crédit photo: Marjorie Guindon
Mentana

Entrevue avec Mentana | Musique du travail accompli

Lui vient du Nouveau-Brunswick, elle, de la Gaspésie. Ils viennent de coins de pays différents, pourtant, les deux voyagent sur la même longueur d’onde. Ensemble, accompagnés de Jonathan Fournier, Pablo Seib et Yannick Parent, ils forment le groupe folk americana Mentana. Entrevue avec Robin-Joël Cool et Viviane Audet.

Sors-tu.ca : Vous allez être de passage en première partie de Brandi Carlile au Festival de Jazz le 8 juillet prochain au Théâtre Maisonneuve. Votre style musical ne se place pas nécessairement dans le genre. Comment définissez-vous votre place au Jazz?

Viviane Audet : C’est sûr que le jazz pur comme on se l’imagine peut être perçu comme jazz fusion, jazz d’improvisation, le scat et autres, mais en même temps, le jazz c’est un peu la Genèse musicale, surtout aux États-Unis.

Robin-Joël Cool : Ils disent que c’est un nom acadien, pour « jaser ». C’est une façon de communiquer. C’est peut-être plus un concept métaphysique… Non, je blague!

VA : Le jazz aussi ça vient des travailleurs qui chantaient. Je ne dis pas que c’est ce qu’on fait, nous. Mais il y a quand même une dimension assez worker dans nos chansons.

RJC : Sinon, non, nous on est pas un band jazz.

VA : Je pense que de plus en plus, le jazz a vraiment étendu son genre. Il y a vraiment toutes sortes de musiques qui rentrent là-dedans.

RJC : Le Festival de Jazz c’est une visibilité internationale, incroyable pour les bands locaux qui veulent se faire une place. Et ça c’est une façon de se faire une place méga super cool. L’année passée, le Jazz nous avait ouvert des portes sur un chaine de télévision allemande qui s’appelle ZDF. Super aventure avec l’Allemagne qu’on continue de développer.

VA : Je pense que le Festival de Jazz est sensible de donner un coup de main aux bands locaux, autant à faire découvrir des groupes internationaux aux gens d’ici.

Justement, vous avez percé en Allemagne, au top des classements pendant trois semaines là-bas. Comment se passe la relation Mentana-Allemagne?

RJC : C’est une porte qui s’est ouverte. Cet été, on va tourner en Italie. Tout découle de ça un peu. L’Allemagne, c’est quand même un marché complexe. Faut prendre notre temps, faut trouver un bon distributeur. C’est une longue machine à partir. Sauf que, on a encore des répercussions, on a encore des centaines de courriels de monde qui nous écrive de là-bas, on shippe des albums là à toutes les semaines.

VA : Ce n’était pas calculé, très imprévu. On est passé dans le documentaire Kanada à la télévision allemande. C’est un documentaire qu’ils ont fait coast to coast dans tout le Canada. Toutes les provinces sont là, et pour le Québec, c’était le Festival de Jazz et ce petit band-là inconnu du nom de Mentana qu’ils ont suivi pendant deux jours. Ils sont venus souper à la maison, on les a vraiment reçus. On a vécu une sorte d’aventure humaine avec eux. Et quand le documentaire a joué en janvier, c’est là qu’on a vu les impacts. Le courriel et le Bandcamp se laissaient aller comme ça! Jamais qu’on aurait pu penser que ça aurait un impact comme ça et que ça débloquerait sur une éventuelle tournée.

RJC : On oublie qu’ils sont 80 millions d’habitants. Petit détail. ZDF c’est la deuxième chaine la plus écoutée là-bas. C’est le ARTV de l’Allemagne, mettons. Donc, c’est beaucoup de monde qui écoute ça. Ils sont généreux, c’est des mélomanes. Généreux dans leurs messages, généreux dans leurs commentaires, leurs appréciations. Ça été une grande source de confiance pour nous.

Est-ce qu’il y a des artistes en particulier qui vous ont aidé à définir votre son?

RJC : Moi, je ne suis pas un gars de pédales. Je ne suis pas un gars électro, j’aime les instruments tels quels. J’ai grandi avec Gordon Lightfoot. Je pense que c’est certainement ma plus grande inspiration musicale. Il a écrit pour des événements tragiques canadiens, des choses qui rassemblent vraiment, coast to coast. Ma famille a vraiment habité partout au Canada, et on a tous été un peu forcés par le travail de déménager de l’east coast. Dans l’écriture de Lightfoot, ça représente une autre époque, mais il y a quelque chose qui est encore intemporel.

Vous avez pu participé à plusieurs trames sonores de film. Est-ce que votre processus de création varie entre la musique de film et la musique de Mentana?

RJC : Je suis scénariste dans la vie, donc c’est sûr que pour écrire une chanson, j’ai envie de raconter une histoire. La musique de film est toujours au service de l’histoire. Donc, notre musique, c’est de cette façon-là qu’on l’a arrangée. C’a toujours été un travail qui a été porté aux textes plus qu’à la musique. Même que des fois, je me dis que peut-être que je voudrais plus me permettre de folies musicales.

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Photo par Marjorie Guindon

Vous avez fait paraître votre album Inland Desire en mars dernier. Quelle a été la réception jusqu’à maintenant?

RJC : Pour Inland Desire, le but était de sortir un peu du Québec. À date, on a juste eu des bons échos et ça nous encourage beaucoup à avancer. Un band de francophones qui fait de la musique en anglais au Québec, ce n’est pas la chose la plus facile. C’est un marché difficile pour des bonnes raisons, entre autres, parce que les festivals encouragent beaucoup la musique francophone, et juste sortir Québec, c’est vraiment un aspect difficile à faire.

VA : Je pense que ce que les gens aiment de l’album et dans le spectacle, c’est notre volonté de raconter nos histoires. Chaque chanson est vraiment une entité en soi, comme plein de courts-métrages. C’est un peu cliché, mais c’est un peu ça pareil. On tire le rideau à chaque fois sur un nouvel univers. Par exemple avec You Don’t Know Me, on a pris un texte de Joséphine Bacon qui nous a donné la permission de traduire son texte, de l’adapter et d’en faire une chanson engagée. Ou encore Western Soil où on raconte le récit du worker qui s’en va dans l’ouest. Je pense que c’est ça qui fait la force de cet album-là. C’est un album avec plusieurs moods.

 

Vous êtes tous les deux francophones, et Vivianne, tu as également ta carrière en parallèle en français. Pourquoi avoir choisi l’anglais pour Mentana?

RJC : Ça n’aurait pas été Mentana en français. Je ne pense pas que ça aurait marché en français. En fait, ça n’aurait pas marché en français,

VA : Nos goûts francophones ne sont pas pareils que nos goûts anglophones. Ils sont assez diamétralement opposés. En français, j’ai des goûts vintage. C’est certain que quand je fais de la musique en français, je vais complètement ailleurs. Ce n’est pas Mentana.


 

* Mentana assurera la première partie de Brandi Carlile au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, ce vendredi 8 juillet, dans le cadre du Festival de Jazz de Montréal.

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