Génération Danse à La Licorne | Une compétition déconcertante
Le théâtre de la Manufacture présente Génération Danse dans la grande salle de La Licorne, adaptation de Dance Nation de l’autrice américaine Clare Barron. Cette pièce, mise en scène par Sophie Cadieux, nous plonge dans la vie d’adolescentes de 13 ans pour qui la danse est le centre de leur univers. Cette prémisse ressemble à tous les scénarios des films d’ados sur la danse, et malgré les apparences de pastiche ou parodie, plusieurs choix audacieux nous guettent.
Des choix déconcertants
Une pièce sur la danse, oui, mais l’autrice voulait surtout parler de rivalité, de sororité, et d’ambition au féminin. « Qui est la meilleure, qui mérite reconnaissance, que faire quand le système est injuste, comment être amies tout en restant en compétition, comment se défendre soi-même quand on a été formée à ne pas le faire… » se questionne-t-elle, et de façon peu conventionnelle. Son texte aurait pu être écrit par une adolescente tellement les mots sont crus, d’une poésie simplette mais attendrissante et qui rendent le tout extrêmement comique.
En plus du texte, Barron a émis des instructions de casting qui déroute : les filles doivent être jouées par des femmes entre 20… et 60 ans. Cette proposition ébranle certainement de prime abord, mais dès lors qu’on adhère à la convention, on peut se laisser convaincre, puisque de bonnes comédiennes sont censées nous faire croire à n’importe quoi, même qu’elles ont 13 ans. Il semble que l’idée derrière soit de contrer la tendance à présenter des adolescentes jouées par des filles de 25 ans menues. L’autrice – tout comme les femmes en générale – en a marre de ce préjugé absolument faussé comme quoi il n’y a qu’un seul corps d’adolescente. Ce point est absolument défendable, mais il reste très inusité et parfois inconfortable de voir des femmes d’âge mûr défendre l’excitation prépubère. Ça ajoute à l’expérience déconcertante qu’est Génération Danse.
Une brochette d’actrices variées
La distribution hétéroclite est savoureuse et chacun.e se démarque à un moment ou un autre. Dominique Pétin et Clara Prieur forment le duo de « best » qui rivalisent pour le solo, et elles sont assez convaincantes. Pascale Renaud-Hébert et Émilie Gilbert se détachent du lot avec leur partition humoristique et leur attitude. Mention aussi à Sally Sakho, qui multipliait les apparitions en interprétant tantôt une mère exigeante, tantôt une danseuse blessée, toujours avec justesse et nuances.
Il faut parler des hommes quand même, car ils sont importants. Parmi les jeunes femmes évolue timidement LE gars. LE fameux gars de la troupe, qui est littéralement tenu pour acquis par les filles, où ces dernières ne se bâdrent pas d’éviter de parler de pénis, de masturbation ou d’autres questionnements prépubères devant lui. Luke, défendu par le très talentueux Thomas Derasp-Verge, est coincé entre la remise en question constante de sa masculinité et son kick pour Zuzu (Dominique Pétin). Ses interventions sont espacées, mais hilarantes et parfaitement timées. Et finalement, Sasha Samar, qui interprète Pat le prof de danse, représente à lui seul le poids de cette société patriarcale qui divise les femmes entre elles pour mieux régner. Il défend bien le coach un peu louche et manipulateur, mais bien intentionné malgré ses méthodes old fashion.
La pièce Génération Danse joue avec les codes théâtraux et constitue un objet théâtral audacieux, que Sophie Cadieux a su amener à maturité, malgré les étonnantes tournures et les choix inhabituels de structure.
Du 10 octobre au 18 novembre 2023.
Texte de Clara Barron / Adaptation de Maryse Warda / Mise en scène de Sophie Cadieux.
Avec Thomas Derasp-Verge, Émilie Gilbert, Mireille Métellus, Dominique Pétin, Clara Prieur, Pascale Renaud-Hébert, Tova Roy, Sally Sakho et Sasha Samar.
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- La Licorne
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