Nas

Festival international de jazz de Montréal – Jour 3 | Nas triomphal avec son orchestre

C’était de loin l’événement le plus attendu de cette édition 2025 du FIJM : Nas s’invitait à la salle Wilfrid-Pelletier en compagnie de son orchestre philarmonique (et non pas symphonique, quoiqu’en disent les posters) les 28 et 29 juin. J’ai assisté à la première des deux.

Pas de flaflas, la soirée s’ouvre comme il se doit directement avec l’orchestre qui s’accorde et un chef expressif qui, de dos, prépare très brièvement la scène pour l’entrée de la star incontestable de la soirée : le grand Nas. En pleine tournée depuis l’an dernier en mode symphonique pour célébrer les 30 ans de l’iconique Illmatic, le rappeur new-yorkais ne laisse planer aucun doute à son égard : il est aussi incisif qu’aux premiers temps et tout aussi heureux d’être sur scène qu’aux tous débuts. C’est un thème qui reviendra souvent d’ailleurs dans ses interventions, le temps qui passe. Allusions aux vinyles, aux cassettes, aux VHS, mais surtout à la bonne vieille musique en live avec des instruments réels et une façon de jouer qui s’apparente à celle des bons vieux temps : du hip-hop analogique comme il ne s’en fait de moins en moins après 50 ans d’une si riche histoire.

Tournée axée autour d’Illmatic oblige, donc, la première moitié du concert, celle avec orchestre, s’ouvre avec l’incontournable New York State of Mind, certainement la plus attendue du public, parfaite pour ouvrir la soirée. Suivront sept autres pièces de l’album emblématique, toutes devenues des hits avec les années, notamment Life’s a Bitch, The World Is Yours et Memory Lane. L’orchestre s’y fait plus discret qu’on aurait initialement pu le croire. derrière un appareil scénique incluant également une batterie, un DJ, un synthétiseur et une basse/contrebasse en formule houseband. Le DJ vient conserver le scratch si marquant des pièces originales (c’était d’ailleurs mon plus grand questionnement avant le début de la soirée) alors que les percussions, millimétriques, aident à orienter le set et ramener sur un même plan les divers arrangements. L’orchestre, lui, enrichi plus que guide, les cuivres ajoutant une dimension supplémentaire et un chic indéniable aux compositions originales de DJ Premier, Q-Tip, Pete Rock et les autres, créant un dramatisme qui permet de rendre des chansons déjà plus grandes que nature encore plus impressionnantes.

Le procédé aura d’ailleurs créé une dynamique assez particulière dans la salle. On sent que plusieurs ne sont pas familiers avec les codes du classique ou le décorum habituel d’une salle comme Wilfrid-Pelletier et ne sont ici que pour la musique de Nas, peu importe le format de présentation, alors que d’autres (moi y compris) vivront un petit choc culturel. Public plus âgé oblige, les lignes d’attente pour les bars sont interminables et plusieurs seront fâchés d’apprendre que de quitter la salle en plein milieu d’une chanson pour aller se chercher une bière de plus n’est pas toujours toléré.

Après la célébration des 30 ans de l’album phare de Nas, l’orchestre quitte la scène et le rappeur ne garde que son groupe avec lui pour se lancer dans une série de pièces, presque en mode medley, ne jouant souvent rien au complet pour mieux tout faire. Cette deuxième partie du spectacle s’ouvre sur l’incontournable The Message, l’une des plus belles pièces du répertoire hip-hop dans son ensemble, avec une interprétation irréprochable. Le DJ est particulièrement efficace dans sa mise en place, permettant avec ses ajustements sonores de laisser toute la place qui lui revient au chanteur, mais également au bassiste et son jeu technique, qui alternera entre contrebasse et basse électrique tout au long de la soirée. Cette adéquation, avec les percussions également, aide à faire ressortir les qualités innées des pièces de l’Américain plus que jamais. Seul le claviériste sera effacé dans cet ensemble, n’ajoutant pas beaucoup à des instrus déjà si bien ficelées.

Nas enchaîne avec Got Ur Self A Gun, chanson toujours drôle à voir être chantée par de bons blancs mi-quarantenaires dans la salle qui n’ont certainement jamais vécu les défis du Brooklyn des années 70 et 80. Mentionnons que le public est particulièrement divers ceci étant dit, ce qui souligne bien l’impact du rappeur sur la musique en général et sa capacité à rejoindre beaucoup de monde, tous horizons confondus. La soirée se poursuit, enlignant coups sûr sur coups sûr avec I Can et Made You Look, notamment, pour éventuellement finir sur une interprétation particulièrement sentie et émotive de If I Ruled The World, qui servira de conclusion au spectacle, juste avant un court rappel sur la chanson One Mic.

L’exercice de jumeler sa musique à celle d’un orchestre peut souvent se révéler périlleux. Les collaborations de l’OSM et de l’OM auxquelles on aura été habituées dans les dernières années en sont un probant exemple : les résultats sont variables et n’ajoutent pas toujours aux arrangements originaux. On a ici affaire à un orchestre très clairement en arrière-plan et c’est certainement la bonne décision. On quitte au final la salle sur une excellente impression, malgré ou grâce à la dichotomie flagrante du chic de la soirée avec les textes crus de la tête d’affiche, tout en chantant les quelques airs qui nous restent encore en tête.

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