Julien Dassin au Théâtre Maisonneuve | Et si Joe existait encore
Mon kitsch-o-mètre a explosé. C’était trop pour lui. Et dites-vous que je suis déjà allé voir Fugain, Adamo et Sardou. Julien Dassin est actuellement en tournée à travers le Québec pour son spectacle Julien Dassin chante Joe Dassin!, alors que le « fils de » reprend le répertoire du grand Joe avec respect et fidélité. Alors oui, c’était kitsch. Mais après avoir vu des centaines d’aînés sourire et danser au rythme de chansons de leur jeunesse, qui suis-je pour juger?
Le Théâtre Maisonneuve n’est pas plein ce lundi soir, mais Julien Dassin entame déjà sa troisième date à Montréal en une semaine, après deux premières performances la semaine dernière sold-out, ou presque.
Dassin fils arrive sur le côté jardin du parterre en entonnant Salut, serrant les mains d’admiratrices avec douceur, avant de rejoindre les cinq musiciens de l’Orchestre Paris Tour Eiffel qui l’accompagneront tout au long de la soirée.
L’artiste est sapé d’un complet-cravate, il n’est pas en blanc sur scène, comme il m’avait annoncé quelques jours plus tôt en entrevue, et voilà là où son projet se démarque d’autres spectacles de reprise : Julien Dassin ne cherche pas à incarner à tout prix son père dans ses moindres mimiques. Il livre les chansons avec une voix grave à peu près similaire à celle de Joe Dassin, et c’est tout.
Le périlleux exercice de la reprise
Le chemin de la reprise est un chemin dangereux : un pas de travers, et vous voilà dans une caricature ridicule. Un peu comme Brel! le spectacle, qui sera justement de passage au même Théâtre Maisonneuve d’ici deux semaines. Non, Olivier Laurent, tu n’es pas Brel. Tu ne le seras jamais. Rien ne sert à imiter ses petits mouvements de main, sa posture, bref.
Julien Dassin ne tombe heureusement pas là-dedans. Sa performance est sobre, il est au service de la musique et s’efface pour rendre un spectacle proche, probablement, de ce que le public devait entendre dans les années 70 en écoutant Joe Dassin. Et puis, même si Julien n’a jamais connu son père (il n’avait que cinq mois quand il est décédé, en 1980), il est plus légitime d’interpréter les chansons du grand Joe que n’importe qui d’autre sur Terre. Le sang dassinois coule dans ses veines, et ça, on ne pourra jamais lui enlever.
Maintenant, avouons tout de même que la direction artistique manquait de finesse et de bon goût à de nombreux moments du spectacle. Un écran au-dessus des musiciens diffuse des photos d’époque de Joe Dassin, des 45 tours de ses singles. Ça, ça va. Par contre, il diffuse aussi des vidéos au ralenti de couples qui s’embrassent devant un coucher du soleil ou qui se tiennent la main, enrobées d’effets à la PowerPoint avec des cœurs ou des rayons de soleil jonchant les côtés de l’image.
Il y avait certainement plus de matériel à aller chercher que de tomber dans cette facilité visuelle.
Et puis, il faut que je parle de ce moment. CE moment. L’été indien. Julien Dassin annonce qu’il ne lui faut que trois minutes pour tomber amoureux, avant de se diriger vers le public, le zyeutant avec attention . Aïe. Vous voyez où je veux en venir?
Julien Dassin choisit une femme au hasard sur le parterre, la faisant monter sur scène pour lui interpréter, et rien qu’à elle, L’été indien. Yeux dans les yeux. Ça ressemble à ça, si vous l’imaginer n’est pas assez.
Franchement, c’est gênant. Je n’ai pas d’autre mot. Autant pour la femme sur le tabouret que pour nous, public.
La seule vraie tache dans un concert, sinon, dans l’ensemble, musicalement bien rôdé.
Vers la fin de la deuxième partie du spectacle (un entracte de 20 minutes le séparait en deux), Julien Dassin fait lever une dernière fois le public avec L’Amérique en rappel, avant de l’émouvoir avec un duo, avec son père, sur l’écran, de Si tu n’existais pas. La chanson parle, originellement, de Dassin et d’une idylle amoureuse. Mais elle fonctionne diablement bien aussi quand elle est chantée par un père et son fils. « Et si tu n’existais pas, dis-moi pourquoi j’existerais. » C’est beau.
Ai-je passé la plus belle soirée de ma vie à écouter des chansons qui ne m’évoquent pas autant de souvenirs qu’à ceux dans le public, la plupart ayant plus du triple de mon âge? Non, je l’avoue. Mais retournons la situation : je m’imagine, en 2075, Geese souligner, devant une petite salle remplie de Gen Z, les 50 ans de Getting Killed. Cameron Winter, bedonnant et chauve, reprend les mêmes chansons pour la 1000e fois avec ce qu’il lui reste de voix. Je me revois en 2025, découvrir l’album. Les souvenirs refont surface. Est-ce que j’aimerais qu’un vingtenaire en 2075 écrive que le spectacle était mauvais de A à Z, alors que la performance n’était clairement pas destinée à sa tranche d’âge?
Qui suis-je pour juger une reprise fidèle d’un spectacle de Joe Dassin, donnant du plaisir à des aînés normalement délaissés dans ce monde qui carbure à la glorification de la jeunesse éternelle.
Joe Dassin n’a pas le répertoire d’un Brel, d’un Brassens ou d’un Gainsbourg, mais dans cette autre frange de chanteurs de divertissement plus grand public, il est certainement l’un des plus grands et des plus agréables à écouter. Les Champs-Élysées, L’Amérique, À toi, L’été indien, Dans les yeux d’Émilie… Ce sont des classiques qui ne mourront jamais, même si, lui, l’artiste n’est plus. L’Europe francophone n’a pas tourné la page de ces chanteurs si talentueux des années 60, 70, 80, et elle ne le fera jamais je pense. La flamme de la chanson française n’est pas aussi forte qu’il y a 50 ans, mais elle brûlera toujours.
Julien Dassin est en tournée au Québec jusqu’au 5 novembre prochain. Pour l’attraper sur scène, vous pouvez consulter ses prochaines dates et vous procurer un billet pour son spectacle juste ici.
- Artiste(s)
- Julien Dassin
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Maisonneuve
- Catégorie(s)
- Chanson, Francophone,
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