crédit photo: Richard Mercier
Pierre Lapointe

Francos de Montréal 2025 | Intemporel Pierre Lapointe au TNM

À l’aube de l’ouverture des Francos de Montréal, Pierre Lapointe présentait jeudi soir le spectacle Dix chansons démodées pour ceux qui ont le coeur abîmé bâti autour de son dernier album de chansons originales sorti en janvier 2025.

En fait, Pierre Lapointe et ses musiciennes déposent leurs bagages à Montréal le temps de quatre représentations avant de repartir pour le Japon. « N’allez pas penser que les Japonais connaissent Pierre Lapointe, ironise-t-il, mais on va aller les chatouiller un peu ».

Lorsque le rideau se lève, la scénographie magistrale se dévoile. D’énormes ballons disposés en rangées au plafond reflètent la lumière tel une boule disco géante, se qui confère à la scène des allures de bal nostalgique.

Au piano, non pas Lapointe lui-même, mais les duettistes Amélie Fortin et Marie-Christine Poirier qui l’accompagnent depuis le début de la tournée. Et le petit luxe supplémentaire des Francos : un quatuor à cordes.

Pierre Lapointe est debout, micro lousse à la main, jouant de son fil comme d’une robe accessoire. Il a l’air d’un grand Pierrot chic, arborant des pantalons noirs amples, un veston agrémenté de plis inspirés des collerettes victoriennes, noir irisé. Il pourrait nous annoncer qu’il prend sa retraite dans son château en Autriche qu’on n’en serait pas étonné.

Son personnage de scène est condescendant et impérial, et ce qu’il raconte entre les pièces et hilarant.  C’est toute la dichotomie de Pierre Lapointe : des chansons d’amour et de mort qui percent les abcès de nos retenues, émouvantes, envoûtantes, et la stoïcité de ses déclarations, comme quand il nous annonce : « Statistiquement, selon le nombre de personnes dans la salle ce soir – et c’est pas moi qui le dit c’est les statistiques – mais il y a cinq personnes parmi nous qui vont mourir dans la prochaine année. » Tout le monde éclate de rire. Un temps. « C’est juste ça que je voulais vous dire ». Et il enchaîne la prochaine chanson.

Malgré toute la charge de ses oeuvres et leur côté sombre, il sublime l’obscurité pour nous offrir des moments salvateurs par sa musique, si belle et nostalgique. Il n’appartient à aucune époque, il est Charles Aznavour et Stromae, il est Jacques Brel et Molière, l’anachronisme qu’il fallait à notre époque dénuée de poésie.

La mise en scène du spectacle est très sobre, il est souvent dans une seule position durant toute une chanson, et ça laisse la place aux instrumentistes. Il quitte même parfois pour laisser les musiciennes s’élancer dans des moments instrumentaux sublimes.

À travers les dix pièces du nouvel album, il gratifie son public de pièces choisies dans le reste de son répertoire. Ainsi, on a droit à une confidence à propos de Tel un seul homme, seul morceau de son premier album qui le suit depuis 20 ans. « C’est tellement bien écrit qu’on dirait que c’est le moi du futur qui l’a écrit pour le jeune du passé en lui disant : Tiens prends ça pis sois rassuré. »

Et c’est vrai que la chanson est d’une maturité déconcertante pour avoir été écrite par un homme de 20 ans, et elle prend encore plus d’importance dans la voix mature et posée qui l’interprète maintenant. Une autre pièce marquante est celle qu’il a écrite pour sa mère souffrant d’Alzheimer, Comme les pigeons d’argile, laissant la salle en pleurs.  Il ne fait aucune introduction, et la chante vers la coulisse, comme pour ne pas fondre en larmes lui-même.

Pierre Lapointe est un vin qui vieillit très bien : il était vif et audacieux et qui tend maintenant vers l’aromatique et charnu, si on me permet la référence. Sa voix reste inimitable et reconnaissable d’entre toutes, et sa prose si irrésistible qu’on en termine à chanter tous en choeur le refrain de Deux par deux rassemblés, agrippés à des mots plein de sens chantés par une foule de quidam.

Une fois deux par deux rassemblés / Nous partirons le poing levé /Jamais la peur d’être blessés / N’empêchera nos cœurs de crier / Ce n’est sûrement pas de briller / Qui nous empêchera de tomber / Ce n’est sûrement pas de tomber / Qui nous empêchera de rêver

Pierre Lapointe présentera ce spectacle à nouveau au Théâtre du Nouveau Monde ce vendredi et samedi soir, ainsi qu’en supplémentaire dimanche à 15h. Détails et billets par ici.

Première partie : un petit nouveau tombé pas loin de l’arbre…

En première partie, l’auteur-compositeur-interprète Édouard Tremblay-Grenier a courageusement gratté sa guitare, tout seul devant l’immense rideau du TNM.

Dans un folk mélancolique, il a entonné six de ses compositions assez homogène, traitant d’amour perdu et de mal de vivre.

Le jeune homme au timbre clair maitrise parfaitement la guitare, bien que la nervosité l’ait fait sursauter à quelques reprises. Il est connu comme acteur et accessoirement comme le fils de Mara Tremblay.

Ses textes sont intéressants, mais n’ont pas la profondeur ou la recherche langagière de l’immense Pierre Lapointe. Mais il faut définitivement commencer quelque part et cette soirée était un bon début.

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