Dave Chappelle

Just For Laughs 2013 | Dave Chappelle au Théâtre Maisonneuve

Dave Chappelle débarquait en ville cette semaine pour une série de dix représentations (toutes à guichet fermé) au Théâtre Maisonneuve, à l’occasion du festival Just For Laughs. En dépit de son retard de plus d’une heure et des nombreuses restrictions contraignantes qu’il impose au public et aux médias, la star américaine de l’humour n’a pas déçu pour son tout premier spectacle à Montréal depuis 2000.

« There will be no photos allowed. No cell phones, no tweeting, no texting. No heckling ; there will be no interactions with the comedians during the show tonight. Those who get caught doing one of those things will be escorted out of the building. »

dave-chappelle-just-for-laughs-2013-restrictionsCet avertissement, lu pas moins de cinq fois par DJ Louis (ou Lewis, on sait pas trop) avant que Misteur Chappelle n’entre en scène, s’ajoutait aux affiches (voir ci-contre) véhiculant le même message. Sur celles-ci, le mot « heckling » était traduit par « huer », ce qui n’est pas exact. Le public avait bien le droit de huer, oui. Il ne l’aurait pas fait de toute façon…

Côté « heckling », par contre, c’est une autre chose. La soirée en a été parsemée. Le « heckling » (qui se traduirait plutôt par « interrompre » ou « chahuter », en français) est un comportement plus fréquent chez le public anglophone, plus particulièrement américain.

Il faut comprendre qu’un show de Dave Chappelle n’a pas d’équivalence sur la scène québécoise. Sa présence sur scène relève plus de l’art oratoire que du spectacle de gags préparés auquel sont habitués les adeptes de Juste Pour Rire.

Cigarette au bec – il en fumera d’ailleurs un demi-paquet durant l’heure passée sur scène – Dave Chappelle circule lentement sur scène et aborde des sujets pêle-mêle avec une fluidité hallucinante. Certains gags sont préparés, répétés, mais l’improvisation a préséance.  Il jase avec son public, il l’aborde, le questionne.

Comme s’il venait tout juste de débarquer de l’avion (c’était peut-être le cas), l’humoriste s’est d’abord informé de notre situation canadienne, notre politique, nos us et coutumes, les valeurs de notre « gay-ass country », qu’il compare à la blague à « San Francisco avec plus de nature ».

Dépassé par notre intérêt pour le hockey et amusé par ce fait divers au sujet de l’infâme vol de sirop d’érable au printemps dernier, il admet tout de même que la situation américaine est bien pire et qu’il envie par moments les Canadiens. « Est-ce que je pourrais facilement déménager ici ? », demande-t-il à la foule, avant de laisser entendre qu’il devrait l’essayer, « juste pour voir où ça le mènerait ».

Sa lucidité est remarquable et son sens du punch l’est encore plus, même si son style décousu peut agacer par moments. De toute façon, sa foule lui mange dans la main, réagissant bruyamment au moindre gag.  Il aborde l’arrestation du coureur sud-africain Oscar Pistorius, sprinteur paralympique « pas de pieds » qui a tué sa compagne Reeva Steenkamp par balles, à leur domicile de Pretoria, plus tôt cette année.  Pas évident de faire rire avec un sujet pareil, mais Chappelle s’y lance avec une attitude carrément décontractée et réussi à semer l’hilarité.

Même chose pour son allusion à la controverse américaine entourant l’affaire Trayvon Martin, qui n’a pas semé l’hystérie anticipée.

Il revient aussi sur son départ controversé du « Chappelle Show », émission de télé au succès phénoménal, qu’il a quitté sans crier gare en 2005, tournant ainsi le dos à 50 millions de dollars. Un fait que ses amis n’ont pas cessé de lui rappeler. Sans en dévoiler trop sur le pourquoi et le comment de cette situation bizarre et controversée, il ne se défile toutefois pas, et déboulonne quelques mythes entourant sa vie post-Chappelle Show. « L’Afrique ?  Je n’ai passé que deux semaines en Afrique. Tout le monde en parle comme si j’avais passé 3 ans là-bas en sac à dos… »

Comme la représentation de 21h30 approchait, il a lâché : « est-ce qu’il y a d’autres sujets que vous aimeriez qu’on aborde avant que je m’en aille ? ».  C’est comme ça, un show de Dave Chappelle maintenant. Décousu, mais audacieux pour ne pas dire « sans filet », il surfe la vague de son immense popularité en offrant pour principal matériel ses enviables qualités d’orateur et son emprise sur son fidèle public.

À défaut d’être spectaculaire et orgasmique, le résultant n’en est pas moins rafraîchissant et admirable. Un show libre et franchement imprévisible, ça fait du bien.

Vos commentaires