« Hello, my name is Hubert Lenoir »
Hubert Lenoir a clos sa tournée américaine et ontarienne devant une centaine de personnes, le samedi 23 octobre dernier, à Toronto. The Garrison affichait complet, les rangées de chaises sont rapidement devenues obsolètes alors que la salle se transformait en plancher de danse et que l’artiste québécois exhibait fièrement le sac de Tim Horton qu’il portait en guise de chapeau.
À l’oeil, environ un quart de la foule était venu directement de Montréal, certains s’étant même déplacés jusqu’à Windsor pour le spectacle qu’Hubert Lenoir donnait la veille. « On pensait que c’était à Windsor… au Québec », avouaient ceux qui se sont retrouvés à faire plus de neuf heures de route.
Ils ont heureusement réussi à optimiser leur expérience en assistant à deux spectacle d’Hubert Lenoir en deux soirs. « On lui à parlé après le spectacle hier et il nous a mis sur la liste d’invités pour aujourd’hui. »
Pour ce qui en est des adeptes torontois, certains sont simplement tombés sur sa musique en naviguant sur les plateformes de streaming. « On l’a découvert il y a à peine deux mois », nous expliquaient deux étudiants de la capitale ontarienne. « On ne connaît pas du tout sa réputation, on ne sait pas du tout à quoi s’attendre pour ce soir », ont-ils raconté. Ils en ont certainement eu pour leur argent, puisqu’ils affichaient des airs ahuris derrière leurs masques tout au long du spectacle.
En entrevue exclusive avec Sors-tu?, à la suite du spectacle, Lenoir a affirmé qu’en général, dans les villes anglophones, « le monde sait à quoi s’attendre, même qu’ils trouvent ça extrêmement cool qu’on chante en français ». Il ajoute que Toronto est une des seules villes de la tournée où il a joué devant des francophones.
Il remarque également un certain niveau de fascination par rapport à la langue, spécialement de la part des médias:
Dans leur tête, tu es comme un Français, […] ils ont de la misère à mettre une identité sur le Québec. Ils savent que tu viens de là, mais c’est french pareil.
« C’est vraiment drôle comme distance », remarque-t-il.
Le Québécois raconte qu’à ses yeux, il y a « quelque chose de vraiment improbable, d’irréel » à faire une tournée américaine en tant qu’artiste québécois francophone. « C’est au-delà même de toute forme de référence qu’on peut avoir quand on regarde la carrière d’un artiste qui chante en français. »
Même s’il reconnaît quelques exemples d’artistes ayant tracé la voie, il avoue ne pas savoir exactement comment se sentir par rapport à ce qui lui arrive. « C’est difficile pour un petit Québécois de savoir s’il y a beaucoup de monde qui achète des billets quand tu joues aux États-Unis », avoue-t-il.
Une performance à son image
Hubert Lenoir est monté sur scène vers 21h45, tout juste après une première partie d’Ejjy Smith, qui présentait des chansons aux sonorités disco et rock des années 1970. Sans offrir une performance vocale assurée et démontrant un certain manque d’expérience, ses nombreux solos de guitare à la Jimi Hendrix ont toutefois suffi pour faire lever la soirée.
La tête d’affiche, elle, a commencé sa performance avec des chansons figurant principalement sur son album Darlène, accompagné seulement de Gabriel Desjardins au clavier. Il a gâté ses fans avec des versions calmes et quelque peu sensuelles de Fille de personne II, Si on s’y mettait et Recommencer, notamment. La foule chantait les refrains avec lui, tous les francophones connaissant manifestement ses chansons par coeur.
Entre deux pièces, il a salué la foule dans un anglais un peu cassé, avouant que son équipe et lui n’avaient pas compris que les spectacles se dérouleraient devant une foule assise en Ontario. « Là, on est habitués de jouer aux États-Unis avec des mosh pits, c’est une des premières fois qu’on joue devant une foule assise », a avoué le musicien.
Il en a profité pour faire un clin d’oeil aux Québécois présents ce soir-là: « J’ai entendu pas mal de monde parler français », a-t-il lancé, se méritant une vague de sifflement et de cris encourageants. « C’est toujours nous autres qui sommes les plus loud en show de toute façon », a-t-il lâché, souriant.
Toujours en duo avec le claviériste, il a dédié son interprétation de la chanson My Funny Valentine à sa gérante et copine. Deux autres musiciens sont ensuite montés sur scène: Simon Kearney à la basse et Samuel Gougoux à la batterie. C’est ce qui a mis le feu aux poudres: après à peine deux chansons interprétées avec le groupe complet, les spectateurs étaient debout et semblaient très peu intéressés par leurs places assises.
