Iron Maiden au Centre Bell | Jouissif retour vers le futur
Quelques jours après leur passage dans la capitale nationale, Iron Maiden donnait son 21e concert montréalais, premier depuis 2019. Pour les fans finis, ça signifie cinq années interminables (dû en partie à cette saloperie de pandémie), constituant le plus long laps de temps entre deux concerts de Maiden en ville depuis leur tout premier en 1981.
Les plus vénérables se souviennent et étaient au Club — salle renommée ensuite Spectrum, avant de disparaître — comme le premier chanteur du groupe, Paul Di’Anno (décédé plus tôt ce mois-ci), qui fut remplacé par le dynamique et inimitable Bruce Dickinson dès l’album numéro 3.
D’ailleurs, comme le monstre marin et bien denté ayant enfanté le blockbuster d’été, Iron Maiden soufflera 50 bougies l’an prochain, avec pas moins de 17 albums studio au compteur (dont 13 avec Dickinson au micro). Ouaip, un demi-siècle… ça ne fait pas un peu dinosaure? Mais pourquoi diantre les Québécois retournent-ils encore et toujours voir en concert cette bande de sexagénaires une énième fois?
Le Québec aime Maiden
Parce que c’est justement ici que le groupe heavy metal britannique connut le succès en premier. Du moins, c’est ce que dit la légende. Il faut savoir que Maiden — tel qu’on les surnomme dans la communauté metal (en passant, à la québécoise, ça rime avec Kevin) — remplissait déjà le défunt Forum dès 1983. Soit lors de leur troisième visite, lors de laquelle la troupe britannique présentait son nouveau chanteur, tout un numéro qui devint vite une véritable bête de scène (votre scribe n’y était pas, mais ça devait clairement être épique!).
D’ailleurs, lorsque son groupe passe dans la province, le cadet du groupe, Dickinson (66 ans), se plait à s’adresser à la foule dans la langue maternelle de Voïvod, ce qui est plutôt flatteur pour ses fans d’ici. Le fait que le chanteur soit maintenant en couple avec une Française n’est pas étranger au fait que ses interventions sont dorénavant plus élaborées.
Et comme plusieurs de leurs confrères métalliques ont déjà pris leur retraite (parfois temporaire ou pour toujours), il faut bien en profiter maintenant, comme personne ne sait de quoi sera fait demain, hein? Malgré l’accident vasculaire cérébral qu’il a subi au début de l’an dernier, le batteur Nicko McBrain était en plutôt en forme hier soir. C’est d’autant plus surprenant, comme il est aussi le doyen du groupe du haut de ses 72 ans; fait plutôt inusité, comme c’est le job le plus difficile physiquement dans ce genre de musique.
Quant à Steve Harris (68 ans), le membre fondateur ne semblait pas avoir pris une ride, sa basse galopante mitraillait ardemment les riffs et solos de son power trio de guitaristes, composée de Dave Murray, Adrian Smith et Janick Gers, trois énergiques non-retraités de 67 ans.
Indicatif présent
Il faut dire que cet alignement joue et tourne ensemble depuis un quart de siècle, et ça se voit, tant la chimie est palpable, les six musiciens s’amusant comme des gamins, malgré leurs années de naissance.
Les plus perspicaces savaient d’ores et déjà que le groupe interprétait les mêmes quinze pièces soir après soir jusqu’à la fin de cette année. Eh oui, on était au courant qu’on n’aurait pas droit à plusieurs de leurs plus grands succès (dont Run To The Hills, The Number of The Beast, 2 Minutes to Midnight, Hallowed Be Thy Name, etc.), et c’était très bien ainsi.
Amorcée en mai 2023, cette 25e tournée mondiale, nommée The Future Past World Tour, en étant une de type thématique (chose qu’affectionne le groupe depuis quelques temps), revisitant autant le futur dystopique (et nostalgique) de l’album classique Somewhere in Time que le passé asiatique du dernier album en lice, Senjutsu. Bien que ce dernier ne soit pas si mémorable, aucune des 5 pièces jouées hier n’ont fait plisser du nez quiconque, mais plutôt hocher de la tête frénétiquement, en attendant les bonnes vielles pièces de l’album paru en 1986.
