Nunslaughter

Entrevue avec Nunslaughter | « Du death metal mélodique, c’est un oxymore »

Presque quinze ans après leur dernière apparition à Montréal, le groupe de death metal « non-mélodique » Nunslaughter était de retour au Québec. Il s’est produit au Piranha Bar en compagnie des non moins blasphématoires Profanatica. Nous avons profité de l’occasion pour nous asseoir avec Don of The Dead, seul membre fondateur restant du groupe américain. On a jasé des débuts de la scène, de punk, de Satan, de death metal et de mauvaise musique.

Mine de rien, Nunslaughter s’est formé en 1987, et approche tranquillement les quarante ans de carrière. « Et j’aimerais préciser qu’on est vraiment actifs depuis 87, déclare Don. On n’a jamais arrêté de sortir de la musique. » Un point important pour le musicien :

« On n’est pas un de ces pu*ains de groupes qui ont sorti un seul EP en 87, se reforment vingt ans plus tard et tournent en disant “ça fait 20 ans qu’on existe, on est cultes!” alors qu’ils n’ont rien fait pendant 20 ans. Pour moi, c’est un peu comme du stolen valor, quelqu’un qui se promène avec des médailles de guerre alors qu’il n’est jamais allé à la guerre. »

Nunslaughter est en effet connu pour sa discographie impressionnante, incluant six albums, des singles et des EP, mais surtout une multitude de splits avec d’autres groupes. Même après la mort du batteur et co-fondateur Jim Sadist en 2015, le groupe est resté actif. « On a fait sept ou huit sorties sur lesquelles il joue l’année après sa mort, se souvient Don. On ne s’est jamais vraiment concentrés sur des albums complets, plutôt sur des 45 tours et des splits, ou des cassettes live. »

La consistance musicale est restée malgré la mort de Jim, notamment grâce au guitariste Noah aka Tormentor. « Jim, même en étant batteur, écrivait des riffs de guitare, il les chantait à Noah pour qu’il les joue. Il est donc capable de continuer à composer dans ce genre aujourd’hui. »

La composition du groupe semble bien s’équilibrer dans les influences musicales. « Le bassiste est black metal, il porte généralement des chandails que je n’arrive pas à lire [rires]. Le guitariste a des influences punk et hardcore, il a grandi en écoutant Dead Kennedys, Fear, Black Flag ou Circle Jerks. Et le batteur, le plus jeune, me tient au courant des groupes populaires du moment dont je n’ai aucune idée. Souvent je lui demande le nom de ces groupes, pour être certain de ne jamais en réécouter [rires]. »

Solidarité des scènes, liens entre metalleux et punks

Don nous apporte sa vision de la scène actuelle, en comparaison avec les années 80, où il lui semblait voir plus de solidarité et même plus de liens entre les scènes punk et métal. Il remarque une plus grande séparation de nos jours, voire de l’individualisme.

« Ce qui me manque, c’est la camaraderie. Je vois des situations aujourd’hui où certains groupes pensent que pour qu’ils réussissent, les autres doivent être moins bons, pour essayer de prendre leur place. C’est stupide. Dans les années 80, je ne voyais pas ça. On essayait juste de jouer ensemble quand on faisait de la musique extrême, il n’y avait pas de “mon groupe est meilleur que le tien”. »

Selon Don, à cette époque, les punks et les métalleux devaient travailler ensemble pour construire et maintenir la scène extrême, car ils avaient conscience de sa fragilité.

« Les punks et les métalleux avaient besoin les uns des autres pour que la scène survive. Je ne connaissais aucun métalleux qui n’écoutait pas de punk, et aucun punk qui n’écoutait pas de métal. »

Il précise qu’on trouve sur sa veste des patches de Agnostic Front, Discharge ou Misfits à côté de Bathory, Twisted Sister ou Manowar. « Pour moi c’était de la musique extrême et c’est tout. »

Porter la flamme du death metal à l’ancienne

Don avoue rester fidèle à ses classiques de death metal, des albums qu’il connaît du début à la fin, et ne plus avoir vraiment plongé dans un groupe après 1989. « Dans les années 90, il y a eu plein de nouveaux groupes de death metal, mais ce n’était pas mon genre. Je n’aime pas le metal qui bounce. Satan ne bounce pas! » Il fait alors référence au death metal suédois de ces années-là, comme In Flames :

« Je trouve que c’est un oxymore de dire death metal mélodique. Ça ne fait pas de sens pour moi. Pas que certains de ces groupes ne soient pas bons, mais je n’appellerais pas ça du death metal. »

Vrai passionné de death metal à l’ancienne, Don affectionne notamment les démos les plus obscures du genre, comme Shredded Flesh du groupe anglais Azagthoth, où on retrouve un membre de Napalm Death. « Je fais écouter ça aux gars du groupe, ils me disent que ça sonne pourri, je leur réponds que c’est tout ce qu’on avait en 87! » Don explique que beaucoup de ses groupes préférés n’ont sorti qu’une démo et rien d’autre, comme le groupe Satan’s Massacre. « C’est la pire démo de death metal jamais sortie, mais je l’adore. C’est tellement mauvais que ça en devient bon. » Suivant cet exemple, Don mentionne aussi le groupe des années 60 The Shaggs, un phénomène musical qu’on ne peut que vous recommander.

Nunslaughter et Profanatica : une tournée qui débouche sur un split?

Et pour ceux qui se demandent si cette tournée avec Profanatica pourrait déboucher sur une collaboration avec Nunslaughter, la réponse est positive.

« On va faire un split avec Profanatica. Ça fait 20 ans que je lui en parle [à Paul, leader du groupe] et qu’il évite de me répondre. Maintenant qu’on est dans les mêmes loges chaque jour, il ne peut plus m’éviter! [rires] »

Don nous explique que pour plusieurs groupes, ça a pris des années avant qu’un split se concrétise, comme celui avec Blood. Après Profanatica, il lui reste quelques idées. « J’aimerais beaucoup faire des splits avec Immolation, Incantation, et aussi Autopsy! »

Le musicien nous confie aussi que huit ou neuf chansons sont déjà maquettées pour le prochain album de Nunslaughter, qu’ils devraient enregistrer en juin 2024, et sortir l’année prochaine. Don nous rappelle l’importance de garder ça court, mentionnant que l’album ne fera pas plus que 35 minutes.

« Selon moi, personne ne peut faire compétition à Reign in Blood de Slayer, et c’est un album de 26 minutes. C’est un problème pour moi dans le death metal moderne, des morceaux de six ou sept minutes avec des intros acoustiques. Mais pourquoi vous faites ça? Vous êtes vraiment un groupe de death? J’aime ça quand ça va direct à la viande et aux patates. »

Apparemment increvable et encore affamée, la horde blasphématoire de Nunslaughter nous promet ainsi plusieurs sorties à l’avenir, dont un album et quelques splits, toujours brutales et sans concession, avis aux amateurs de vrai death metal à l’ancienne, sans mélodie ni symphonie!

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