Festival Actoral à l’Usine C | Le Québec à l’honneur l’an prochain à Marseille
Avec son Festival Actoral étalé sur deux semaines, l’Usine C a accueilli dans ses trois salles une faune bigarrée d’artistes encore verts pris en flagrant délit d’initiés. Tantôt hirsute, tantôt lisse, toujours audacieuse et hors de contrôle, la programmation d’Actoral se compare à celle d’un Fringe, mais d’un Fringe aux critères relevés.
Actoral (fusion des mots acteur et oral) est né à Marseille en 2001, à l’initiative de l’auteur et metteur en scène français Hubert Colas qui cherchait avec éclat à décloisonner les courants artistiques, les faisant se croiser, entrer en collision et s’influencer mutuellement. À tel point que le Festival de cette année, juste avant l’édition de Montréal, a proposé à son public téméraire pas moins d’une centaine de rendez-vous durant trois semaines dans 17 lieux. Théâtre, danse, musique, lecture, installation, performance, arts visuels et écriture scénique, tout y a passé.
Après Montpellier et Paris, c’est grâce à la rencontre en 2012 entre Hubert Colas et Danièle de Fontenay, cofondatrice et directrice artistique de l’Usine C, que les liens se sont tissés en vue d’une réciprocité avec Montréal de talents émergents. Et de plus, qui ne sont pas forcément passés par les écoles de formation.
« Nous avions ce rêve, dit en entrevue Danièle de Fontenay, d’un tremplin transatlantique qui se consacrerait uniquement à des écritures scéniques très contemporaines, et ce, dans toutes les formes d’art. C’est même une plasticienne, Julie Favreau, qui a été proclamée cette année marraine de l’événement. Ce qui me tient vraiment à cœur, ce sont les échanges d’artistes des deux côtés de l’Atlantique, la provocation et les chocs culturels autant que la complémentarité des différentes formes d’expression artistique. C’est important non seulement comme moyen de diffusion mais aussi en tant que témoin d’un travail en cours. »
Avec un maigre budget ne dépassant pas les 150 000 $, cette édition à Montréal en était seulement la deuxième. On aura pu voir 18 spectacles et trois hors les murs originaires du Québec, de France, de Belgique, de Suisse et même pour un, des États-Unis. Des spectacles hétéroclites qui le plus souvent ne dépassaient pas une heure, ce qui permettait certains soirs d’enchaîner avec trois shows l’un après l’autre.
« Les salles étaient pleines, se réjouit Danièle de Fontenay, le public a répondu présent, ce qui est formidable compte tenu qu’il s’agit en grande partie d’artistes qui ne sont pas connus, avec des contenus à risque, et presque sans aucune publicité. La logistique de tout ça représente beaucoup de travail, c’est un vrai marathon. Il faut loger non seulement tous ces artistes, mais aussi les équipes techniques, et répondre aux besoins des uns et des autres. Mais je suis très contente du résultat. »
Ce qui me tient vraiment à cœur, ce sont les échanges d’artistes des deux côtés de l’Atlantique, la provocation et les chocs culturels autant que la complémentarité des différentes formes d’expression artistique.
Retour sur les spectacles de 2016
Seul en piste et dans le plus simple appareil, le Belge Alexander Vantournhout a ouvert le bal avec une performance cultivant l’ambiguïté entre acrobatie et danse. Juché sur ses plates-formes noires et avec des gants de boxe, son corps sculptural sous un éclairage cru et sans décor, le performeur au crâne rasé lançait au public voyeur que nous étions devenus des regards amusés et désopilants.
Dans la mise en scène du Français Florian Pautasso et sur un texte du Québécois Guillaume Corbeil, Tu iras la chercher était défendu par l’énigmatique Stéphanie Aflalo. Assise presque tout du long dans une sorte de carcan en bois, elle se parle à la deuxième personne de sa quête à Prague d’une autre femme que l’on soupçonne être elle-même. De sa voix envoutante, car elle chante aussi, les deux mains sur ses cuisses, observant les spectateurs pendant que son avion s’arrache du sol imaginaire qui la retenait captive.
Autre exemple de cette dramaturgie créée en laboratoire où une idée en cache une autre qui en cache une autre, on aura pu voir les trois personnages de Io sono Rocco, du Wallon Salvatore Calcagno, se livrer à une chorégraphie complexe avec une grande table qu’ils déplacent selon les codes curieux d’une inquiétante danse des longs couteaux de cuisine. Sans le moindre doute, leur performance figurait comme l’une des plus originales du Festival.
Sans oublier le délire verbal de l’Américain Ian Hatcher et sa propre poésie musicale qu’il désaccorde à la manière dadaïste, ou encore le duo terrible de La Jamésie, en une démonstration symbolique d’auto-destruction chez les peuples autochtones, saccageant méthodiquement et avec fureur leurs propres décors.
Explorations de nouvelles formes artistiques, souvent par leur croisement, créations spontanées autant que réglées selon la mécanique abstraite du jeu pur, chocs des idées et des formes, renversements de concepts, Actoral est une ruche de talents qui ne demandent qu’à être découverts.
Tout cela pour dire que le Festival Actoral 17 à Marseille l’an prochain mettra à l’honneur le Québec, avec toutes les palettes d’une avant-garde sans cesse à dépasser par ces curieuses bibittes que sont les artistes qui s’y adonnent et s’en réclament jusqu’au fin fond d’eux-mêmes.
- Artiste(s)
- Festival Actoral, La Jamésie, Tu iras la chercher
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Usine C
- Catégorie(s)
- Danse, Lecture,
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