Lindi Ortega

Entrevue avec Lindi Ortega

Le 29 janvier dernier, la chanteuse Lindi Ortega était de passage au Divan Orange pour y présenter les chansons de son plus récent album, Cigarettes & Truckstops. Sorstu.ca l’a rencontrée avant le spectacle pour y discuter des influences blues sur l’album, de son récent déménagement à Nashville et de son amour pour la musique country.


Sorstu.ca : Bienvenue de nouveau à Montréal. Vous êtes venue ici à l’automne à deux reprises, en première partie de K.D Lang et puis en première partie de Social Distorsion. Comment furent ces expériences?

L.O. : Ce fut incroyable. Deux genres d’artistes totalement différents, deux publics totalement différents. Mais les deux fois, ce fut merveilleux. J’aime toujours venir à Montréal, parce que a) vous avez la meilleure poutine au monde (rires) et b) vos pâtisseries sont délicieuses, les bagels, danoises, tout est délicieux. Et j’adore l’architecture de Montréal.

 

Photo par Renaud Sakelaris.

Photo par Renaud Sakelaris.

Sorstu.ca : Le Divan Orange est une salle beaucoup plus petite que celles où vous avez joué cet automne lors de vos visites ici. Aimez-vous ce genre de proximité avec le public?

L.O : J’adore. C’est davantage mon style. La chose que je préfère, c’est de jouer dans un bar (rires). Tu sais, où les gens peuvent prendre un verre et se lever debout et avoir du plaisir. Et c’est dans ce genre d’endroit que j’ai débuté, les bars et cafés. J’aime tout simplement ça, c’est agréable et intime, et tu peux voir les visages des gens. Tu peux pointer quelqu’un du doigt et le rendre mal à l’aise et lui chanter une petite chanson en le dévisageant (rires). Vraiment, j’adore ça, et c’est génial ici (au Divan Orange), c’est chaleureux et cool.

 

Sorstu.ca : Pour l’album Cigarette & Truckstops, vous avez…

L.O : J’ai fumé 10 paquets de cigarettes. (rires)  Non, je blague!

 

Sorstu.ca : (rires). Vous avez été inspirée par la musique blues. Comment cela s’inscrit-il dans votre style?

L.O. : Tout d’abord, le genre de country – si on veut appeler ça « country » – que je fais est un curieux mélange. C’est un mix de tout ce qui m’a influencée. Je n’ai jamais été inspirée que par un seul style de country. J’aime tous les styles. Et j’aime également la musique folk, et la musique roots, et le rock, etc.  La musique que je fais est le résultat de tout cela mis ensemble.

Donc, j’ai lu la biographie de Hank Williams. J’ai appris qu’il avait été influencé, mentoré en fait, par un homme du nom de Rufus Payne, surnommé Tee Tot, qui était un musicien de blues. J’ai été fascinée par la façon dont le blues a influencé le country des premières heures. Et je me suis mise à acheter et écouter pas mal de blues : du Leadbelly, du Lightning Hopkins, et Blind Willie Johnson, Blind Lemon Jefferson… en fait tous les aveugles (« blind ») dans le blues (rires)!  Et Robert Johnson, évidemment.

J’ai réalisé, pendant que je découvrais cette musique, que mes compositions prenaient une tournure blues, les progressions d’accords, les mélodies vocales, etc.  Nous avons ensuite engagé un réalisateur qui est totalement familier avec le blues : Colin Linden. Ce gars pourrait écrire une encyclopédie sur le blues, il a tellement de connaissances sur le sujet. Et son style à la guitare, ce côté blues, a beaucoup coloré le disque.

 

Sorstu.ca : Vous avez déménagé à Nashville au cours des dernières années. Qu’est-ce qui a motivé ce changement?

Photo par Renaud Sakelaris.

Photo par Renaud Sakelaris.

L.O. : J’ai déménagé à Nashville parce que, comme je l’ai mentionné, j’ai lue la biographie de Hank Williams, et je me suis rendue compte que tout ces artistes que j’aimais avaient une connexion avec cet endroit, et Nashville a un passé incroyable en terme de country. Deuxièmement, la scène country à Toronto n’est pas immense. Il n’y avait plus vraiment d’espace pour moi pour évoluer en tant qu’artiste, et pas tellement d’endroits pour jouer non plus. Il n’y a pratiquement que le Dakota Tavern où je peux jouer du country à Toronto.

J’avais besoin de prendre mon envol, de prendre des risques. Et la chose logique à faire pour moi était d’aller à Nashville, car c’est la « Music City », c’est là que la musique vit et respire au quotidien. Eh oui, il y a ce côté de Nashville qui est très commercial. Mais il y a également un tout autre côté, très étonnant. East Nashville est un endroit très « hip » où on crée une musique hybride vraiment cool.

