Je préfère qu’on reste amis au Théâtre du Rideau Vert | Comédie très légère

On peut dire d’une comédie qu’elle est romantique, satirique, critique, noire, efficace, désarmante, d’une mécanique redoutablement intelligente, et encore. Mais, rien de cela ne correspond à Je préfère qu’on reste amis, dont c’était la première jeudi soir au Théâtre du Rideau Vert. Le pire que l’on puisse dire étant comédie légère, c’est malheureusement le cas.

Après avoir monté avec succès l’excellent Monsieur Chasse de Feydeau en début de saison, voilà que Denise Filiatrault arrive avec sa deuxième mise en scène la même année au théâtre qu’elle dirige avec l’énergie admirable de ses 85 ans. Cette production est sa 55e mise en scène. Elle a un penchant pour la comédie, on le sait, et pour la comédie musicale aussi. Mais, ce Je préfère qu’on reste amis a peu à offrir entre ses mains expérimentées.

Crédit photo: François Laplante-Delagrave

Crédit photo: François Laplante-Delagrave

Le problème ne vient pas des comédiens : Geneviève Schmidt et Patrick Hivon sont crédibles et excellents dans leurs rôles d’amis inséparables. Le problème ne vient pas de la mise en scène de Madame Filiatrault, qui sans être très élaborée, fonctionne tout de même. Le problème ne vient pas de l’adaptation qu’elle a tirée de ce texte français de Laurent Ruquier, célèbre  animateur entre autres depuis huit ans de l’émission On n’est pas couché sur France 2. Le problème vient précisément du texte même de Ruquier, écrit pour son amie, la comédienne et humoriste Michèle Bernier, qui a pourtant connu récemment beaucoup de succès au Théâtre Antoine à Paris.

Ce texte, nourri d’ambiguïté et d’invraisemblance, de clichés et de lieux communs, nage constamment entre deux eaux, à savoir : est-ce qu’une relation d’amitié peut se transformer en relation amoureuse, et est-ce que la prostitution masculine est plus acceptable que la prostitution féminine?

Plutôt que d’évoluer vers un sentiment amoureux réciproque, cette histoire d’amitié inébranlable se révèle être basée sur le mensonge, la tromperie, l’hypocrisie et la fausse représentation. Comment Claudine, fleuriste dont la boutique s’appelle Crevette rose, aurait-elle pu cacher pendant cinq ans son sentiment amoureux des premiers jours envers son meilleur ami, Jean-Dimitri (dans le programme de saison, il s’appelait Marc-Olivier), qui lui travaille en publicité (du moins le croyait-elle). Comment Jean-Dimitri, encore une fois au cours de cette relation étalée sur cinq ans, n’aurait-il jamais soupçonné que sa meilleure amie ne rêvait que d’une chose, coucher avec lui et devenir son amante?

Le fait que Jean-Dimitri, qui pitonne sans arrêt sur son cellulaire, finisse par avouer être gigolo n’a rien non plus de drôle en soi. La prostitution n’a pas de ressort pouvant nourrir la comédie, qu’elle soit féminine ou masculine. Les détails scabreux du «travail» de Jean-Dimitri, avec ses trois ou quatre clientes par jour, dont des rendez-vous à minuit et demi, et une majoration de ses tarifs à 500. $ pour la députée qui compte parmi ses clientes régulières, ou encore qu’il soit à 85% hétéro et 15% bi, tout cela n’a rien de comique.

Les deux comédiens forment néanmoins un tandem réussi. Geneviève Schmidt, qui s’est fait connaître par la série télévisée Unité 9, est juste et avantageusement expressive. Elle aurait dû cependant l’être tout autant dans les bouts chantés qu’elle livre avec trop de retenue, ce qui est étonnant de la part de la metteure en scène qui a plutôt la réputation contraire. Et dommage que Patrick Hivon, un comédien au talent naturel, qui travaille pour la première fois avec Madame Filiatrault, le fasse dans une comédie aussi légère.

 

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