’époque par le défunt Euronymous, qui avait effectivement déniché la perle rare (voir notre entrevue d’Attila pour l’histoire). Le chanteur dégage une aura unique. Non seulement de par sa théâtralité diabolique, ses gestes étranges, ses maquillages, accessoires et costumes extravagants, mais aussi par sa voix.

Attila explore en effet une palette très large de sons, de cris et de chants, ne se contentant pas des hurlements aigus typiques du black métal, mais jouant avec un registre impressionnant par sa variété, mais aussi sa singularité du moment. On sent vraiment que le chanteur est presque possédé, se laissant aller dans des variations qui changent surement à chaque concert, comme il l’avait déjà prouvé en 94 en enregistrant De Mysteriis Dom Sathanas avec ses voix si expérimentales mais tout autant diaboliques et malsaines.

* Photo par Steve Gerrard

Le final impérial, la force du passé, des piliers du genre

Le meilleur restait à venir car les deux rappels valaient leur pesant d’or. Le premier était introduit par des images d’archives intéressantes, dont sûrement des inédites, documentant la genèse de l’album De Mysteriis Dom Sathanas, et rendant hommage à Euronymous. Et le groupe de remonter sur scène, tous vêtus de tuniques à capuches noires, pour jouer la magnifique Freezing Moon. La fin de ce rappel fut marquée par Funeral Fog, joué sans Attila, mais avec un enregistrement de la voix du défunt chanteur, Dead. Un bel hommage, que Mayhem avait déjà mis en place sur la tournée anniversaire de l’album il y a quelques années.

Le deuxième rappel était tout en rouge, à l’image de DeathCrush, premier EP du groupe en 87, rendant encore hommage à la mémoire de Dead. La progression du spectacle était ainsi intéressante musicalement, de partir des morceaux plus élaborés des années 2000, pour aller vers le classique De Mysteriis Dom Sathanas et la consécration de Mayhem dans les années 90, pour finir par les années 80 et Deathcrush. Ce dernier répertoire qui revient à un style très cru et basique, flirtant avec le punk et le thrash metal des voisins allemands de Kreator en 84, brutal et rapide souhait. Fini l’atmosphérique ou le mystique, juste de la violence pure, l’Armageddon musical final, qui témoigne aujourd’hui de ce qu’on créé quatre jeunes musiciens il y a quarante ans dans une banlieue au sud de Olso, pour poser les piliers d’un genre musical.

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