Hamlet-Machine

Hamlet-Machine à La Chapelle | Réussi mais trop court

On dit que Heiner Müller ne voulait pas que les spectateurs sortent heureux de ses pièces, mais plutôt qu’ils se sentent seuls et aux illusions brisées. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit avec Hamlet-Machine samedi soir après la représentation unique signée Jocelyn Pelletier marquant de manière festive l’ouverture de la saison d’automne du Théâtre La Chapelle.

Quand on entre dans la petite salle, on aperçoit sept comédiens immobiles vêtus de noir et pieds nus, accotés contre le mur en fond de scène, sauf pour l’un d’entre eux assis nu dans un fauteuil roulant. Au-dessus de leurs têtes est suspendue sur une grille métallique une sorte de momie ensanglantée recouverte en partie par un drap blanc et éclairée par en dessous. L’effet est saisissant.

« Le roi est un idiot », entend-t-on, alors que c’est une comédienne qui lancera plus tard « J’étais Hamlet… », en introduction de ce court texte de neuf pages de l’auteur allemand décédé à Berlin en 1995 et qui était également metteur en scène, directeur de théâtre et poète.

Heiner Müller, pour une bonne part de son œuvre qualifiée de « dialogue avec les morts », s’est nourri de personnages mythiques comme ceux créés par Sophocle, Euripide, et ici Shakespeare. La pièce a été écrite en 1977. Classé comme post-moderne et anarchiste, ses oeuvres les plus connues à l’Ouest sont Médée-Matériau, Quartett et ce Hamlet-Machine dont la conception scénique de Jocelyn Pelletier est la troisième à Montréal après celle de Gilles Maheu, son révélateur en 1987, et celle de Brigitte Haentjens en 2001.

Succession de monologues sans aucune action à l’origine, le metteur en scène formé au Conservatoire de Québec a eu la bonne idée d’introduire un Hamlet nu dans un fauteuil roulant dont il se détachera ensuite, comme en n’ayant voulu que brouiller les pistes davantage. Le comédien Jules Ronfard, tout juste finissant comme les autres de l’École nationale de théâtre, est tout à fait convaincant dans ce rôle piégé et difficile à rendre. Et c’est lui aussi qui a conçu avec un talent indéniable la trame sonore du spectacle qui emprunte à la performance et à l’installation.

Gilles Maheu, qui avait monté Hamlet-Machine la même année que Robert Wilson à Paris, y avait ajouté l’amplitude de tableaux évocateurs, en plus de la danse et du chant avec la compagnie Carbone 14 à Espace libre. Il est à souhaiter que Jocelyn Pelletier, dont la production actuelle de 40 minutes n’a de défaut que d’être trop courte, en soit seulement à une première étape de création et que suivra éventuellement une version davantage développée de cet inépuisable personnage de toute la dramaturgie mondiale qu’est Hamlet.


* Photo en entête par Marie-Ève Fortier

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