Entrevue avec Mireille Selwanes Tawfik | How to save a dear friend : formules pour sortir au jour
Du 30 octobre au 8 novembre prochain, la toute nouvelle pièce de l’autrice et metteuse en scène Mireille Selwanes Tawfik, How to save a dear friend : formules pour sortir au jour, sera présentée pour la première fois à l’Espace GO à Montréal. En entrevue avec Sors-tu?, Tawfik en dévoile davantage sur cette pièce qui, elle aussi, parvient à « sortir au jour » après plus d’une décennie de conception.
How To Save A Dear Friend tente, à travers une série de fragments, de retracer les origines de la violence infligée à soi-même et des blessures générationnelles. « J’ai pu m’éloigner de la trame habituelle psychologique pour essayer de comprendre d’où vient cette violence », note Tawfik.
Un titre lourd de sens et de références
En fait, la pièce suit trois personnages qui partagent à la fois des origines égyptiennes et des liens avec le suicide ou avec l’idée de passer à l’acte. Son titre, How To Save A Dear Friend, bien qu’il pourrait suggérer que la pièce s’adonne à la formulation de conseils de développement personnel, est plutôt un hommage à une œuvre russe qui traite d’un sujet semblable. Le titre est né d’une erreur d’impression que Tawfik a constatée sur son billet lorsqu’elle a assisté à un visionnement du documentaire de la réalisatrice Marusya Syroechkovskaïa, How To Save A Dead Friend.
Le sous-titre de la pièce, formules pour sortir-au-jour, est la traduction directe de l’égyptien ancien au français de l’œuvre qu’on connaît sous le nom de Livre des morts, un ouvrage comportant des textes censés guider le parcours des morts. Tawfik raconte qu’elle a été touchée par sa découverte de ce titre original du livre antique. « Pour eux, la mort, ce n’est pas une fin, c’est vraiment comme le passage vers un autre monde », fait-elle remarquer.
Pour la metteuse en scène, le concept de « sortir-au-jour » n’est pas seulement relié au décès au sens médical, mais également au fait de pouvoir subir et de ressortir de périodes plus sombres au courant d’une vie.
Je pense qu’il y a une forme de transformation qui doit avoir lieu dans la vie. Puis pour moi, c’est ça aussi, sortir au jour.
Le mythe comme ligne directrice
On retrouve des éléments culturels de l’Égypte antique de façon encore plus marquée à travers l’entièreté de la pièce grâce à la présence qu’occupe le mythe d’Isis et d’Osiris au sein de celle-ci. Dans le récit, Isis parcourt l’Égypte pour récolter les pièces de son frère et bien-aimé Osiris pour ensuite lui redonner la vie avec son souffle.
« Dans le mythe, il y a cette idée qu’Isis redonne la vie à Osiris en soufflant dans sa bouche. Puis donc, cette idée du souffle devient un peu un leitmotiv d’aider quelqu’un », élabore Mireille Selwanes Tawfik. Cette dernière explique que le mythe et le concept du souffle qui s’y trouve font partie intégrante de la pièce, autant dans le texte que dans la scénographie. Le mythe, raconté dans sa quasi-totalité, est ainsi le fragment le plus complet de cette pièce aux scènes fractionnées.
La notion de magie qui permet à Isis de raviver l’âme de son frère est également un aspect du récit qu’elle souhaitait intégrer à la mise en scène. « On avait toujours cette espèce de fantasme de dire “OK, on peut-tu faire de la magie ?” », se rappelle-t-elle. Avec l’aide de Marc-Alexandre Brûlé, conseiller en magie, How To Save A Dear Friend a pu rendre ce rêve réalité.
Le travail d’une vie
« Je viens juste de croiser une amie dans la rue en m’en venant ici, puis on parlait de ça, justement, de “Wow, quel parcours !” pour finalement y arriver », relate Tawfik. Semée en 2013, la première graine de cette pièce a subi son lot de mutations pour qu’on puisse enfin profiter de son fruit cet automne.
D’abord complétée dans le cadre de sa maîtrise en études littéraires, Tawfik remanie ensuite le texte et la mise en scène au fil des années et des collaborations. Après une résidence en Suisse en 2019, elle entre en contact avec la dramaturge Yohayna Hernández, puis avec Radwan Ghazi Moumneh, dont les idées lui permettront d’arriver à une version définitive.
La pièce est basée en partie sur l’expérience d’un de ses amis qui jouait initialement son propre rôle dans celle-ci. Lorsque cet ami a décidé de quitter le monde artistique et son rôle dans la pièce, elle a fait appel à Moumneh pour combler cette position. « Ce que vous allez voir à Espace Go, je pense que c’est un peu la rencontre de ces deux shows-là. C’est-à-dire celui sur lequel je travaillais et celui qui a émergé quand Radwan est arrivé dans le projet », explique Tawfik.L’arrivée de Radwan Ghazi Moumneh au sein de ce projet et les explorations du son, du mouvement et de la création auxquelles se sont livrées les deux artistes ont donné à la pièce son sens et son caractère final.
« Ce qui m’a le plus plu, [..] c’est cette relation naissante, émergente qui se déploie finalement sur scène devant nos yeux, puis qui est pour moi finalement un peu l’antidote à la noirceur, affirme-t-elle. C’est-à-dire que malgré la difficulté des rapports humains, parfois, en fait, c’est tout ce qu’on a pour être capable de s’accrocher finalement à la vie. »
Si Mireille Selwanes Tawfik assure que tout le monde pourra trouver son comble dans cette pièce, elle espère tout de même que les personnes déplacées, les enfants d’immigrants ou ceux qui ont simplement une réalité plus difficile pourront s’y reconnaître. « J’espère que ces gens-là vont comme sentir un petit [répit], le temps de la pièce, pour dire comme, “Oh my God, c’est vrai que notre réalité, elle est complexe, puis elle est multiple, puis multicouche, puis nos personnalités aussi le sont” », développe-t-elle.
Les billets pour How To Save A Dear Friend : formules pour sortir au jour sont disponibles ici.
* Cet article a été produit en collaboration avec Espace GO.
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