crédit photo: Philippe Richelet
Julien Sagot

Julien Sagot rapplique avec un des meilleurs albums de 2021 à date

Le chemin créatif de Julien Sagot se poursuit avec un nouvel album qui paraît aujourd’hui, sous étiquette Simone Records. Un bijou de huit chansons gainsbourgesques, savamment arrangées avec audace et panache, où se côtoient violence politique, imaginaire tordu et douceur érotique. On navigue musicalement entre des ambiances trip-hop, des explosions rock, des textures enfumées et des sons triturés. De la grande chanson poétique toute en nuances et en contrastes, qui prendra vie sur scène le 12 mai prochain, dans le cadre d’un événement hybride qui promet. On a évidemment voulu en jaser avec le principal intéressé, qui a accepté notre invitation virtuelle.

Sagot se joint au rendez-vous Zoom en direct d’une petite pièce où se trouve à ses côtés un vieux piano. Il est tout de même souriant et chaleureux, malgré son apparent agacement envers le climat ambiant : les mesures sanitaires inconséquentes qui font payer, selon lui, un prix trop lourd aux enfants — il est lui-même père d’un jeune garçon en première année, et d’une jeune adolescente —, et des dialogues de sourds qui nous divisent davantage qu’ils nous rassemblent. « Il me semble qu’on a tout, collectivement, pour que ce soit un gros party. Mais il y en a trop qui boudent dans leur coin parce que ceci ou cela les agacent. »

Il a la jasette facile et l’humeur avenante, malgré l’épuisement collectif qui l’afflige comme presque tout le monde ces temps-ci. Parce que c’est long, la vie, sans socialiser. Particulièrement pour les artistes.

Ça prend une bonne vingtaine de minutes avant qu’on embarque dans le sujet qui nous réunit en principe, soit la sortie de son nouvel album simplement intitulé Sagot, puisqu’il en joue pas mal tous les instruments, en plus d’avoir assisté Antoine Binette-Mercier au mixage des pièces qui étaient déjà enregistrées au printemps dernier.

« Je devais le sortir en avril. Pas avril qui vient. Avril 2020… » Avec la crise qui est survenue, il a tout mis de côté pendant l’été, avant de s’y replonger à l’automne avec des oreilles fraîches, et une saine dose de recul. « En le réécoutant, je me suis dit qu’il était pas mal bon, mon album! »  On confirme cette impression. Sagot est sans contredit l’un des albums les plus fascinants de l’année à date.

Le mixage, que Sagot a confié à Antoine Binette-Mercier tout en l’accompagnant dans le processus, donne une grande valeur de réécoute à l’album en raison des nombreux détails qu’on y retrouve. Une écoute attentive révèle des textures angoissantes, des percussions trafiquées par toutes sortes de procédés techniques, des voix sussurées insérées de façon parfois insidieuse, mais aussi de l’espace, de l’air. « D’habitude, j’ai tendance à remplir tous les silences. Je mets du son partout. Je trouve qu’ici, c’est plus aéré, j’ai laissé respirer plus que d’habitude. »  Ça rajoute du poids aux moments explosifs, et du suspense au récit musical.

Il y a aussi Frannie Holder qui fournit les choeurs ici et là, et des cuivres (saxophones baryton, ténor et soprano signés François d’Amours) tout au long de l’album, qui viennent donner du souffle, même s’ils sont traités de manière (volontairement) « flat ».  « Quelqu’un m’a dit d’écouter les cuivres sur Virgin Suicide d’Air, et j’ai constaté que c’était la même approche sur le plan sonore!  J’aurais juste aimé l’entendre avant de les faire… »

 

Le premier extrait, Sexe au zeppelin, est paru en janvier, et laissait supposer une orientation sulfureuse, une façon assez frontale mais tout de même poétique pour aborder le sexe, un sujet qu’on associe plutôt aux scandales et aux abus, ces derniers temps.  Sagot ne s’en est pas formalisé. « Ma blonde me disait que je devrais écrire une chanson érotique, qui parle de cul. Je l’ai fait, ça m’a plu, mais j’avais envie d’autre chose pour les autres chansons. »

Musicalement, Morte alitée est probablement le climax de l’album, et vient clore ce que les amateurs de vinyle vivront comme une « finale du côté A ». Tendance Massive Attaque dans le groove et la crescendo en deuxième demie. Enivrant.

Ce sera le troisième extrait, qui viendra conclure un triptyque de vidéoclips réalisés par Pierre Tremblay, après Sexe au zeppelin et Cendre et descendre qui aborde avec une douceur étonnante la destruction de l’homme par l’homme :

 

Renouer avec la scène

Sagot prépare un spectacle pour le 12 mai au Ausgang Plaza, à Montréal. Il y aura deux représentations : à 19h, et 21h30.

Au moment de l’entrevue, il hésitait encore : il se demandait s’il devrait le faire en mode hybride, soit en présentiel (si possible et selon les règles sanitaires en vigueur à ce moment-là) et en virtuel. Depuis, la décision a été prise : des gens pourront le voir en personne, et d’autres à la maison. Nous avons fortement insisté pour qu’il admette un public, ne serait-ce qu’un nombre de personnes restreint. « Tu as bien raison, je pense que le contact avec les gens me manque trop. »

Sagot mise gros sur cette occasion. « Je ne sais pas si j’aurai l’occasion de faire plein de spectacles avec cet album, étant donné les circonstances. Alors je mets tout le paquet sur ce concert avec une grosse scénographie, des projections de mouvements et de textures avec une table lumineuse. »  Il parle ici d’un « cycloscope », outil de prédilection de Pierre Tremblay, celui qui réalise le ci-haut mentionné triptyque de vidéoclips.

La mise en scène et la scénographie seront assurées par Julie Robinson, les éclairages ont été confiés à Benoît Gromko, alors que Marc-André Duncan sera en charge de la sonorisation.

Sur scène, Sagot renouera avec des collaborateurs proches : Simon Angell, Charles Guay, Marc-Olivier Tremblay Drapeau, Nathan Vanheuverzwijn et Philippe Brochu-Pelletier. « Je me suis entouré de jeunes musiciens qui ont de la passion. Pas des vieux musiciens blasés! »

On trépigne d’impatience de voir tout ça à l’oeuvre le 12 mai. Billets en vente par ici.

Mais en attendant, un nouvel album paraît, et il risque de jouer en boucle dans nos écouteurs et sur notre table tournante.

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