Hiatus Kaiyote

Festival International de Jazz de Montréal 2024 – Jour 1 | Hiatus Kaiyote et la jazz-soul à l’Australienne

Pour son grand spectacle d’ouverture sur la Place des Festivals, le Festival International de Jazz de Montréal accueillait de la rare visite australienne jeudi soir : la formation funk-soul Hiatus Kaiyote. Un choix relativement audacieux pour cette plage horaire grand public étant donné l’inclinaison relativement expérimentale du quatuor. Mais si un festival peut se le permettre, c’est bien le FIJM. Et personne n’allait se plaindre du résultat!

À n’importe quel autre moment de l’année, le passage de Hiatus Kaiyote à Montréal donnerait lieu à un spectacle au MTELUS.  Si on est ambitieux, on pourrait pousser la machine à promo et essayer de remplir une Salle Wilfrid-Pelletier.  Mais malgré l’admiration des Kendrick Lamar, Eryka Badu et Prince à leur égard, en dix ans d’existence, le groupe n’a pas encore atteint la notoriété pour vendre des billets par dizaines de milliers en Amérique. Et pourtant, le talent, la qualité des compositions et la production du spectacle sont de cette envergure.

Il s’agissait de leur deuxième présence seulement à Montréal, huit ans après un passage remarqué à Osheaga. Une performance qui « sortait un peu de l’ordinaire et du style habituel du festival », comme le soulignait notre collaboratrice Marie-Kim Dupuis Brault à l’époque.

Le grand manitou du FIJM, Maurin Auxéméry, nous confiait récemment qu’il rageait de jalousie à l’époque lorsqu’Osheaga avait mis la main sur la formation. On en comprend que c’était un projet de longue date de permettre à Hiatus Kaiyote de jouer dans un festival où ils ne « sortiraient pas de l’ordinaire et du style habituel du festival », surtout avec l’orientation résolument plus moderne du FIJM depuis qu’Auxéméry tient les rênes de la programmation.

Tout ça pour dire que ce spectacle d’ouverture relevait du fantasme enfin réalisé et que ça donne le ton pour le genre de concerts qu’on souhaite présenter sur la grande scène de la Place des Festivals.

Dans un décor tout australien, la troupe a fait son entrée pour s’échauffer vocalement avec Dream Boat. La charismatique Nai Palm s’exerce alors aux harmonies vocales avec un trio de choristes, puis résonne le somptueux air soul d’And We Go Gentle pour lancer la soirée comme il se doit. La chanson débute par la phrase « Tell me, can I get a light? » à répétition, pendant que les milliers de personnes présentes répondent en agitant les lampes de leurs téléphones. Le contact est établi, et bien que la foule ne semble pas exactement familière avec le matériel du groupe, il est difficile de ne pas tomber sous le charme du quatuor et de sa chanteuse.

Et puisque le public n’attend pas les hits de toute façon, le group en profite pour lancer la chanson titre du nouvel album à paraître dans à peine quelques heures sur le label Ninja Tune, Love Heart Cheat Code, démontrant un côté plus décalé avec sa rythmique saccadée, sa vibe vaguement trip-hop et sa finale triturée.

On naviguera d’ailleurs toute la soirée d’un genre musical à l’autre, souvent à l’intérieur d’une même chanson. Ça passe de la soul au R&B avec quelques touches bossa nova ici et là, et de fortes saveurs de jazz moderne, notamment dans les signatures de temps imprévisibles. La complexité des compositions ne déraille toutefois jamais les grooves irrésistibles que le groupe cultive.

Pour les habitués, Hiatus Kaiyote a brièvement pigé dans son répertoire des premières années avec le classique Nakamarra en milieu de spectacle, quelques titres des albums Choose Your Weapon (2015) et Mood Valiant (2021), mais également plusieurs nouvelles chansons comme l’excellent single récent Telescope, et l’inédite Make Friends en fin de prestation.

On attend la suite sur disque avec impatience. En fait, l’album sort vendredi, alors pas besoin d’attendre bien longtemps! Mais on attendra surtout le retour du groupe à Montréal avant huit autres années. Idéalement en salle? Surtout après cette occasion bien saisie pour faire bonne impression auprès du public québécois, qui s’est montré plutôt réceptif à cette proposition juste assez hors-norme pour être rafraîchissante, sans se perdre dans une excentricité excessive ni une virtuosité soûlante.

Grille de chansons

  1. Dream Boat
  2. And We Go Gentle
  3. Love Heart Cheat Code
  4. All The Words We Don’t Say
  5. Get Sun
  6. Slip Into Something Soft
  7. Chivalry Is Not Dead
  8. Rose Water
  9. Telescope
  10. Red Room
  11. Nakamarra
  12. Molasses
  13. By Fire
  14. Building A Ladder
  15. Make Friends

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