Feu! Chatterton

Entrevue avec Feu! Chatterton | « L’essence des contradictions qu’on aime »

Sur les canapés fleuris d’une petite loge, Sébastien, Raphaël, Antoine et Arthur, quatre des cinq membres du groupe de rock littéraire Feu! Chatterton se reposaient enfin après avoir répété une dernière fois pour le concert du soir même. Il y a un mois maintenant, leur album tant attendu Ici le Jour (a tout enseveli) est sorti. Une autre phase a commencé pour le quintette qui traverse la France pour défendre ardemment ce premier effort.

Feu!Chatterton

Photo par Fanny Latour Lambert

Dandys, charismatiques, jeunes, Parisiens… les qualificatifs fusent et se répètent concernant une des dernières révélations de la scène rock francophone de l’hexagone.

Si on entend beaucoup parler d’eux en ce moment, il ne faut pas oublier que Feu! Chatterton existe depuis quatre à cinq ans. Clément, Sébastien (guitares) et Arthur (chant) se connaissent en effet depuis le lycée même s’ils n’étaient pas amis dès les premiers jours de classe. « Moi j’étais un peu en dehors au début mais je voulais vachement entrer dans cette équipe parce qu’ils étaient souriants. On avait l’impression que la cour de récréation était une prairie dans laquelle on pouvait gambader gaiement avec une bouteille de lait », se souvient Arthur.

Puis un beau jour de rentrée, le futur chanteur s’est retrouvé assis à côté de Clément en classe. Et une amitié naissante commença quand le premier se mit à parler de carnaval et d’Erasme à son voisin, « des problématiques d’adolescents, tantôt passionnelles, tantôt raisonnables ».

Pendant les vacances qu’ils passaient ensemble, Arthur découvrit la musique en voyant Clément et Sébastien jouer de la guitare. « Tout ça était très mystérieux et assez magique parce que quand ils se mettaient à jouer, c’était beau. » Le problème était qu’il ne savait pas jouer d’un instrument, même si Arthur fit une première tentative au sein d’un groupe éphémère après avoir reçu un djembé à Noël. « Il faisait n’importe quoi ! », rit Sébastien.

 

Du slam à la chanson

Si le solfège était un langage mystérieux pour Arthur, il cherchait déjà à maîtriser les subtilités de la langue française en écrivant des textes et des poèmes qu’il déclamait à ses amis. Puis de premiers morceaux sont nés un peu par hasard : «On était en terminale, on était au ski et il y avait les discothèques de ski, c’est très chouette quand t’es jeune. Je trouvais ça mortel parce que c’était vraiment kitsch, c’était l’époque Call on Me. C’était les premières fois qu’on allait en discothèque et là dans la discothèque j’écris un texte sur les boîtes de nuit, on remonte, on fait de la guitare. »

Sébastien, Clément et Arthur montèrent alors un groupe de slam, car à l’époque Arthur déclamait ses textes mais ne chantait pas. Puis au fur à mesure, la forme du groupe changea avec l’arrivée de Raphaël et d’Antoine, et la volonté aussi. « Assez vite on s’est dit qu’on allait essayer de faire de la chanson, de mettre des mélodies sur les mots qu’il écrivait», affirme Sébastien. Avec une peur : celle de la variété et du kitsch dans lesquels on peut facilement tomber en français. D’où une période d’adaptation et de travail. D’ailleurs sur Ici le Jour (a tout enseveli), on retrouve Harlem, un morceau de cette période, très représentatif de ce que le groupe faisait à ce moment-là.

Multiples interprétations

Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas entendu un travail si équilibré entre textes et compositions dans le paysage musical français. L’écriture d’Arthur, minutieuse et laissant la place à l’interprétation, se retrouve soutenue par des mélodies qui semblent construites sur mesure. On pourrait croire que le chanteur ramène ses textes au groupe qui les interprète en musique. Et pourtant. « Le texte va naître en même temps que la musique, il va faire évoluer la musique et inversement et c’est ça qui fait que c’est très organique », souligne Sébastien.

Le premier album de Feu! Chatterton contient donc 14 chansons, ou 15 pour ceux qui auront eu la version bonus avec Bic Medium (qui vaut le détour). Ces titres ont été choisis après de longues discussions entre les membres du groupe, et leur ordre a fait l’objet d’un casse-tête sans précédents.

« On a vraiment réfléchi longtemps à l’ordre des chansons pour qu’il y ait une cohérence dans les ambiances mais aussi pour qu’on puisse avoir l’impression qu’il y ait une histoire commune », raconte Sébastien.

Mais ensuite tout est histoire d’interprétation, et de belles analyses de l’album ont vu le jour sur le web. Même si, en cherchant bien, on peut découvrir des initiatives du groupe, comme celle d’avoir mis en premier sur l’album Ophélie, et en dernier Les Camélias qui vient rappeler la mort d’Ophélia dans Hamlet (Shakespeare) et fait donc un clin d’œil au premier morceau.

 

De la musique « bleue »

Feu!Chatterton-cover

La pochette de l’album Ici le Jour (a tout enseveli)

La pochette de l’album semble aussi ne pas être choisie par hasard même si en fait elle l’a été. On y voit la peinture Les Yeux Clos d’Odilon Redon, peintre symboliste du XIXè siècle qui a également peint Ophélia d’Hamlet (tiens tiens).

Mais si cette peinture a été choisie, c’est pour sa couleur : le bleu. Car Feu! Chatterton associe sa musique au bleu. « On aime bien parler en couleurs. Ce bleu nuit, comme celui par la fenêtre, là. C’est ce bleu-gris-violet qui est propre à la mélancolie mais dans lequel il peut se passer plein de choses », révèle Sébastien.

 

Laisser les imperfections

Pour enregistrer ce premier opus, Feu! Chatterton est allé en Suède avec Samy Osta, producteur qui a travaillé avec La Femme et Rover entre autres. L’album a été enregistré en live afin de laisser des imperfections qui finalement sont belles et ajoutent des reflets à la musique du groupe. En tendant l’oreille, on entendra qu’Arthur butte sur un mot sur Harlem, mais cela a été laissé tel quel. Le morceau Bic Medium a quant à lui demandé un certain acharnement « C’est la 31e prise de 15 minutes. Ça a duré des heures et des heures et à la fin on était en transe quand on l’a faite, à 22h », se rappelle Raphaël (batteur).

 

L’amour des contradictions

Finalement si on cherche un mot pour décrire Feu! Chatterton, ça serait bien celui de contradictions. « Juste dans Feu! : c’est l’essence des contradictions qu’on aime. Il y a le feu qui veut dire la mort et le point d’exclamation qui veut dire le top départ », s’amuse Arthur.

Et que dire alors du titre Ici le Jour (a tout enseveli) avec trois premiers mots qui annoncent la lumière et une proposition entre parenthèses qui décrit l’opposé. « On aime bien jouer avec ça, ça nous fait rire, c’est ironique. Les oxymores donnent la couleur du disque « , finira par dire Arthur.

Consultez également notre critique (avec photos) du lancement à St-Malo.

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