crédit photo: André Rainville - villedepluie
Alexandra Stréliski

La Néo-Romance d’Alexandra Stréliski | Une promenade en forêt pour apaiser les coeurs brisés

En s’assoyant, toute vêtue de blanc, au piano de la Salle Wilfrid-Pelletier sous un tonnerre d’applaudissement, la pianiste adorée du public nous a fait découvrir son nouvel opus Néo-Romance. Avec en toile de fond un dispositif scénique qui projete deux toiles de style « Renaissance », le tableau devant nous peut inspirer un salon du 18ième siècle auquel on avait même ajouté un plafond!

La mise en scène est très appropriée puisque le concert débute par Air de Famille, une pièce au style intimiste qui est d’ailleurs ma préférée du nouvel album. Chaque coup de pédale est bien dosé. La salle s’est donc laissée envoûter par cette magnifique mélodie empreinte de mélancolie. Les subtils changements d’éclairage ponctue la musique au bon moment. En assistant à ce moment magique où j’aurais préféré me retrouver dans une toute petite salle, je me disais que ça pourrait paraître long si cette ambiance de type « salon du 18ième siècle » restait plaquée là tout le long.

Fort heureusement, j’ai rarement vu un spectacle néoclassique aussi dynamique.  Dès la deuxième pièce, One last dance, les deux tableaux se séparent et le plafond se soulève.  Cette pièce comprenant plusieurs longues pauses pendant lesquelles le son se dépose et la mélodie respire, le piège eut été d’accélérer ou d’escamoter ces instants de grâce dans l’énervement d’un début de concert. Au contraire, Stréliski a su rendre ces moments confortables. L’ambiance était sujette à la contemplation.

Sur the first kiss qui suit, on entend l’accompagnement du trio à cordes, trois des membres du Karski Quartet soit la violoniste Natalia Kotarba, l’altiste Diede Verpoest et la violoncelliste Julia Kotarba, qui s’exécutent cachés derrière les tableaux. On aurait pu croire à un enregistrement. Quelle ne fut pas ma surprise de les voir apparaître un peu plus tard au cours du spectacle.  Ces musiciens accompagnent également Stréliski sur l’album.

Même si on a beaucoup entendu dans les dernières années Burnout fugue de l’album Inscape, Alexandra en a fait une interprétation très inspirée dans la salle Wilfrid Pelletier, débutant la pièce quelques tons plus bas. C’est à ce moment-là que le dispositif scénique en pivotant a permis au public de voir avec l’angle du plafond miroir l’intérieur majestueux du piano à queue. Percussionniste à ses heures du pied gauche, (oui elle tappe du pied en jouant) la fougue était au rendez-vous.

En prenant la parole entre les pièces Stréliski, nous présente Dans les bois en indiquant qu’elle faisait parfois de la musique de film pour mettre la musique au service de l’image. Elle propose dans cette pièce un titre plutôt concret, mais comme elle dit faire de la « musique libre » , elle nous laisse le loisir de voir où cette balade dans les bois nous mènera selon l’histoire qu’on y trouvera en l’écoutant. Charmante introduction pour un morceaux qui commence avec le trio à cordes s’exécutant en harmonique. La balade en forêt sera douce mais stressante, empreinte d’inquiétude je dirais. L’éclairage subtil et habile permet de deviner les mouvements d’archets derrière une forêt en filigrane qui avait remplacé les deux tableaux de la renaissance. Formidable mise en scène, je l’ai tu-dis?  Un de mes moments favoris du spectacle.

Elle enchaîne ensuite tour à tour quelques «vieux succès» dont Changing Winds et Blind vision dont les arrangements sont plutôt différents. Avant d’entamer Overturn, Stréliski mentionne que l’album Néo Romance s’inscrit davantage dans l’ouverture sur son monde intérieur.  Inscape était davantage un album introspectif inspiré d’un repli sur soi. Le contraste entre la tourmente d’Overturn qui nous mène vers The Hills et The Breach est frappant. Une genre de variation sur le même thème mais menant vers la paix. D’ailleurs la mise en scène souligne très bien cette mouvance en offrant un spot lumineux presque céleste au-dessus du piano. Une inspiration divine. Tonalités majeures plus affirmées, on voit la lumière au bout du tunnel. Elle nous révèle d’ailleurs que sa peine d’amour s’est terminée dans la plus grandes des joies. On entend bien dans son interprétation ce qu’elle évoque.

Stréliski nous guide à travers ce parcours néo-romantique en nous faisant remarquer que l’amour vient avec le plus grand risque: perdre les gens qu’on aime. Élégie s’impose alors comme une marche funèbre, un adieu douloureux.  Dans cette pièce, les soeurs Kotarba (l’une au violoncelle et l’autre au violon) ont un peu volé la vedette prenant amplement leur place et avec un son très incarné.

C’est sous un fond qui mime l’aube qu’Ad libre débute sous un soleil jaune, orange, les couleurs chaudes où on se fait bercer par la romance. La pièce titre de l’album d’ailleurs, A New Romance arrive en toute fin de course au rappel. Tranquille mais syncopée, avec une finale hors du commun, elle clôt le concert sur une bonne note.

Finalement, alternant entre le piano droit et la piano à queue, le spectacle Néo-Romance de l’album du même nom fait du bien à ce printemps tardif. Stréliski s’en est forcément rendu compte puisque ça s’est conclu sous des ovations à n’en plus finir. Pour ceux qui auraient manqué le concert, elle revient les 17 et 18 janvier 2024 à la Salle Wilfred-Pelletier.

 

 

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