
Gang of Four au théâtre Beanfield | Un dernier au revoir
Le post-punk était à l’honneur hier soir, le 22 avril 2025, au défunt Corona pour The Last Goodbye, la tournée d’adieu de Gang of Four – ou du moins ce qu’il en reste – soulignant également les 45 ans d’Entertainment!, son mythique premier album.
Au programme de cette soirée spéciale : le groupe originaire de Leeds allait d’abord nous interpréter Entertainment! dans son intégralité, suivi d’une sélection d’autres morceaux triés sur le volet. Le tout, sans aucune première partie; ce qui, de nos jours, est aussi rare qu’un médecin de famille!
De la formation originale, il ne reste plus que Jon King à la voix et Hugo Burnham à la batterie. La bassiste Gail Greenwood (Belly, L7) et le guitariste/chanteur Ted Leo (Ted Leo and the Pharmacists) complètent quant à eux le quatuor pour cette ultime tournée empreinte de nostalgie.
Entertainment d’abord!
Malgré ses multiples changements de personnel au cours des années, entre autres causés par les décès du chanteur/guitariste Andy Gill en 2020 et du bassiste Dave Allen en 2025, Gang of Four n’a rien perdu de l’esprit punk revendicateur et contestataire qui l’anime depuis ses débuts en 1978. Il suffit de voir les drapeaux LGBTQ+, Canada Is Not For Sale, Black Lives Matter et Woman, Life, Freedom derrière le groupe sur scène, ainsi que plusieurs messages comme Fight poverty, not the poor, pour s’en convaincre.
Autre chose qui n’a pas changé avec les années : l’impact majeur qu’a eu Entertainment! sur le mouvement post-punk. Ça tombait donc sous le sens pour le groupe de jouer l’album dans son intégralité pour tirer sa révérence comme il se doit. La soirée a commencé un peu comme un faux départ avec une version un peu trop lente de Ether, où le micro de Jon King a lâché à la fin du morceau. Heureusement, les problèmes de tempo et de micro n’ont pas duré, et on a pu se délecter de versions fort réussies de Natural’s Not In It, Not Great Man, Guns Before Butter (fantastique batterie signée Hugo Burnham), Contract, Anthrax (avec son intro distorsionnée à souhait), et bien sûr, l’incontournable Damaged Goods, entonnée à l’unisson par la quasi-totalité du public.
S’adressant à nous dans un excellent français (bien qu’il le qualifie de « merdique »), Jon King avait sincèrement l’air heureux et reconnaissant d’être parmi nous après toutes ces années. Le leader de Gang of Four a ponctué la soirée d’interventions brèves et amusantes, nous partageant notamment son amour pour la poutine et pour la métropole québécoise, où il a séjourné pendant plusieurs semaines il y a près de 40 ans. L’artiste nous réservait aussi quelques pas de danse assez cocasses, dont une chorégraphie de singe sautillant sur le côté (pas évident à décrire!). Par moments, le chanteur de pratiquement 70 balais avait l’air d’un jeune enfant surexcité qui aurait pris un peu trop de sucre avant d’aller au lit, ce qui ajoutait un côté très attachant et authentique à sa prestation. Force est de constater qu’il en a encore dans le réservoir malgré ses 69 balais! Très généreux, le chanteur était même disponible après le spectacle pour une séance de dédicace de ses mémoires (le livre To Hell With Poverty), en vente pendant le concert.
Passée en coup de vent en 45 minutes, cette première partie aura été l’occasion pour plusieurs générations de mélomanes de (re)découvrir les 12 morceaux punk bigarrés d’Entertainment!, évoquant des thèmes comme l’Internationale situationniste, la marchandisation, le prolétariat, le conflit nord-irlandais, la théorie du grand homme ou la Société du spectacle de Guy Debord. Bref, s’il y a un album emblématique du mouvement post-punk, c’est assurément celui-ci, et bien qu’on s’ennuie du jeu de basse caractéristique de Dave Allen, le tout a été formidablement rendu par la version 2025 du quatuor.
Puis, le meilleur du reste…
« 10 minutes! » nous lance Hugo Burnham au micro avant de rejoindre ses collègues en coulisses pour un bref entracte. Au retour de la pause : une sélection de pièces post-Entertainment!, majoritairement dominée par les deux albums suivants de Gang of Four, soit Solid Gold (1981) et Songs of the Free (1982). Cette deuxième partie a commencé avec fracas, alors que Jon King a passé tout le morceau d’ouverture, He’d Send in the Army, à battre la mesure en frappant à coups de batte de baseball sur un micro-ondes qu’il finira par balancer au bout de ses bras, dans un geste parfaitement punk.
Bien que moins marquants, plusieurs des morceaux choisis pour cette deuxième partie ont fait mouche. C’était tout particulièrement le cas de What We All Want et son irrésistible groove de basse, taillé sur mesure pour la scène. Le concert a alors atteint un autre niveau en termes d’énergie, après deux morceaux un peu plus quelconques. La méconnue I Parade Myself de l’album Shrinkwrapped était quant à elle interprétée dans une facture plus rock qui a insufflé du « oumf » à la prestation. Évidemment, cette deuxième partie ne pouvait être complète sans la fameuse To Hell With Poverty, figurant parmi les morceaux majeurs de la formation anglaise.
Sans même nous laisser le temps d’exiger un rappel, le quatuor est ensuite revenu sur scène pour nous interpréter Elevator, une chanson jamais endisquée, et – pourquoi pas – Damaged Goods pour une deuxième (et dernière) fois! Personne dans la salle n’a boudé son plaisir de l’entendre à nouveau, chantant à l’unisson les paroles, encore plus fort que la première fois. Une excellente façon de clore ce concert sur une note mémorable!
Tout comme lors de la première partie, une série d’images d’archives défilait sur l’écran en arrière-scène, dont un billet pour un spectacle de 1981 où on pouvait voir les groupes Delta 5, Père Ubu et Gang of Four pour la modique somme de 3 livres sterling (il n’y a pas à dire, c’était vraiment une autre époque!) Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis ce fameux âge d’or du post-punk, qui aura su inspirer une panoplie de groupes plus contemporains comme Interpol, The Strokes ou The Killers pour ne nommer que ceux-là. Si Gang of Four n’est plus, son héritage, lui, est bel et bien vivant!
- Artiste(s)
- Gang of Four
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Beanfield
- Catégorie(s)
- Post-punk, Punk, Rock,
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mercredi
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