La foule donnait autant d’énergie aux artistes que ceux-ci en donnaient au public; l’ambiance était électrisante. Hubert Lenoir a beaucoup donné et pendant très longtemps: après avoir interprété plusieurs chansons figurant sur Pictura de ipse, il ne s’est pas fait prier pour rester sur scène jusqu’à minuit-quarante. Lors du long rappel, la foule ne s’est pas satisfaite d’un simple plancher de danse: mosh pit et crowd surfing étaient de mise.
L’artiste a offert un spectacle fidèle à son image: authentique, éclectique et honnête à lui-même, il n’en a fait qu’à sa tête. « À mon âge, à ce point-ci dans ma vie, je vais juste faire ce que je fucking veux », a-t-il lancé en anglais. Lors de l’entrevue avec Sors-tu?, il a expliqué avoir profité de cette tournée pour présenter un show qui n’est pas particulièrement rodé, même plutôt improvisé.
On a pu prendre notre temps, on n’était pas stressés de faire quelque chose de mal. On peut en profiter pour faire des niaiseries, s’en foutre un peu parce que les salles sont plus petites, il y a moins d’enjeux.
Des « niaiseries », il en a servies plus d’une samedi soir, au grand plaisir de la foule.
En plus de ses propres chansons, incluant une seconde interprétation de Fille de personne II, l’artiste s’est livré à un genre de karaoké personnel : il s’est permis de jouer des versions personnalisées d’All Star de Smash Mouth, Wonderwall de Oasis, Imagine de John Lennon, et même Enter Sandman de Metallica.
Entre les pièces, il communique en français avec ses musiciens, discutant des chansons qui vont suivre. Lors du rappel, il demande même à la foule ce qu’elle veut entendre. Même s’il évoluait sur une petite scène devant une petite foule, le plancher vibrait, et l’ambiance était explosive. Solo de basse, semi strip-tease, Hubert Lenoir et son groupe ont offert la totale et la foule était vendue.
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Pictura de Ipse
« L’accueil de l’album est incroyable », avoue franchement Hubert Lenoir, visiblement ému par les critiques positives, et puis par le spectacle déroutant qu’il vient de donner.
Honnêtement j’ai l’impression que je n’ai jamais eu autant d’attention sur ma musique, ce qui est bizarre à dire parce que j’ai tellement eu d’attention depuis les dernières années…
Comme il l’avait écrit dans un statut sur Facebook, il juge que Pictura de Ipse est un album pour lequel la première écoute allait être plus difficile qu’un album comme Darlène. « Je le jure, c’est vraiment fucking au-dessus de mes attentes », dit-il carrément.
Il raconte qu’il a reçu beaucoup de commentaires comme quoi il n’était pas vraiment apprécié juste pour sa musique, mais surtout pour qui il était comme personne. « Je sentais que c’était ce qui était dit par rapport à mon travail, mais au final, je pense que ce qui semblait être un reproche, eh bien c’est tout à mon avantage. » Il explique que même s’il a sorti deux albums très différents l’un de l’autre, « le monde embarque, peu importe ce que je fais. J’en tire mon épingle du jeu. »
Il est d’ailleurs toujours extrêmement fier de Darlène, même s’il affirme qu’il ne refera probablement jamais d’album similaire. Idem pour sont deuxième opus : « Je continue d’avancer, dans deux ans je ne referai pas Pictura de Ipse. »
Hubert Lenoir avait deux spectacles prévus à Toronto: un premier prévu pour le 23, et un second le 24 octobre. À la suite d’un allègement des mesures sanitaires par le gouvernement provincial, il a choisi de n’e faire qu’un seul, avec le double de places. « On aurait pu en faire deux gros, mais on a choisi de garder ça [discret et intime], explique-t-il. On fera un plus gros spectacle à Toronto une autre fois, là on rentre au Québec demain. »
« Une tournée québécoise, ça s’en vient », rassure l’artiste. Cette tournée aux États-Unis « était une opportunité qu’il fallait qu’on prenne », dit-il franchement. Il affirme qu’il y a déjà des dates qui se confirment au Québec, « on va faire ça le plus vite possible, le plus vite qu’on peut. »
* Photos par Marjorie Hansen-Geoffroy.
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- Hubert Lenoir, Simon Kearney
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- The Garrison
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