Sharon Jones & the Dap-Kings

Festival de Jazz de Montréal 2016 – Jour 1 | Sharon Jones et sa vibrante ode à la vie

On est mercredi. En milieu de semaine, et il pleut à boire debout. Sur les tribunes radio et télé, et les réseaux sociaux, le tout-Québec n’en a que pour son défenseur étoile qui vient d’être échangé. Soyons francs : ça ne sentait pas le jazz sur la Métropole. Et pourtant…

Vers 19h, les Dieux du festival ont décidé de faire table rase, dissipant les nuages et révélant un ciel d’un bleu insoupçonné. Dans le Quartier des spectacles, les gens affluaient et les notes de sax et de piano retentissaient à gauche et à droite. Le Festival de Jazz de Montréal se mettait en branle, n’en déplaise aux veufs et aux veuves de P.K.  C’est le plus beau temps de l’année à Montréal, et la météo a décidé de coopérer.

 

Et pour lancer les festivités, les organisateurs du FIJM avaient prévu un party funk comme il s’en fait peu : Sharon Jones & The Dap-Kings sur la Place des Festivals. Gratisse.


Les Dap-Kings ont d’abord investi la scène, afin de « réchauffer la foule », dans la sacro-sainte tradition de la soul old school. Vinrent s’y joindre Saun & Starr, alias The Dapettes, choristes de la troupe, qui lançaient leur propre album – intitulé Look Closer – il y a environ un an. Quelques chansons de leur crû avant l’arrivée de la grande dame qu’on attendait.

Sharon-Jones-FIJM-Montreal-2016-crSLoiselle-1520-2Quelques échauffements plus tard, c’était au tour de la star de la soirée de se joindre au party : Miss Sharon Jones, affublée d’une robe à franges bleue royale, et arborant un crâne chauve témoignant d’une courageuse lutte que mène la chanteuse contre le cancer.

Pas question d’éviter le sujet, d’ailleurs : Miss Jones aborde l’éléphant dans la pièce, admet ouvertement vivre beaucoup de douleur, mais transforme cette énergie du désespoir en manifestation désarmante d’optimisme et d’amour. Pour ceux qui l’ont vue à l’oeuvre il y a quelques années, on sent une certaine différence. Si le corps n’y est moins, le coeur compense amplement. Et cette franchise, cette générosité, ce courage ne peut laisser indifférent, d’autant plus que cette voix si singulière regorge d’émotion.

Stranger To My Happiness lance les festivités, il ne faut que quelques mesures à Sharon Jones avant d’entreprendre ses petits pas de danse à la Tina Turner.

Certaines paroles frappent particulièrement fort dans les circonstances. Comme une lettre d’amour à la musique, elle scande, dans If You Call : 

Am I dead or am I living?
I feel no blood in these veins
But I can live, live and die like this forever
If I know I’ll taste your lips again

Son état de santé donne aussi une nouvelle lecture aux entraînantes et pleines d’espoir Get Up and Get Out et Retreat!

En dépit d’une sono un peu trop tranquille, le groove de Sharon Jones et ses Dap-Kings aura donné le ton pour un Festival de Jazz qui s’annonce porteur de bonne humeur et de moments uniques. Une singulière leçon d’humilité et d’humanité.

 

Antonio

Plus tôt en soirée, le collectif Antonio se produisait sur la scène coin de Maisonneuve et Jeanne-Mance.

Pour ceux qui l’ignorent, Antonio est un projet jazz-funk instrumental mené de front par le musicien et réalisateur David Brunet, auquel participent moult musiciens. Après deux volets en 2008 et 2010 – tous deux très bons par ailleurs – Brunet et ses potes reprenaient du service récemment, donnant lieu à un tout nouveau disque, simplement intitulé Antonio3, et lancé il y a moins d’un mois.

Les musiciens en ont évidemment profité pour jouer plusieurs des titres qui s’y trouvent, y compris le premier extrait Sister et l’excellente Thérèse, pièce « en 13 temps » que le batteur Simon Blouin aurait proposé au collectif. Ils y vont aussi d’une version instrumentale de La Cage en or, musique proposée il y a quelques années à Yann Perreau, qui en avait d’ailleurs fait une chanson avec paroles sur son album Nucléaire.

Sur scène, ils étaient pas moins de 14 par moments, incluant Sonia Payette aux élans vocaux, l’excentrique Pascal Veillette à l’harmonica et 7 cuivres !  L’instrumentation était bien équilibrée, donnait un souffle singulier à chaque chanson. Le projet transpire le plaisir de jouer, chaque tableau proposant des textures différentes et des dynamiques variées.

Le nouvel album d’Antonio3 – pas facile à trouver en ligne – est disponible par ici.

Vos commentaires