crédit photo: François Laplante Delagrave
La Machine De Turing

La machine de Turing au Rideau Vert | Récit d’un génie incompris

La vie d’Alan Turing, mathématicien et chercheur britannique, continue de fasciner plusieurs décennies après sa mort.  Des créateurs de partout dans le monde s’approprient son histoire.  L’auteur et acteur français Benoit Solès signe un portrait sensible de ce personnage incompris qui a pourtant changé le cours de l’Histoire grâce à son travail sur la programmation numérique. La pièce La machine de Turing a remporté plusieurs prix Molière en France suite à sa création en 2018.  Adaptée au Théâtre du Rideau Vert, l’oeuvre nous plonge dans l’intimité de ce génie marginal et rassuré par les chiffres.

Dès l’ouverture du rideau, Turing, interprété par Benoit McGinnis, s’adresse au public directement, avec candeur et aplomb.  La table est mise pour une rencontre marquante avec cet homme attachant, alternance de narration et de tranches de vie non chronologique.

* Photo par François Laplante Delagrave.

Une collection de moments choisis peint un tableau d’évènements permettant de mieux comprendre son isolement, sa grande sensibilité et de reconnaitre son talent d’exception.

Le texte de Solès dresse un portrait très impressionniste de qui a pu être Turing, dans toute l’affirmation de sa différence, malgré l’homophobie et le harcèlement dont il était victime. Recruté par les services secrets anglais à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Alan Turing a eu l’idée de créer une machine afin de déchiffrer Enigma, la technologie utilisée par les Allemands  pour communiquer des messages codés sur de très longues distances.

Alors, quoi de mieux qu’une machine pour battre une autre machine ? Et qui de mieux qu’un fou pour battre un autre fou ?

Une fois son travail terminé et sa machine confinée, le MI6 l’a harcelé durant près de dix ans pour s’assurer de son silence.  Utilisant l’angle de son homosexualité, ils ont fini par le faire condamner et forcer à un traitement hormonal inhumain, qui aura raison de sa santé mentale et le poussera au suicide.

* Photo par François Laplante Delagrave.

Interprétation remarquable de McGinnis

Plus grand que nature, le jeu de McGinnis est encore une fois sans faille.  Composant un Alan Turing atypique mais hilarant, vulnérable mais affirmé, l’acteur nourrit les plus belles envolées neurodivergentes tout en restant d’une cohérence inébranlable.  Ses trois acolytes sont tout aussi brillants: Étienne Pilon, méconnaissable en inspecteur de police prosaïque,  Jean-Moïse Martin en professeur autoritaire et Gabriel Cloutier Tremblay, l’amant secret qui trahira Turing à plusieurs reprises, dont en cour de justice pour se sauver la peau.

La pièce se veut un bel hommage à ce scientifique créatif dont les travaux ont permis rien de moins que le développement du codage et de la programmation informatique telle qu’on la connait aujourd’hui. L’angle très poétique choisi par Solès permet une réflexion universelle sur l’acceptation de la différence et expose la vision singulière des grands esprits sur le monde qui les entoure, avec une sensibilité poignante et désarmante.

Alan Turing n’aura jamais eu l’occasion de tenir un téléphone intelligent dans ses mains, mais comme l’auteur le suggère, quand on voit une petite machine clignoter, c’est peut-être Turing qui nous fait un clin d’oeil d’où il est.

À voir au Théâtre du Rideau Vert de Montréal, du 30 janvier au 24 février 2024 et partira ensuite en tournée dans diverses villes dont Gatineau, Laval, Brossard et Drummondville. Détails et billets par ici.

Écrit par Benoit Solès (France). Adaptation de Maryse Warda.  Mise en scène de Sébastien David.

 

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