Gaële

Entrevue avec Steve Hogarth | Marillion et son public: une longue histoire d’amour

La formation rock Marillion, qui roule sa bosse depuis plus de 35 ans déjà, sera de retour sur la scène de l’Olympia de Montréal les 24, 25 et 26 avril prochains pour le « Weekend Marillion ». Sors-tu.ca s’est entretenu au téléphone en février dernier avec Steve Hogarth, chanteur et principal auteur des chansons du groupe, à propos de l’édition 2015 de ce fameux Week-end Marillion.

Il s’agit d’une fête qui se déroule tous les deux ans, au Canada, en Angleterre et en Hollande, et durant laquelle les admirateurs du groupe peuvent se rassembler et célébrer leur passion tout au long d’un week-end.

À travers les différentes activités, l’attrait principal de ces festivités sont les trois concerts donnés par le groupe. En effet, au cours du week-end, Marillion livrera une performance d’environ 2 heures et demie de musique par soirée, et ce, pour le plus grand plaisir de ses fans.

Et cette année, la programmation s’avère très alléchante. Le 24 avril, le groupe jouera l’album Anoraknophobia de 2001 dans son entièreté. Le 25 avril, ce sera au tour du double album Marbles, de 2004, d’être joué au complet. Et le dimanche 26 avril, et bien… le groupe se garde la surprise de la thématique.


(Il est possible d’écouter certaines réponses de Steve Hogarth en format audio, où la réponse est parfois plus complète que la version retranscrite).

Vous revenez régulièrement à Montréal. Vous avez même écrit une chanson de 15 minutes intitulée Montreal traitant de votre amour pour la ville [sur l’album Sounds That Can’t Be Made lancé en 2012]. Pourquoi Montréal est-elle si spéciale à vos yeux?

Lorsque je me suis joint au groupe en 1989 [en remplacement du chanteur original, Fish], les gars dans le groupe m’ont dit « Attends de voir quand on va jouer à Montréal, attends de jouer au Spectrum! »  Donc, avant même d’y mettre les pieds, j’étais déjà conscient que pour le groupe, Montréal était spéciale.

Et lorsque, enfin, je me suis retrouvé devant la foule du Spectrum pour la première fois, j’ai ressenti cet amour et cette passion qui s’en dégageaient et dont m’avaient parlé les gars. Et par la suite, à chaque nouvelle visite à Montréal, la réaction du public ainsi que son appui et son amour pour le groupe, furent toujours extraordinaires.

Il y a toujours quelque chose d’excitant et de touchant et de chaleureux quand on vient jouer chez vous. Par exemple, je ne suis pas le genre de chanteur à faire du crowdsurfing ou autres trucs du genre, mais je crois qu’à Montréal j’ai surfé sur la foule à 2 ou 3 reprises. Et je ne l’ai pas refait ailleurs.

 

Non seulement vous recevez tout cet amour ici, mais vous avez des hordes de fans partout dans le monde et pourtant, vous ne jouez pratiquement pas à la radio et n’apparaissez que très peu dans les médias. Comment expliquez-vous cette passion et cet appui inconditionnels?

Je ne les explique pas. Nous sommes extrêmement conscients du fait que nous sommes peu présents dans les médias, et donc toute forme d’appui de la part des fans nous coupe le souffle. On fait la tournée de villes en villes et on se demande : « Mais d’où viennent tous ces gens ? »

J’aimerais croire que c’est dû au fait que nous sommes compétents dans ce que nous faisons. Que notre musique a quelque chose de « pur », dans le sens où elle n’est pas marquée par un désir de nourrir le marché et de produire des succès à tout prix. Nous faisons ce que nous avons envie de faire, et nous sommes très méticuleux dans la manière de construire nos albums. Mes textes reflètent mes émotions et mon vécu, il n’y a rien « d’inventé. »

Et en bout de ligne, nos chansons sont « vraies ». Je crois que les gens peuvent flairer instinctivement la sincérité. Selon moi, une seule phrase sincère peut toucher davantage les gens qu’un livre rempli de mots conçus dans le but de produire un effet.

