
Ezra Furman au Théâtre Fairmount | La créature trouve son refuge
Lundi, Ezra Furman est montée sur la scène du Théâtre Fairmount sans fracas, mais avec une fragilité palpable.
Grand Mal a ouvert le bal comme une déclaration de son état intérieur : désordre, tension, lucidité. Première piste de son plus récent album Goodbye Small Head (paru en mai), la chanson a donné le ton à une soirée à la frontière de la perte de contrôle et de la vulnérabilité.
Furman est reconnue pour ses concerts intenses où la musique devient exorcisme. Et c’est ce qu’elle nous a livré, une soirée portée par une intensité rare dans un monde où folk et punk se côtoient.
La voix de Furman n’est ni la plus belle, ni la plus douce, ni la plus incisive. Elle est fissurée, craquante, mais capable de transmettre à la fois le désespoir et la révolte. Comme le disait Cohen : « Il y a une fissure dans chaque chose, c’est par là que la lumière entre. » Hier soir, c’est cette lumière brute qui a traversé le Théâtre Fairmount.
This whole world is […] no place for a creature for like me (No Place)
Les musiciens ont largement contribué à cette intensité. Sam Durkes à la batterie a été particulièrement percutant sur No Place, quasi tribal, accentuant ce sentiment de déracinement. Sur Trauma, la guitare de Lilah Larson s’est mêlée à celle de Ben Joseph (également aux claviers) et à celle de Furman pour livrer une dose de révolte pure. Le groove de basse de Jorgen Jorgensen sur Psalm 151 était envoûtant, aussi précis que sur l’album. Ensemble, ils ont su créer un équilibre entre chaos et cohésion, soutenant la voix parfois fragile et parfois explosive de Furman.
Le groupe, qui n’avait pas joué ensemble depuis un bon moment, lançait une tournée qui les amènera dans neuf villes du Canada et des États-Unis. Furmam, émue par l’accueil qui lui réservait le public montréalais, a confié presque en chuchotant qu’au sud de la frontière, certains politiques discutent d’associer les personnes transgenres au terrorisme. Difficile d’imaginer ce que cela fait d’être considérée ennemi de son propre pays. Mais si quelqu’un peut nous le faire comprendre sur scène, c’est bien elle : elle est apparue vulnérable au point de s’effacer sur le bord de la scène ou de s’y allonger, puis explosive et révoltée en jouant de puissants riff punk à la guitare.
« We hope to burn some of our worst and best feelings tonight« , a-t-elle lancé. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Des morceaux comme No Place, Submission, Veil Song ou A World of Love and Care ont alterné entre chaos et grâce, entre cris et murmures, une alternance qui caractérise bien son parcours musical. Les moments forts ? Ces refrains qui éclatent après des couplets fragiles : Forever in Sunset, Jump Out, I Wanna Be Your Girlfriend et Point Me Toward the Real avec son intro à la Velvet Underground.
Alors que le punk est né de la vulnérabilité mise à nu et du ras-le-bol viscéral de la classe ouvrière, il pourrait bien trouver un nouveau souffle dans la colère des personnes transgenres. Si une vague punk devait renaître de cette urgence, Ezra Furman en serait la porte-étendard.
Un concert d’une intensité rare, à revoir absolument lors de son prochain passage.
The Golden Dregs : Le sextet en version solo de Benjamin Woods
Originaire de Londres, The Golden Dregs a évolué du projet solo de Benjamin Woods, crooner à la voix baryton, vers un sextet.
Hier soir, pour sa toute première fois à Montréal, Woods s’est présenté seul, accompagné de sa guitare et d’une groovebox.
Il a offert un concert intime d’une trentaine de minutes, alternant sept morceaux avec ou sans boucle préprogrammée. J’ai méthodiquement apprécié une chanson sur deux, celles où Benjamin Woods était seul avec sa guitare.
Sa voix profonde, magnifiquement mise en valeur par une simple guitare, comme sur Congratulations, révélait un côté alt-folk solide et enraciné.
À l’inverse, les titres avec groovebox m’ont semblé maladroits, comme si l’appareil tentait de remplacer les cinq musiciens qui l’accompagnent habituellement.
Tant qu’à jouer en solo, autant miser sur la guitare seule : c’est là que Woods brille vraiment.
Grille de chansons (Ezra Furman)
- Grand Mal (Goodbye Small Head, 2025)
- No Place (Transangelic Exodus, 2018)
- Trauma (Twelve Nudes, 2019)
- Submission (Goodbye Small Head, 2025)
- A World of Love and Care (Goodbye Small Head, 2025)
- Veil Song (Goodbye Small Head, 2025)
- Driving Down to L.A. (Transangelic Exodus, 2018)
- Forever in Sunset (All of Us Flames, 2022)
- Psalm 151 (Transangelic Exodus, 2018)
- Haunted Head (Perpetual Motion People, 2015)
- Body Was Made (Perpetual Motion People, 2015)
- I Wanna Be Your Girlfriend (Twelve Nudes, 2019)
- Power of the Moon (Goodbye Small Head, 2025)
- Sudden Storm (Goodbye Small Head, 2025)
- Jump Out (Goodbye Small Head, 2025)
- Love You So Bad (Transangelic Exodus, 2018)
- I Need the Angel (Goodbye Small Head, 2025)
- Can I Sleep in Your Brain (Perpetual Motion People, 2015)
Rappel
- Suck the Blood From My Wound (Transangelic Exodus, 2018)
- Tell ’em All to Go to Hell (Day of the Dog, 2013)
- Artiste(s)
- Ezra Furman, The Golden Dregs
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Fairmount
- Catégorie(s)
- Punk, Rock,
Événements à venir
-
mardi
Vos commentaires