The Dears

Entrevue avec Natalia Yanchak de The Dears

The Dears s’apprête à lancer son cinquième album, Degeneration Street.  Un album plus rock, plus franc et qui marque le retour au bercail de plusieurs anciens membres, quelques années après une longue période tumultueuse.

Sorstu.ca s’est entretenu avec la claviériste Natalia Yanchak, qui nous raconte où le groupe en est avec ce nouvel album, à paraître mardi prochain, le 15 février  2011.


Vous semblez avoir emprunté une approche plus franche, plus directe sur Degeneration Street que sur le précédent, Missiles (2008). Quoique, au fond, tous vos autres albums sont plus directs que Missiles… Est-ce qu’on pourrait dire que Degeneration Street reprend là où Gang of Losers (2006) arrêtait?

Degeneration Street, le 5e album de The Dears

Je ne sais trop… Je ne crois pas qu’on puisse dire que cet album reprend où un autre se termine. Je crois plutôt qu’il fait référence à certaines choses que nous avons faites dans le passé. On pourrait dire qu’il est autoréférentiel, peut-être.

Pourquoi était-ce important pour vous de revenir sur votre passé à ce point-ci de votre carrière?

Je ne crois que ç’ait été fait de façon consciente. Au fil des ans, ça devient plus difficile de garder une certaine identité. Ç’a été un défi pour nous, de conserver ce qui fait de The Dears ce que nous sommes.

Il fallait plusieurs écoutes pour en arriver à apprécier Missiles à sa juste valeur, alors que celui-ci (Degeneration Street) semble révéler ses charmes plus rapidement, dès les premières écoutes.

Missiles avait vraiment été écrit dans un contexte très différent. De plus, Degeneration Street est notre premier album à avoir été coécrit: Murray (Lightburn, principal parolier et chanteur de The Dears) n’a pas composé toutes les chansons. Il a écrit la plupart des textes, mais les chansons ont été coécrites avec Patrick Krief, Rob Benvie et moi-même. Puis, Rob (Roberto Arquilla) et Jeff (Luciani) ont travaillé aux arrangements à la basse et à la batterie.

Du point de l’auditeur, le processus de création derrière Degeneration Street semble avoir été moins lourd que pour Missiles, qui sonnait presque comme une « thérapie sur disque ». On dirait qu’on ressent plus de plaisir sur ce nouveau disque. Est-ce une fausse impression?

Je crois que c’est juste. Missiles provenait d’un moment dans la vie à Murray et moi. Et Krief aussi. Il y a un nouvel optimisme maintenant, un nouveau départ.

Quand je mentionnais que l’album était autoréférentiel, sur le plan de l’écriture, il y avait un genre de naïveté et une volonté de ne pas trop réfléchir à ce qu’on faisait, un peu comme lorsqu’on travaillait sur No Cities Left (2003) ou End of a Hollywood  Bedtime Story (2000).  Juste essayer de laisser la musique venir naturellement au lieu d’y penser ou de tenter d’éviter les mauvaises pistes.

Est-ce que le processus de coécriture a été difficile pour Murray, qui a l’habitude d’avoir la main mise sur l’aspect écriture?

Non, ça ne semblait pas l’être. Krief est un compositeur très accompli en soi, il y avait donc beaucoup d’égalité dans le processus. Je crois plutôt que Murray était soulagé de pouvoir partager le processus avec des gens qui ont des inspirations similaires au lieu de sentir seul toute la pression de terminer des chansons.

Il y avait un sentiment d’égalité, une impression que tout le monde participait au processus et travaillait dans le même sens afin d’atteindre le but: terminer l’album.  Si quelque chose clochait, ce n’était plus seulement l’affaire de Murray de « réparer » la chanson ou de prendre des décisions. C’était devenu un effort de groupe. Ç’a vraiment été l’aspect le plus intrigant et satisfaisant de ce nouvel album et aussi le message qu’il transmet.

Je lisais que vous aviez échangé des fichiers musicaux par Internet afin de construire vos chansons. Est-ce vraiment ainsi que les chansons ont pris forme, ou était-ce plutôt dans le local de pratique?

Le processus d’enregistrement s’est déroulé très rapidement. Il faut dire que les chansons étaient vraiment prêtes à ce moment-là et nous les avons enregistrées en un rien de temps.

Mais lors du processus d’écriture, avant d’entrer en studio, c’est là où nous nous sommes envoyés des bouts de pistes, des idées et des enregistrements à gauche et à droite.  Je me disais: « On pourrait ajouter du piano » alors j’enregistrais ça sur mon ordinateur. Quelqu’un d’autre fredonnait des mélodies sur la voix de Murray. Des idées très brutes, quoi.

Ensuite, une fois que les chansons commençaient à prendre forme, nous avons commencé à pratiquer.  Les chansons se sont développées en groupe.

