Festival de jazz de Montréal 2021 – Jour 5 | Conclure en beauté (et en mélancolie)
Le Festival International de Jazz de Montréal se terminait en beauté dimanche soir avec un mémorable concert de Patrick Watson, précédé d’un superbe hommage à Marvin Gaye, ainsi que des prestations de haut calibre de Ghostly Kisses et Simon Leoza. Tout ça devant une foule bien garnie, attentive et démonstrative. Une vraie belle finale, quoi!
Ce qu’il fait bon s’asseoir dans l’herbe au parterre symphonique, entouré de quelques centaines de personnes captivées par un concert de musique instrumentale! La qualité d’écoute pour le premier grand concert extérieur de Simon Leoza, à 19h, était pour le moins appréciable, au point où le kiosque de bière a essuyé quelques regards désapprobateurs en remplissant le bac à glace!
Visiblement ému d’enfin se trouver sur une grande scène du Festival de Jazz, Simon Leoza a fait preuve d’une belle humilité au micro lors de ses interventions, et menait de main de maître le groupe constitué d’un quatuor à corde, d’une dénommée Maude Lussier au cor, et du chevronné Blaise Borboën-Léonard, avec qui il a coréalisé son excellent album Albatross, aux loops et autres effets.
Il serait simpliste de comparer le somptueux résultat à un mélange entre Jean-Michel Blais et Flore Laurentienne, mais force est de constater que le public a été « entraîné » à apprécier ce genre de proposition instrumentale depuis quelques années, et un artiste comme Simon Leoza, qui évoluait auparavant sous le pseudonyme Tambour, en bénéficie. Tant mieux.
Le spectacle a été lancé par L’Archange, tout simplement magnifique, et a atteint son apogée avec la spectaculaire The Seabird, avant d’atterrir avec grâce au son de Slumber et la mélancolique Bloom. Du grand frisson!
Ghostly Kisses
Sur la plus grande scène se chevauchait le spectacle de Ghostly Kisses, qu’on a attrapé au vol. En se rendant vers cette scène, on entendait au loin ce qui semblait être une reprise de J’ai demandé à la lune.
L’électro-pop downtempo éthéré de Ghostly Kisses est interprété avec grand soin. On comprend pourquoi le succès leur sourit à l’international. C’est un son très en vogue, et ils le rendent bien. L’interprétation vocale de Margaux Sauvé flotte dans l’air comme les grandes voix féminines au spleen prononcé : elle n’a rien à envier aux Hope Sandoval et Victoria Legrand de ce monde sur le plan sonore.
La très bonne Where Do Lovers Go? a semblé plaire au public, tout comme une toute nouvelle chanson intitulée Blackbirds et évidemment, la reprise de Back to Black d’Amy Winehouse. Décision audacieuse d’ailleurs d’insérer cette dernière en toute fin de spectacle, laissant comme dernière impression une relecture d’un gros hit de quelqu’un d’autre.
What’s Going On?
Qui dit festival en bonne et due forme, dit conflit d’horaire. Même avec seulement deux scènes, le FIJM nous a fait vivre l’une de ces frustrations, en programmant Patrick Watson à peine 20 minutes après un hommage aux 50 ans de l’album What’s Going On? de Marvin Gaye avec un orchestre mené par le tromboniste montréalais Modibo Keita. Pour le peu qu’on a eu l’immense bonheur de voir et d’entendre, une douzaine de musiciens s’acquittaient avec tact de l’imposante tâche de faire honneur à l’album que le Rolling Stone a qualifié de meilleur disque de tous les temps. Rien de moins. Un classique de chez classique, que les adeptes ont écouté mille fois plutôt qu’une.
Pour réussir ce genre de défi, il faut évidemment rester suffisamment fidèle aux versions originales afin que le public les reconnaisse, mais il faut surtout les mettre à sa main, et laisser sa passion pour le matériel nous transporter. C’est ce qui semblait se tramer pour les vingt-quelques minutes qu’on a eu la chance de voir, avec des interprétations plutôt convaincantes de Flying High in the Friendly Sky avec la choriste Chanda Holmes, Inner City Blues chantée par Zach Zoya, God Is Love interprétée par Hanorah et Mercy Mercy Me livrée avec tact par Malika Tirolien.
Évidemment, les habitués auront compris que l’album n’a pas été interprété intégralement, dans l’ordre du disque. Ils gardaient donc les gros canons (What’s Going On et Let’s Get It On) pour la fin, mais le spectacle de Patrick Watson nous attendait de l’autre côté de la Place des Arts… Argh. Prière de reprogrammer ce spectacle en salle en 2022, svp! Ça augurait si bien…
Patrick Watson
Et donc, la cerise sur le gâteau : le joyau local, Patrick Watson, nous offrait un spectacle des grandes occasions, comme il en connaît la recette. Il l’avait déjà mise en application en 2009, lorsqu’il avait attiré des dizaines de milliers de personnes dans les alentours des rues de Maisonneuve et Jeanne-Mance, à l’époque où la grande scène des spectacles extérieurs gratuits du FIJM était orientée vers le Nord. Et que Patrick Watson venait de sortir son troisième album.