Et je suis content que mes « vérités » touchent les gens. Ça aurait pu être le contraire, les gens auraient pu détester ce que j’écris et dire « Merde! Qu’est-il arrivé à Marillion depuis que Steve H s’est joint au groupe? Il a tout ruiné! »  Mais ce n’est pas le cas, et je suis privilégié de pouvoir écrire ce que je ressens et que cela puisse toucher un nombre important de personnes, qui font de mes vérités les leurs.

Anoraknophobia, votre album de 2001, sera joué dans son entièreté le vendredi 24 avril. Qu’est-ce que ça vous a fait de revisiter l’album après tant d’années?

Lorsqu’on revisite un album, habituellement on en revisite la moitié, parce que l’autre moitié a déjà été jouée à maintes reprises depuis. En effet, certaines chansons ont fait des apparitions régulières dans nos spectacles au fil des ans, telles que Between You And Me, Separated Out ou encore When I Meet God.

Et puis il y a celles qu’on a pratiquement jamais jouées en concert, comme This is the 21st Century et The Fruit of the Wild Rose. Cette dernière est l’une de mes chansons préférées. Et ça sonne très bien en répétitions!  Nous avons beaucoup de plaisir à faire ces chansons.

Anoraknophobia fut le premier album pour lequel vous avez demandé à vos fans de payer à l’avance, avant son enregistrement. Qu’en pensez-vous aujourd’hui?

Ouf! Je n’en sais rien, pour être honnête. [rires]  Je ne crois pas qu’on ait fait de mauvais albums dans notre carrière. Nous avons fait de la musique intéressante. Nous avons toujours essayé, si ce n’est d’avancer, du moins de nous déplacer, et de constamment redéfinir ce dont nous sommes capables sur le plan musical et au niveau des paroles.

Et j’avais oublié, mais c’est vrai que ce fut le premier album financé par les fans, après que nous ayons par accident inventé le financement participatif (crowdfunding)! [rires]

L’album fut donc créé dans une atmosphère complètement nouvelle. Nous avons pris conscience à ce moment de l’existence d’une nouvelle culture, d’une manière différente de faire les choses. Nous avons ressenti toute la chaleur et l’amour de nos fans à notre égard, et non seulement ça, mais également toute la confiance qu’ils nous accordaient. Nous avons reçu plus d’argent pour ce disque que si nous avions continué à enregistrer pour une grande compagnie! Notre enthousiasme en entrant en studio était immense.

C’est à cette époque que nous avons commencé à soupçonner que nous étions vraiment uniques, dans le sens où l’amour que nos fans nous portent n’est pas seulement basé sur la musique. Il y a quelque chose de plus profond qui se passe. Et je crois que les gens le savaient bien avant nous. Le groupe a ouvert les yeux à ce moment-là et a fait  « Wow! »

L’album suivant, Marbles, qui sera joué dans son entièreté le samedi 25 avril, fut très important dans l’histoire du groupe. Un album double, qui s’est retrouvé sur les palmarès, et dont les chansons furent jouées souvent au fil des ans lors de vos concerts. Que pensez-vous de Marbles aujourd’hui?

Je pense que Marbles contient certaines de nos meilleures chansons, par exemple la pièce d’ouverture, The Invisible Man, qui est à ce jour, selon moi, la meilleure chose que nous ayons faite de toute notre carrière. Je ne pourrais probablement pas réécrire cette chanson aujourd’hui, car j’étais dans un état d’esprit très particulier à l’époque. Toutes nos chansons sont créées en jammant en studio, et j’entendais les gars créer cette pièce de musique et ça concordait parfaitement avec ce que je vivais, avec mes émotions du moment. C’était parfait.

Et Marbles est intéressant, car il se conclut sur un autre de nos morceaux les plus puissants, Neverland. Lorsque j’ai entendu pour la première fois la séquence d’accords créée par Mark Kelly [claviériste du groupe], j’ai été profondément touché, et j’ignore exactement pourquoi.

