crédit photo: Thomas Mazerolles
Ancient

Entrevue avec Ancient | Dans le berceau du black metal norvégien

« Darkthrone a sorti A Blaze In The Northern Sky, et là tout a changé. » Dans les terres glacées de la Norvège, il y a de cela trois décennies, un album allait changer le cours de la musique extrême. Et dans la foulée, le groupe Ancient sortait en 1994 son album culte, Svartalvheim. À l’occasion de la venue des Norvégiens à Montréal pour la prochaine Messe des Morts, nous avons parlé avec le groupe, évoquant les débuts de la scène norvégienne des années 90, qui allaient changer le cours de l’histoire de la musique extrême, et la genèse de leur album.

La Génèse du Black Metal en Norvège

Nous rencontrons Zel, leader et fondateur de Ancient, dans le hall d’un hôtel. Le Norvégien apparaît calme, presque timide, en opposition avec son aura diabolique qu’on peut voir en spectacle. La discussion porte rapidement sur le développement de la scène dont il faisait partie au début des années 90 à Bergen, véritable berceau du black metal. « Le death metal n’était pas si populaire en Norvège », raconte le guitariste-chanteur. « Il y a eu de l’intérêt en 91 avec Morbid Angel et Deicide, la vague américaine, mais ça restait faible en Norvège. Il y avait quelques groupes dans le genre comme Cadaver et Darkthrone (NDLR: dans leur époque death metal) que j’aimais bien. Mais pour moi c’était plus quelque chose qui venait de l’Amérique. »

 Puis Darkthrone a sorti A Blaze In The Northern Sky, et là tout a changé. C’était vraiment différent, parce que tout le monde faisait un peu la même chose à cette époque, du death metal influencé par les grosse productions américaines, comme Morbid Angel ou Obituary, et ça devenait saturé je pense.

1992, et cet album légendaire à l’atmosphère si unique et emblématique du black metal, pierre angulaire du genre, une étincelle qui fait exploser tout une scène, apportant ce souffle nouveau et glacial.

Genèse de l’album Svartalvheim

C’est ce qui allait inspirer Zel pour monter Ancient, dans le sillage de Bathory, Mayhem et Immortal. « J’avais un groupe de death metal en 1991, on s’est séparés et j’ai commencé à faire de la musique seul, enregistrer des démos avec ma guitare et une boite à rythme. Puis j’ai rencontré le batteur Grimm et on a commencé à jouer ensemble. »

Et c’est en 1994, il y a trente ans, que Ancient enregistre son album culte. Nous demandons à Zel ses souvenirs après toutes ces années. « La musique est intemporelle, peu importe les années qui passent. » Pourtant, cet album semble enregistré dans une époque lointaine, notamment du côté technique.

 On n’avait pas d’ordinateurs, on n’utilisait pas de métronome, on enregistrait sur des bandes. C’était tellement différent. C’était beaucoup plus naturel. Aujourd’hui tout est parfait, numérisé, il y a du bon et du mauvais… ça rend les choses mécaniques.

Tout éditer, pour que tout sonne parfait. « Le problème aujourd’hui, lance le bassiste du groupe, Dhilorz, c’est que si tu enregistre à l’ancienne les gens vont te dire que c’est pas bon, il faut éditer tout pour que chaque note et chaque coup soit parfait. » Ou les limites de la technologie dans la musique, et comment l’utiliser sans dénaturer les humains ? « C’est à tel point, reprend Zel, que de nos jours, une batterie éditée au millimètre sonne presque comme une boite à rythme bien programmée. » On perd le facteur humain, ce qui fait justement tout le caractère vivant d’un album comme Svartalvheim.

« Je ne pense pas que Svartalvheim soit purement du black metal, il y a différents éléments. Du métal plus classique et traditionnel, en plus de Bathory et Venom par exemple. » On peut effectivement entendre des influences différentes dans les parties de guitare, qui ont une certaine spontanéité. « Je ne suis pas du genre à m’assoir des heures pour écrire des parties de guitare, beaucoup de riffs étaient improvisés, si ça sonnait bien je les gardais. » La force et l’authenticité de la spontanéité dans la musique, se traduisant par un albums aux riffs remarquables et aujourd’hui une référence de la fameuse vague norvégienne des années 90.

La sortie chez Listenable Records en 1994

C’est Laurent du label Listenable Records en France qui découvre Ancient avec le premier 45 tours, Det Glemte Riket. « Listenable faisait du bon travail, se souvient Zel. Ils géraient et conseillaient les groupes, en plus de sortir les disques.

Laurent (Listenable Records) nous a mis un peu la pression pour que l’album sorte en novembre 1994. Il ne voulait pas que ça soit un album de 1995. Il y avait vraiment quelque chose de spécial dans cette année-là.

Ancient se retrouve alors sur la compilation World Domination de Osmose Productions en 1995 aux côtés de grands noms comme Enslaved, Immortal, Impaled Nazarene ou encore Marduk (ces derniers qu’on retrouvera aussi à la Messe des Morts cette année).

Le groupe s’illustre donc dans la fameuse scène de Bergen.

 On n’était pas vraiment proches des autres groupes, confie Zel. Je connaissais les gars d’Immortal, j’ai rencontré Varg (Vikernes) quelques fois, et les gars de Gorgoroth. On était en contact mais sans plus.

Ancient jouera deux concerts à Bergen en 93, et un en Suède en 94. « C’était encore nouveau à l’époque, mais tout est arrivé si vite. J’ai l’impression que c’est passé en une semaine, on enregistrait une démo, et puis on avait des gens du Japon ou du Brésil qui nous écrivait. L’intérêt grandissait vite. » Et sans Internet, juste par des lettres, des échanges de cassettes et coups de téléphones non intelligents…

Trente ans après ces seigneurs du chaos et leur époque qui nous fascine, sur fond d’églises brûlées et de violences parfois meurtrières, leur héritage survit aujourd’hui à travers leurs œuvres musicales, qui resteront des références et des influences pour encore bien des générations de musiciens.

Le groupe Ancient sera de retour à Montréal le 29 novembre au Théâtre Paradoxe, pour jouer cette fois leur deuxième album, The Canian Chronicles, lors de la prochaine édition de la Messe des Morts. Le festival verra également la présence de groupes comme Marduk, Misþyrming, Necrophobic ou encore Sargeist.

 

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