En enfilant d’entrée de jeu Caught Somewhere in Time et Stranger in a Strange Land (avec une apparition éclair de la mascotte du groupe Eddie, en mode cyber-cowboy), Maiden nous a d’emblée tous mis dans leur petite poche arrière.
Hurler en chœur (dans la pénombre)
Plus tard dans le set, un autre doublé a impressionné. Car il faut dire qu’avant cette tournée, l’épique Alexander the Great n’avait jamais été jouée en concert. De plus, lors du classique qu’est Heaven Can Wait, Eddie est revenu sur scène le temps d’une mise en scène spectaculaire, pour un combat armé avec le chanteur arpentant les passerelles, avant que les adversaires ne s’envoient des pétards en pleine gueule! Finalement, on avait choisi la fédératrice Wasted Years pour fermer les hostilités, à la toute fin du rappel. Du gros gros stock.
Sinon, les fans ont aussi eu la chance de voir et entendre le groupe jouer la rare The Prisoner (The Number of the Beast; 1982), l’immortelle Can I Play with Madness (Seventh Son of a Seventh Son; 1988) et la pièce la plus jouée en concert du groupe, l’éponyme Iron Maiden (album éponyme; 1980), juste avant le rappel, avec de la pyrotechnie et Samurai Eddie. Comme seul ombre au tableau, pas un mot au micro sur Di’Anno… Une opportunité manquée de rendre hommage à celui qui d’abord prêté sa voix au groupe, avant que Maiden n’accède au statut de légende du métal. M’enfin.
Parmi les pièces qui ont fait le plus lever et chanter la foule, on retrouvait évidemment Fear of the Dark (de l’album du même nom; 1992), la plus récent succès du groupe joué hier soir (en excluant les pièces du dernier album), lors de laquelle on a pu voir Harris et Gers sautiller joyeusement. Jouée durant le rappel, l’immortelle The Trooper (Piece of Mind; 1983) a transformé la foule en chorale. Au parterre, en plus de ce gars masqué et déguisé en Trooper en première rangée, on a même vu pondre un mosh pit, ce qui n’arrive vraiment pas souvent dans un show de Maiden!
Spectaculaire (et ce n’est pas un euphémisme)
Même si on sait bien que c’est Alice Cooper et KISS qui ont posé les premières pierres du shock rock en mode spectaculaire, Maiden, aujourd’hui, c’est quand même le nec plus ultra dans le genre. Sans rien enlever aux plus jeunes (Slipknot, Rammstein, Ghost, Amon Amarth et compagnie).
Le groupe a un sens du spectacle sans pareil, maitrisant l’art de remplir le volume d’un aréna comme personne. Avec du gros son, des impressionnants solos et autres vocalises, mais aussi toutes sortes d’artifices et effets théâtraux, comme des éléments gonflables, des pétards et autres pyrotechnies (et le susmentionné Eddie!).
Pour cadrer avec la direction artistique de la pochette Somewhere in Time, le décor cyberpunk s’inspirait du classique de la science-fiction qu’est le film Blade Runner (1982), avec écrans LED, néons et bannières, en plus d’ouvrir le show avec une pièce du groupe UFO et la musique du film en intro (oui!), embarquant instantanément la foule. Et le Centre Bell affichait complet, ce qui est assez rare pour les groupes heavy.
En plus, pas de chaises pour les gens sur le parterre. On n’est pas encore assez vieux, ‘faut croire. Tout comme les gars de Maiden, qui avaient visiblement encore beaucoup de fun à performer dans le monde entier, leurs sourires étant contagieux. En particulier Gers, la recrue du groupe (arrivé en 1990!), qui a pris solidement son pied à faire des cabrioles, faisant tournoyer sa guitare comme s’il n’y avait pas de lendemain. Pour vrai, les gars étaient en super-forme!
Et après, le futur?
C’est indéniable : les gars et les fans de Maiden s’assument pleinement en vivant le moment présent, en célébrant autant le (retro)futurisme que le passé nostalgique.
Mais pourquoi on retournerait encore voir ces vieux rockeurs lors de la prochaine tournée (qui s’arrêtera sûrement chez nous en 2026)? Eh bien, parce qu’ils sont les seuls à faire ce qu’ils font (du métal aussi épique et mélodique que spectaculaire et rassembleurs) et qu’ils sont les meilleurs dans le genre. Point barre.
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