J.I.D.

JID au MTelus | Percutant

JID est l’un des rappeurs les plus indispensables de la décennie 2020. Il est dans le top trois, sûrement. Le rappeur originaire d’Atlanta présentait, vendredi soir, au MTelus, son plus récent opus, l’excellent God Does Like Ugly, dans un spectacle varié, exemple époustouflant de professionnalisme qui se perd de plus en plus dans l’industrie hip-hop.

JID a toujours été considéré comme un bon rappeur. Mais quand il a sorti The Forever Story, il y a trois ans, on a plutôt commencé à le considérer comme un grand rappeur.

Sortir du lot

Destin Route, de son vrai nom, entre sur la scène sur YouUgly, ouverture de God Does Like Ugly ponctuée des adlibs de Westside Gunn intégrés à la production. Un détail diablement important dans ce spectacle : JID rappe ses chansons. Vraiment. Il n’utilise pas de backing track. On n’aura heureusement pas droit ce soir à une performance à la Lil Baby, rappant un mot sur 10 quand ça lui chante. Un mot sur 10, et encore, je suis généreux. Ça pourrait vous sembler normal, mais dans le rap d’aujourd’hui, livrer complètement ses textes sur scène, ce n’est pas monnaie courante

Il rappe, d’accord, ça pourrait vous sembler normal. Mais ce que JID rappe bien.

Son flow est impeccable, en terme de précision surtout. JID démontre toute l’étendue de sa technique sur des morceaux comme Raydar ou 151 Rum, qu’il délivre avec une aisance déconcertante et avec une rapidité pas si loin des beaux jours d’Eminem.

Un écran accompagnera l’artiste tout au long de la soirée, montrant, tour à tour, des extraits de films, de clips, des visuels originaux ou encore des images d’époque, presque tous liés par la même thématique : la culture afro-américaine. Dans sa beauté et ses travers. Un moment fort de la soirée, encore en rapport avec le visuel du spectacle : durant Community, morceau en featuring avec Clipse, le public voit, amusé, Bob le Bricoleur se faire violemment tuer, en accord avec la ligne « I’ll put a bullet in Bob the fuckin’ Builder » rappée au même instant. Une ligne en particulier, parmi les centaines de vers présents dans God Does Like Ugly, qui a réussi à devenir un meme cette année chez les amateurs de rap. Un peu comme le « Mustaaaaaaard » de Kendrick l’année dernière.

D’ailleurs, en parlant de Lamar. Si GNX incarnait l’esprit californien du hip-hop de la plus belle des manières, le petit dernier de JID, God Does Like Ugly, représente quant à lui un summum similaire, mais du côté d’Atlanta. Je n’ai pas sorti cette référence de ma propre besace, je l’avoue. Je ne suis pas un fin connaisseur de la culture hip-hop d’Atlanta, à part un peu de Carti, peut-être. Cette référence, je l’ai vue sur Reddit. Mais comme ça, vous saurez.

Intensité mesurée

Le MTelus est plein à craquer, il est impossible de bouger d’un cheveu à partir du bout du bar sur le parterre. Même si la salle affiche méga sold-out, on notera quand même un enthousiasme quelque peu contenu de la part du public. Ça bouge, ça saute, mais pas énormément non plus. J’ai déjà assisté par le passé à des concerts de rap bien, bien plus fous au MTelus. Mais ça, JID n’y peux rien. Ça doit dépendre des foules, mais le matériel est là.

Ce qu’il y a d’agréable avec JID, c’est qu’il y en a à peu près pour tous les goûts des amateurs de musique urbaine. WRK transpire la rage, particulièrement sur scène, Of Blue donne envie de danser et Surround Sound est tout simplement un tube, un hymne des accros à TikTok.

On retrouve des points d’old school, des pointe de neo-soul, de rap conscient. Dans un océan, que dis-je, un raz-de-marée d’artistes trap et drill aussi profondément standardisés et inintéressants, c’est rafraîchissant d’entendre un artiste comme JID capable de faire paraître, dans les années 2020, des produits encore originaux et valant le détour d’oreille.

Vers la fin du spectacle, JID se fait lancer un t-shirt tout dégoulinant de sueur dessus pendant Bodies, une chanson qu’il a enregistrée avec Offset. Avec le sourire, mais quand même un peu dérangé, JID avoue que ça l’a dégoûté et se désinfecte peu longtemps après les mains avec du Purell, sous les applaudissements du public riant face au drôle de moment.

Après l’électrique Stick, dernière chanson du spectacle, JID s’assoit au bord de la scène et vient signer des casquettes et des t-shirts à la volée pour faire plaisir aux chanceux au devant du parterre, remerciant chaudement son public de répondre à l’appel année après année. Un comportement typique adopté par des groupes émergents jouant devant de petites foules, mais très peu typique pour un artiste cumulant 20 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Je n’aurais jamais pensé qu’un rappeur, faisant partie d’une communauté d’artistes prônant si souvent cette attitude du « je-m’en-foutisme », puisse être aussi proche de son public.

JID est un artiste professionnel et respectueux, mettant beaucoup de travail dans tous les compartiments de sa carrière. Et ça se ressent. Autant dans les textes, le débit ou la présence sur scène. Étrange qu’il ne remplisse qu’un MTelus, alors que le très peu talentueux GIMS, à quelques centaines de mètres de là, se payait le Centre Bell le même soir. Mais bon, si on commençait à discuter des artistes qui méritent vraiment, ou non, leur popularité, on n’en finirait plus.

Grille de chansons

  1. YouUgly
  2. Glory
  3. Community
  4. VCRs
  5. Gz
  6. Crack Sandwich
  7. Workin Out
  8. Kody Blu 31
  9. Stars
  10. And We Vibing [interlude]
  11. On McAfee
  12. Sk8
  13. Raydar
  14. Dance Now
  15. NEVER
  16. 151 Rum
  17. Down Bad
  18. WRK
  19. Of Blue
  20. Bodies
  21. Surround Sound
  22. Stick
  23. For Keeps [outro]

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