crédit photo: Andy Jon

Entrevue avec Catherine Jeanne-d’Arc | Revendicatrice positive et colorée

Tête du projet punk et féministe Charôgne, Catherine Jeanne-d’Arc a décidé de se lancer pour de bon dans une carrière en solo avec un premier album de 10 chansons intitulé Dopamine, qui paraîtra demain. Entrevue avec l’artiste qui mêle revendications et humour, sur un fond d’électro inspiré des belles années de la scène rave et synthpop de la fin du 20e siècle.

« Je pense que Charôgne, c’était un projet qui ne proposait pas de solution. C’était un projet qui dénonçait seulement. Tandis qu’avec Catherine Jeanne-d’Arc, j’ai l’impression qu’on essaie d’abord d’aborder une manière de parler à tous pour les amener dans notre sujet. Toutes les issues que les Gen Z, millennials, on vit. C’est plus une manière de rentrer en dialogue avec des générations qui ne vont pas nécessairement comprendre ces enjeux-là, explique la musicienne, aussi artiste drag. [Ce projet-là est pensé] dans une optique positive, essayer d’apporter des solutions, tandis que Charôgne était plus dans une approche de te l’mettre dans la face. »

* Charôgne en première partie des Vulgaires Machins, en 2022. Photo par Marie-Emmanuelle Laurin.

Catherine Jeanne-d’Arc propose effectivement un projet très ancré dans notre temps, alors que des sujets comme l’anxiété, les enjeux corporels, la pression que subissent les femmes ou les droits LGBTQ+ peuvent être entendus tout au long de l’album. Puisque Dopamine est avant tout un projet pop, elle espère toucher un plus large public, qui pourra entendre son message parfois sombre, parfois drôle, sans oublier de se trémousser au gré des rythmes dansants. Façon Stromae.

Tu danses dans le malheur que tout le monde vit.

Catherine Jeanne-d’Arc embrasse alors pleinement la facette pop de son art, mais elle rappelle à quel point l’industrie peut être cruelle envers celles qui ne rentrent pas dans le moule de la musique populaire aujourd’hui, notamment le moule de la jeunesse.

« J’aime beaucoup aborder la pression de vieillir dans un monde qui rajeunit constamment. et qui demande aux femmes de ne pas avoir une seule ride, une seule once de gras, détaille Catherine Jeanne-d’Arc. Ça rentre complètement dans mes issues. Moi, comme tout artiste, j’aimerais ça devenir ben big. Mais est-ce que je ne vais pas le devenir parce que je suis trop vieille? Pour l’industrie, je suis rendue trop vieille, et c’est fucked up. C’est une pression énorme », poursuit l’artiste au début de sa trentaine, rappelant les propos du film The Substance, sorti l’année dernière.

catherine jeanne d'arc dep1 (crédit andy jon)* Photo par Andy Jon.

L’art comme acte de confiance

Catherine Jeanne-d’Arc souligne le travail du réalisateur Adrian Popovich, à qui, dit-elle, elle doit beaucoup dans la conception de Dopamine.

« On s’est rencontrés pour le premier single que j’ai sorti, Comme les garçons [en 2021], pis il est venu me voir et il m’a demandé si je voulais continuer à collaborer avec lui. Tout cet album-là, il ne se serait pas réalisé s’il n’était pas là. C’était un ben trop gros projet pour moi, seule. Ça fait trois ans qu’on s’écrit presque tous les jours, à se dire ”ok, telle note, c’est-tu ça? Telle vibe?” Et on recommençait mille fois les chansons », raconte Catherine-Jeanne-d’Arc, s’avouant particulièrement perfectionniste, comme son réalisateur, Adrian Popovich. Un défaut qui porte ses fruits, selon elle. Mais qui reste tout de même un défaut.

« Adrian, pour moi, honnêtement, c’est mon ”safe papa” de l’industrie. Je n’ai pas eu souvent des hommes qui ont pris soin de moi sans avoir une arrière-pensée ou quoi que ce soit. J’ai été pitchée dans l’industrie à 18-19 ans, et il y avait des hommes vraiment malveillants. C’était pas abordé comme aujourd’hui non plus, depuis #MeToo. Il y a une mini-sensibilisation, pis un mini-ménage qui a été fait depuis. »

Les derniers détails de Dopamine ont été assurés par Olivier Paquet, du duo latino-pop Cherubinx, insufflant à l’album des « touches plus modernes, justement un peu Y2K, Charli XCX ».

Dopamine, comme son nom l’indique, évoque également les stimulations constantes qui nous entourent.

« Je me sens très affectée par le rythme effréné dans lequel on vit, comme le capitalisme. Je travaille non-stop, pis c’est à ça qu’on s’attend de tout le monde. On arrive pas du tout à prendre une pause, à respirer. Il y a la manière dont on vient au monde maintenant, avec les cellulaires. J’ai eu le luxe d’avoir une enfance sans trop de technologie, mais je sais que pour les Gen Z, c’est rough. Je ne sais pas ce que je serais devenue si j’étais née dans ça, reconnaît Catherine Jeanne-d’Arc. Je suis très reconnaissante d’avoir eu un 13 ans de ma vie sans trop d’influence de la technologie. Il y a quelque chose de déplorable dans tout ce qui se passe. Quand on ne regarde même plus le ciel, on ne réalise même plus qu’on est dans un univers. »

Une artiste qui inspire particulièrement Catherine Jeanne-d’Arc?

« Doechii, pour vrai, je me lève le matin et elle me donne de la force! Quand son projet [Alligator Bites Never Heal] est sorti, je disais que c’était le meilleur album de 2024. J’adore sa théâtralité, son spectacle, sa musique, tous ses propos, le fait que c’est une femme racisée qui a autant d’influence… Tout ce qu’elle défend m’inspire », explique-t-elle, se disant aussi influencée par des artistes comme COBRAH, Missy Elliott, Madonna ou, au Québec, La Monarque et Klô Pelgag.

catherine jeanne darc cr andy jon* Photo par Andy Jon.

Plus qu’un spectacle

Provenant d’abord de l’univers du théâtre, Catherine Jeanne-d’Arc tient particulièrement à marquer son auditoire sur scène en lui proposant plus qu’un spectacle, mais une expérience complète.

« Il va y avoir un artiste drag. Il va y avoir des danseurs. Honnêtement, les gens ne vont pas s’emmerder. Il va même y avoir un DJ set! Je veux proposer une soirée comme si tu sortais. Je ne veux pas jouer seulement mes chansons, tu achètes mon CD, et bye. C’est pas ça mon but. » Catherine Jeanne-d’Arc nomme Philippe Brach comme source d’inspiration première dans la conception de ses spectacles, lui qui avait le don de surprendre, à chaque occasion, son public avec des concepts plus extravagants les uns que les autres, comme le fameux « Show chié ».

Dans un monde où Ticketmaster pousse les limites du possible en fixant des prix toujours plus exorbitants, Jeanne-d’Arc rappelle qu’il ne faudra pas casser la tirelire pour aller la voir à son lancement.

« Le billet, c’est 10$, ou il y a aussi le prix de rich person, si jamais t’es riche pis t’as envie de nous encourager. Ou je dis le prix sugar daddy, whatever. »

Pour assister au lancement de Catherine Jeanne-d’Arc aux Foufounes électriques le 7 novembre prochain, dont la première partie sera assurée par Le Belladonne, vous pouvez vous procurer une place juste ici.

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