Puis, nous sommes allés au Mexique pour une série de 3 concerts en mai 2010. Ça aussi, ç’a été un moment clé de notre préproduction parce que nous interprétions des chansons sans savoir si elles méritaient de se retrouver sur l’album, si les gens allaient les apprécier. C’est à ce moment que nous avons commencé à travailler avec (le réalisateur) Tony Hoffer.

Alors c’est vraiment suite à ce voyage à Mexico City que nous avons senti que les chansons étaient cimentées.

C’est la grosse différence entre vos « résidences » à Mexico City et Montréal: lors de votre résidence à Pop Montréal, vous saviez ce que l’album donnerait comme résultat. Vous avez même interprété l’album tel quel, dans l’ordre. Au Mexique, ç’a plutôt aidé à développer l’album…

Tout à fait. Ç’a aidé à déterminer l’ordre dans lequel on allait mettre les chansons sur disque… Lorsqu’est venu le temps de faire les résidences à Montréal, Brooklyn et Toronto, notre intention n’était plus de bâtir les chansons, mais plutôt de les partager aux gens, avant la sortie de l’album.

C’est connu: le groupe a survécu à plusieurs conflits internes qui ont presque mis fin au projet The Dears. Au final, les vieux camarades sont revenus ensemble. Qu’y avait-il de différent en 2010 qui a permis à la recette de mieux fonctionner cette fois?

Je crois que c’est l’état d’esprit dans lequel tout le monde se trouvait. Nous sommes toujours restés en contact avec Krief, Rob et même Roberto Arquilla, qui avait joué avec nous il y a 15 ans, lors des débuts de The Dears.

Nous avons constaté que nous étions restés amis et que nous voulions maintenant faire les mêmes choses pour les mêmes raisons, dans le même état d’esprit. Tout le monde était motivé et dédié à The Dears.


Dans une entrevue l’an dernier, Murray disait de toi: « elle est la raison pour laquelle nous existons toujours. Elle est la colle qui retient toutes les pièces de The Dears ». C’est flatteur, non?

Quand même, ouais… (rires)


Sérieusement, quand les gars se disputent, s’obstinent à propos d’un solo de guitare ou d’une mauvaise habitude en tournée, c’est probablement utile d’avoir une fille dans le groupe…

Ouais, ç’a toujours fait partie de l’esprit du groupe d’avoir une présence féminine. Les garçons resteront toujours des garçons. Après un certain temps, en tant que fille, je deviens un peu désensibilisé. Mais c’est aussi très inspirant de voir l’autre côté, l’aspect « vestiaire » de tout ça: comment les gars – ou les « hommes », même chose! – agissent entre eux. Et le simple fait d’avoir le pendant féminin dans l’entourage, parfois ça calme les esprits.


Parlons du titre
, Degeneration Street (rue de la décadence): est-ce que ça fait référence à une rue particulière de Montréal? Parce que nous en connaissons tous quelques-unes qui pourraient porter ce nom…

(rires) Ouais!

Non, c’est une référence plus large. Ça pourrait être n’importe quel endroit à moitié détruit, mais qui est encore bien vivant, plein de vie et d’espoir.


À l’image du groupe, quoi…

C’est sur. La dégénérescence et la reconstruction: ça fait partie de la vie de tout le monde.  Il y a tellement de choses dans la société – l’économie ou peu importe – qui peuvent sembler s’écrouler.  Ça fait donc référence à un sentiment d’espoir, à l’idée que malgré tout ça, il y a encore bien des choses à apprécier et à espérer.


Le court-métrage Omega Dog

Parlons du court métrage que vous avez fait avec Sinbad Richardson pour la chanson Omega Dog. On y voit Murray se promener dans les rues de Montréal, filmé par la caméra d’un mobile. On pourrait l’interpréter de toutes sortes de manières. Était-ce une sorte de lettre d’amour à la vie nocturne de votre ville?

C’est comme un hommage à l’un de nos premiers vidéoclips pour End of a Hollywood Bedtime Story, que l’on avait filmé de façon similaire dans les rues de Montréal. À l’époque, nous avions une « steadicam » (NDLR: Une caméra légère fixée à la personne filmée). Ici, nous voulions reproduire ce genre d’expérience avec Murray qui déambule dans les rues, pendant la nuit, coin St-Laurent/Prince-Arthur.

Quand tu vieillis, cet esprit des clubs et des boîtes de nuit, ça prend moins d’importance, ça perd un peu de son mystère. Alors, il y avait des gens qui sortaient des bars, échevelés, bruyants, avec la police qui surveille partout. Au fond, c’est une expérience sociale incroyable. Nous voulions capter ça et faire un hommage à End of a Hollywood Bedtime Story.

Les choses ont tellement changé et sont à la fois restées pareilles…

 




 
The Dears compte passer beaucoup de temps sur la route en 2011, et prévoit même une sorte de tournée du Québec, possiblement au printemps. Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières ont été évoquées parmi les villes à visiter.

Le lancement de Degeneration Street aura lieu ce lundi 14 février à 18h, à la Sala Rossa, à Montréal. C’est gratuit et ouvert au public!

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