Douze ans plus tard, il y a forcément moins de monde à son spectacle, COVID oblige, mais ça demeure une valeur sûre de confier à l’excentrique chansonnier mélancolique les rênes de la soirée de clôture d’une édition du FIJM contrainte de miser sur les artistes locaux seulement.
La grille de chansons est aussi forcément fort différente, Patrick Watson pigeant davantage dans son matériel récent, y compris Lost With You d’entrée de jeu, et une très belle interprétation de la petite nouvelle A Mermaid In Lisbon, tirée d’un EP paru cet été (et passé un peu inaperçu).
Le groupe aussi a passablement changé depuis. Le fidèle bassiste Mishka Stein est toujours de la partie, mais l’ami Andrew Barr s’occupe désormais du rythme, alors que Joe Grass oeuvre au pedal steel et que Kyla Carter et Ariel Engle assemblent leurs voix aux choeurs. Le Quatuor Cobalt (Guillaume Villeneuve et Diane Bayard aux violons, Benjamin Rota à l’alto et François Leclerc au violoncelle) complétait le tout.
Les adeptes des premières années de Patrick Watson ont toutefois eu droit à Man Like You et Big Bird In A Small Cage. Plusieurs auront aussi apprécié l’interprétation de sa première chanson en français, Je te laisserai des mots, qui était la chanson thème du film Mères et filles en 2010. Toujours sympathique de l’entendre chanter dans la langue parlée à l’Est de la Main!
Un show de Patrick Watson ne serait pas possible sans l’incontournable The Great Escape, au cours de laquelle un numéro de ballet des Ballets Jazz de Montréal (un projet monté sur la musique de Watson est en chantier, en vue du spectacle Vanishing Mélodies qui sera présenté du 2 au 6 novembre au Théâtre Maisonneuve) a attiré toute l’attention sur une mini scène installée au milieu de la foule.
Tout le reste baignait dans la sublime mélancolie omniprésente de son album Wave, paru en octobre 2019, y compris la très jolie Here Comes The River, comme un enivrant torrent en finale du spectacle, juste avant une version solo au piano de Lighthouse au rappel, sans lumière et en demandant aucun applaudissement afin de conserver le « silence » vu que l’heure de couvre-feu était passé. « Chuuuuut, faites comme si on n’était pas là… », chuchottait-il entre deux couplets pour justifier d’enfreindre les règles le temps d’un court rappel tardif.
Ainsi se concluait un Festival International de Jazz de Montréal franchement réussi, contre toute attente!
Photos en vrac
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Grilles de chansons
Simon Leoza
L’archange
Albatross
Prophets
Caroline
The Seabird
Alcatraz
Alma
Slumber
Bloom
Ghostly Kisses
Spellbound
Never Let Me Go
Heaven, Wait (unreleased)
Barcelona Boy
Don’t Know Why
J’ai demandé à la lune
Stay
Call My Name
Where Do Lovers Go?
Blackbirds (unreleased)
The City Holds My Heart
Touch
Empty Note
Back to Black
Hommage à Marvin Gaye
Flying High in the Friendly Sky (avec la choriste Chanda Holmes)
Inner City Blues (avec Zach Zoya)
God Is Love (avec Hanorah)
Mercy Mercy Me (avec Malika Tirolien)
Right On (avec Pamela Denis)
What’s Happenin’ Brother (avec Clerel)
What’s Going On (avec J.Hoard)
Let’s Get It On (avec Freddie James)
Musiciens:
Pamela Denis – Choriste
Chanda Holmes – Choriste
Rémi Cormier – Trompette
Tara Kannangara – Trompette
Nebyu Yohannes – Trombone
Modibo Keita – Trombone
Alex Colas-Jeffery – Saxophone Alto/Saxophone Baryton
Tariq Amery – Saxophone Tenor/Flute
Gordon Zamor – Piano
Greg Clergé – Guitare
Dave François – Basse
Harvey Bien-Aimée – Batterie
Patrick Watson
Lost With You
Big Bird In A Small Cage
Slip Into Your Skin
The Wave
Strange Rain
Melody Noir
A Mermaid In Lisbon
Man Like You
Turn Out The Lights
Great Escape
Look At You
Turn Into The Noise
Je Te Laisserai Des Mots
Here Comes The River
Rappel
Lighthouse
- Artiste(s)
- Festival de Jazz de Montréal, Ghostly Kisses, Patrick Watson, Simon Leoza
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Le Parterre du Quartier des spectacles, Place des Festivals
- Catégorie(s)
- Electropop, Instrumental, Rock,
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