 

Sorstu.ca : Comment ce fut d’apparaître dans un épisode de la série télé « Nashville »?

L.O : Très cool!  Je ne connais absolument rien sur le métier d’acteur et sur le monde de la télé, alors c’était vraiment très intéressant d’en apprendre sur cet univers. Je ne pourrais probablement pas faire ce métier, car je ne suis pas aussi patiente! (rires)  Il y a beaucoup d’attente, on attend toute la journée pour tourner une minuscule scène. Mais je respecte totalement les gens qui le font. Et ce qui compte au bout c’est le résultat, et la série a un look d’enfer.

Ce fut cool!  J’ai eu à me jouer moi-même. Et ce qui est intéressant avec cette série, c’est qu’ils vont vraiment dans les lieux mythiques de Nashville, les vraies salles de spectacle de la ville. Je regardais et me disais : « Hey, j’ai été à cet endroit! » ou « Hey, j’ai vue cette personne en ville ». Ce fut une très belle expérience de faire partie de cette série.

 

Photo par Renaud Sakelaris.

Photo par Renaud Sakelaris.

Sorstu.ca : Parlez-nous un peu du groupe qui vous accompagne ce soir sur scène, Dustin Bentall & The Smokes

L.O : Ils sont fantastiques! Ce sont des musiciens incroyables qui méritent d’être plus connus. Ils jouent avec moi sur scène et les gens disent « Oh, c’est ton backing band » et je réponds « Non, non, non!  Nous collaborons! ». Leur son et ce qu’ils font complémentent ce que je fais. C’est très différent d’une situation où j’engagerais mes propres musiciens pour jouer ma musique exactement comme sur le disque. J’adore cela. C’est excitant, et ça rend ma musique plus intéressante. Il n’y a pas de violon sur aucune de mes chansons et c’est vraiment cool que Kendel [Carson] joue du violon, ça ajoute un élément totalement différent qui me plaît énormément. Je leur souhaite d’exploser, d’avoir beaucoup de succès.

 

Sorstu.ca;  On dit que la musique country est plus « vraie », plus « terre-à-terre », et les thèmes que vous abordez dans vos chansons sont également très terre-à-terre. Est-ce pour cette raison que vous avez choisi de vous exprimer à travers ce genre de musique?

L.O : Oui, un peu. Les chansons que je préfère sont souvent country, celles dont les paroles viennent me chercher. J’étais la fille unique de deux parents immigrants, je n’avais pas d’autre famille, j’étais bizarre et maladroite – je suis toujours bizarre et maladroite (rires) – et donc je me suis toujours sentie un peu à l’écart. Des chansons comme I’m So Lonesome I Could Cry de Hank Williams, qui est probablement la première chanson country que j’ai entendue, ont résonné en moi, je m’y suis beaucoup identifié.

Et je ne sais pas, il y a quelque chose dans la slide guitar, dans le son de corde pincée (« twang »), que j’aime tout simplement. Ça me semble familier, de manière étrange. Peut-être que dans une vie antérieure j’étais une fille de la campagne ou quelque chose du genre (rires). Ou pas. Ça a peut-être à voir aussi avec mon héritage irlando-mexicain. Beaucoup de chansons folk irlandaises me rappellent la musique country. Même chose pour la musique mariachi. C’est en moi, tout simplement. Je ne peux l’expliquer autrement.

 

Sorstu.ca : Vos parents écoutaient beaucoup de musique?

L.O : Oui, ma mère est une très grande fan de country.  C’est elle qui m’a introduite à ce style.  Et mon père était joueur de basse dans un groupe latino.  Il montait même sur scène avec moi à mes débuts, ce qui était vraiment cool!

 

Sorstu.ca : Une critique récente de l’un de vos spectacles dit : « Lindi Ortega chante le genre de musique country que votre grand-père avait l’habitude d’écouter ».  Et bien que cela soit quelque peu vrai, il semble que vos textes ne pourraient être chantés que par une femme de notre génération.  Qu’en dites-vous?

L.O : Je suis d’accord avec vous.  Je suis consciente que je ne suis pas née dans les années 40, que je n’étais pas une artiste country dans les années 70.  Je peux leur rendre hommage, et je peux aimer cette musique, mais je ne serai jamais cela.  Je serai toujours moi-même, avec mes propres expériences.  Je n’ai pas grandie sur une ferme au Tennessee ou en Alabama.  J’ai grandi dans le froid de Toronto (rires).  Et peut-être que mon style de musique est en quelque sorte unique justement parce que je ne viens pas de là-bas.  C’est ce qui amène ce petit twist et rend ma musique plus moderne.

 

Photo par Renaud Sakelaris.

Photo par Renaud Sakelaris.

 

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