FTA 2016 | Jamais assez de Fabrice Lambert: Danser sur le péril nucléaire
Créé au Festival d’Avignon en 2015 où il a eu bonne presse, le spectacle de danse Jamais assez, du chorégraphe et danseur français Fabrice Lambert, a été présenté deux soirs seulement à l’Usine C dans le cadre du Festival TransAmériques. Un spectacle inspiré d’un film documentaire de Michael Madsen selon lequel la Finlande serait engagée dans un projet d’enfouissement de 25 000 tonnes de déchets nucléaires pour une durée de 100 000 ans, soit le temps que prennent ces déchets pour ne plus être radioactifs. Pas évident de traiter en danse un tel sujet.
Pendant les dix premières minutes d’un spectacle qui dépasse à peine une heure, on est dans le noir. À peine peut-on distinguer les corps des dix danseurs roulant avec lenteur sur le sol. Le dispositif des lumières, conçu par Philippe Gladieux, nous surprend ensuite par un éclairage cru, le moins que l’on puisse dire, contrastant. Mais, ça ne dure pas. La pièce, qui met beaucoup de temps à décoller, alterne ainsi entre lumière et ténèbres, voulant marquer la temporalité des danseurs et, par ricochet la nôtre.
Les danseurs évoluent sur une musique techno, très métallique, mais dans l’air du temps. Ils nous touchent cependant d’une façon plus particulière quand ils forment une ronde humaine, dansant les mains jointes sur la vie qui bat, malgré le péril nucléaire qui nous guette. Tout le spectacle évolue avec lenteur quand ce n’est pas avec statisme. La chorégraphie de Fabrice Lambert joue sur les mouvements des corps qui se figent dans l’espace.
Est-ce par snobisme à la française? On entend de manière épisodique en anglais, sans surtitres en français, du texte tiré du documentaire apocalyptique Into Eternity de Michael Madsen, sorti en 2010. Pour sûr, le public français n’aura pas compris qu’il y est question de la fin de la civilisation.
La pièce emprunte également au mythe de Prométhée, celui qui a volé le feu aux dieux pour le remettre aux humains qui vont plus tard l’utiliser à mauvais escient et causer leur perte. La chose est illustrée par ces étranges anneaux de fumée qui sont lancés comme par un canon de gauche à droite de la scène. L’effet est très réussi.
Mais le travail chorégraphique de Fabrice Lambert, que l’on nous présente comme «branché sur les sciences physiques, humaines et sociales» n’atteint pas la profondeur de ses contemporains, comme l’audace provocante de Jan Fabre, la technique maîtrisée d’Anne Teresa de Keersmaeker et tout le mouvement flamand, la fluidité de Pina Bausch ou encore ici, l’inventivité de Marie Chouinard.
Sa compagnie parisienne, L’Expérience Harmaat, qu’il dirige en solo depuis 2000, se veut à la croisée de la danse et des arts plastiques, quand ce n’est pas une plateforme pour les vidéastes et les musiciens venus remettre en question la nature même du mouvement des corps des danseurs et pousser l’exploration de différents types de phénomènes pouvant s’incarner dans la danse.
Sans être un spectacle mineur, ce Jamais assez n’a tout de même pas l’envergure que l’on attend dans le cadre d’un grand festival international censé représenter le meilleur de la danse et du théâtre actuel comme le FTA.
- Artiste(s)
- Jamais assez
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Usine C
- Catégorie(s)
- Festival,
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