Grandaddy au Studio TD │ Brillant et magnifique

Le groupe rock Grandaddy était au Studio TD, en ce soir d’Action de grâces, pour célébrer le 25e anniversaire de leur album studio culte The Sophtware Slump. Cette tournée est leur première en sol nord-américaine depuis plus de 20 ans et leur premier projet majeur depuis la mort soudaine, en 2017, du bassiste fondateur Kevin Garcia, victime d’un grave accident vasculaire cérébral à seulement 41 ans. Notre photographe et rédacteur Pierre Langlois se trouvait au Studio TD pour l’événement. Retour sur ce spectacle très attendu par certain auditeurs de longue date.

Grandaddy

Le concert s’ouvre sur la voix fragile de Jason Lytle, leader et noyau créatif de Grandaddy, accompagné d’une mélodie empreinte de nostalgie qui posent les bases pour la suite des choses. He’s Simple, He’s Dumb, He’s The Pilot est composée de mélancolie luxuriante, d’échos robotiques et des synthétiseurs en cascade.

Pour la petite histoire, l’album The Sophtware Slump demeure un héritage marquant de l’anxiété technologique du tournant du millénaire, paru juste après la peur du bogue de l’An 2000 et les incertitudes de notre avenir face à la machine. Alors que d’autres albums de l’époque, comme Kid A de Radiohead, reprenaient les mêmes thèmes, Lytle et ses complices ont opté pour quelque chose de plus pittoresque et de plus terre-à-terre. Au lieu d’enfouir ces thèmes sous un vernis futuriste, le disque est profondément humain, racontant des histoires de machines défaillantes et de technologie solitaire sur des mélodies aux voix fêlées, du fuzz de guitare et des pianos omniprésents. C’est un disque post-’90 à tous points de vue : un disque sur le futur, encore attaché aux imperfections du passé analogique. L’histoire se répète aujourd’hui face à l’intelligence artificielle.

Revenons au spectacle, Le groupe entame Hewlett’s Daughter, les spectateurs tanguent doucement. Derrière la scène, un écran géant sur lequel est projetée une série de paysages se métamorphosant lentement et qui se marient bien avec la musique, on dirait les cartes postales psychédéliques d’un road trip qui confronte la beauté de la nature à l’artificialité du monde moderne.

La première moitié de leur set était une pure ambiance, Il faut dire que The Sophtware Slump n’est pas vraiment un album dansant ; cet opus est traversé d’un spleen, souvent exprimé à travers des personnages isolés, perdus, ou déconnectés du monde réel qui poussent plus à l’introspection qu’à l’exaltation. L’œuvre se lâche un peu plus sur des morceaux plus enlevants comme The Crystal Lake et Broken Household Appliance National Forest mais rien n’y fait, l’ambiance reste sage. Cela a permis aux spectateurs de décoller en douceur.

Une fois leur album fétiche joué en intégral, le band se retire à l’arrière-scène puis, après une courte pause, revient avec l’attitude du boxeur près à en découdre, un peu comme si les membres étaient allés en coulisses, s’étaient giflé et étaient remontés sur scène. Ils entament Now It’s On, comme une promesse de ce que sera la deuxième partie. Le public semble s’être exorciser des émotions vécues en première partie et s’agite.

Chaque morceau joué suscite un enthousiasme croissant. Leur son nous offre des paysages luxuriants bercés de poésie, des étangs remplis de larmes. Dramatique, je sais, mais quand on plonge vraiment dans le son et la musique de Grandaddy, c’est un peu dramatique, presque déroutant à regarder, mais tout simplement brillant et magnifique.

Quelle soirée au Studio TD. Pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à la musique indie, voir Grandaddy en concert est essentiel. Ces musiciens sont des excentriques talentueux qui composent des chansons magnifiques, complexes et incroyablement humaines. Cette première visite à Montréal depuis belle lurette nous a fait entendre une symphonie de synthés délabrés, de parasites radio dans un contexte qui semblait orchestral.