Vous dites que vous écrivez vos chansons en jammant, et je sais que vous allez entrer en studio cette année pour enregistrer un nouvel album. Je suppose donc que vous ne savez pas encore exactement de quels sujets les chansons vont traiter. Avez-vous des textes déjà écrits?

Oui, j’en ai plusieurs. Quant à savoir s’ils seront utilisés, il est trop tôt pour le dire.

Nous avons commencé à jammer je dirais…  probablement depuis l’été dernier, de temps à autre. Ce que nous faisons habituellement, c’est que nous nous réunissons et jammons avant de commencer les répétitions en tant que telles. Que l’on soit d’humeur à le faire ou non, nous jouons, et le tout est enregistré. On joue pendant trente à quarante-cinq minutes, et lorsque les choses commencent à devenir quelque peu redondantes, on commence alors les répétitions pour les Weekend Marillion.

Les jams sont intéressants. Quelque chose d’intéressant se produit tous les jours, et ça a été ainsi pendant les derniers mois. Alors, ce que nous allons faire, c’est nous réunir cet été et tracer une ligne dans le sable. Nous allons écouter tout ce qui nous a semblé intéressant durant nos jams et arranger le tout sous forme de chansons. Certains de mes textes seront certainement retenus, d’autres non, mais il est un peu trop tôt pour dire quelle forme prendra l’album.

Pour en revenir au Weekend à Montréal,  le dimanche soir sera une surprise, n’est-ce pas?

Je crois que oui. Je ne suis pas certain de ce dont j’ai le droit de parler. Nous savons ce que nous allons faire, de toute évidence. Le dimanche lors de ces conventions est traditionnellement la soirée où on se laisse aller et où on a du plaisir. Et du plaisir, nous en aurons, mais je ne peux rien dire. Sinon je vais me faire étrangler…

Et les Weekend Marillion sont encore quelque chose d’amusant à faire pour vous de toute évidence, si vous les faites encore, n’est-ce pas?

« Amusant » est un mot trop faible pour décrire la chose.

Premièrement, c’est un travail colossal de devoir répéter et arranger sept heures et demie de musique. Je ne connais pas vraiment d’autre groupe dans le monde qui soit assez fou pour faire ça. [rires] Et c’est vraiment très dur comme travail!

Et lorsqu’on se retrouve enfin sur scène devant tous ces gens, c’est totalement incroyable. Je ne prends jamais cette expérience pour acquise, c’est un privilège immense que de vivre cela, d’être au travers de tous ces gens qui sont venus pour s’amuser avec nous.

Et Montréal cette année sera le troisième Weekend. Ce qui veut dire qu’une fois rendus chez vous, nous saurons un peu mieux ce que nous faisons, nous serons prêts! [rires]

Vous êtes dans l’industrie de la musique depuis plus de 30 ans. Qu’est-ce qui vous inspire à continuer à faire ce métier?

Premièrement, Marillion a toujours eu un succès modéré. Nous ne sommes jamais devenus millionnaires et donc l’idée de prendre notre retraite et s’asseoir sur un yacht était hors de question. Mais nous n’avons jamais non plus été dans la situation inverse où nous aurions été contraints d’arrêter et de se trouver une autre forme de travail. Bref, nous avons toujours eu assez de succès pour continuer, mais pas assez de succès pour arrêter. [rires]

Et l’autre chose, c’est que nous sommes libres d’un point de vue créatif. Si nous avions eu un #1 dans le monde entier, nous aurions eu une énorme pression sur les épaules de continuer dans la même veine, d’aller là où se trouvent l’argent et le succès. Mais puisque ce n’est jamais arrivé, nous avons fait en sorte de nous faire plaisir, et d’être « purs », et heureusement, de vendre assez d’albums pour en vivre et ne pas faire de compromis. Nous sommes libres.

C’est cette liberté qui fait en sorte qu’il est tout à fait naturel de continuer.

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