
Entretien avec Alan Côté, directeur du Festival en chanson de Petite-Vallée | Le Théâtre de la Vieille Forge : Un lieu de culture, d’héritage et d’avenir
Dans une rencontre à la fois passionnée, détaillée et touchante avec quelques membres des médias réunis autour d’une table à Petite-Vallée, Alan Côté, directeur général et artistique du Village en chanson de Petite-Vallée, a partagé les dessous de l’ambitieux projet de reconstruction du Théâtre de la Vieille Forge. Au-delà des défis techniques et financiers, c’est toute une vision pour la culture gaspésienne qui s’incarne dans ce lieu inauguré à l’été 2025 dans le cadre du 42e Festival en chanson.
Sept ans de patience et de persévérance
Le nouveau théâtre n’est pas apparu du jour au lendemain. Il a fallu sept années de planification, de financement, de construction — et de résilience — pour en arriver là. Détruit par un incendie en 2017, l’ancien théâtre a laissé derrière lui un vide immense. Pour Alan Côté, l’idée n’a jamais été de simplement reconstruire un lieu, mais de créer un outil de travail vivant, polyvalent, qui respecte l’âme du lieu tout en répondant aux besoins d’aujourd’hui.
Les anecdotes abondent : des moulures posées à la dernière minute, des planchers installés à quelques heures de l’ouverture, des chalets terminés in extremis pour accueillir les artistes… Le chantier s’est parfois transformé en course contre la montre. Mais grâce à la solidarité locale, à la flexibilité des artisans et à quelques coups de chance – notamment des baisses inespérées de taux d’intérêt – le projet a abouti sans dépassement de coûts majeurs, malgré les embûches et un budget réduit à 14,5 millions.
Une salle pensée pour le spectacle et la communauté
Avec ses 390 places assises (et environ 600 en formule debout), la nouvelle salle se veut à la fois intime et flexible. Un mur amovible permet d’agrandir l’espace selon les besoins, et la qualité acoustique comme la polyvalence technique en font un lieu de diffusion exceptionnel. Mais au-delà de l’expérience spectateur, c’est l’aspect collectif du projet qui transparaît.
« C’est un lieu de vie, un tiers-lieu pour la communauté », résume Côté. On y tiendra des mariages, des assemblées, des ateliers, des résidences artistiques, des activités scolaires, et même des rassemblements communautaires. L’objectif est clair : faire vivre ce bâtiment toute l’année, et pas seulement pendant le festival.
Une programmation et une vision élargies
L’autre pierre angulaire du projet est le rôle que le Village en chanson joue dans la création artistique. Outre les camps de chanson pour jeunes et adultes, Petite-Vallée accueille de nombreuses résidences. Le projet Nikamu Mamuitun, qui mêle voix autochtones et allochtones, est né ici en 2017 et revient avec une nouvelle cohorte. D’autres initiatives comme Le Grand Partage, le Projet Saint-Laurent ou des collaborations avec la France (notamment avec Pézenas et l’Occitanie) illustrent la dimension internationale que prend désormais le lieu.
On y soutient aussi des artistes locaux, émergents et professionnels, dans des démarches de création ou de rodage. Les infrastructures du théâtre (ateliers de costumes, ateliers de décor, équipements professionnels) permettent un accompagnement rare en région.
Des défis structurels, humains et politiques
Le parcours du projet n’a pas été sans embûches. Retards de livraison, météo capricieuse, sous-traitants débordés ou absents, pressions financières… Alan Côté raconte comment, à plusieurs reprises, le chantier a failli dérailler. L’anecdote d’un poteau électrique oublié qui a failli bloquer le début des travaux, ou celle de l’intervention d’Hydro-Québec pour accélérer un dossier, témoignent de la complexité du projet.
L’accueil du nouveau théâtre par la population locale a dépassé les attentes. D’abord craint comme un « éléphant blanc », l’édifice a su conquérir les cœurs une fois les portes ouvertes. « On se sent chez nous », résume un commentaire entendu souvent depuis l’inauguration. Le lien entre la population et le lieu, si important pour Côté, semble restauré.
L’équipe entend maintenant miser sur cet engouement pour fidéliser un public intergénérationnel, en multipliant les partenariats locaux, les événements hors festival, et en favorisant une meilleure accessibilité à la culture.
Un legs pour les générations futures
À 43 ans de vie consacrée à Petite-Vallée, Alan Côté se projette déjà vers la suite. Il envisage de quitter ses fonctions d’ici trois ans, mais souhaite le faire en laissant un lieu fonctionnel, en pleine possession de ses moyens, durable. Le nouveau théâtre est donc bien plus qu’un bâtiment : c’est l’aboutissement d’une vision et le début d’un nouveau chapitre.
« Ce n’est pas parce qu’on a brûlé qu’on s’est éteints », dit-il, en citant une phrase devenue titre d’une chanson présentée durant le spectacle d’ouverture, et que l’on voit aussi sur les gaminets à l’effegie du festival cette année. Une formule qui résume à elle seule la résilience, l’humanité et l’élan créatif qui animent Petite-Vallée.
Le spectacle d’inauguration, La Marée du forgeron, avec Louis-Jean Cormier, Michel Rivard, Klô Pelgag, Daniel Boucher, Marie-Pierre Arthur et plusieurs autres sera présenté à guichet fermé ce soir (jeudi 26 juin) et demain, trois semaines après avoir été présenté en exclusivité devant la population locale au début du mois.
Le Festival en chanson de Petite-Vallée se poursuivra jusqu’au 5 juillet prochain, et proposera des spectacles de Pierre Flynn, La Bottine Souriante, Beyries, 2Frères, Ariane Moffatt, Ariane Roy Laurence Jalbert et plusieurs autres.
- Ville(s)
- Petite Vallée
- Salle(s)
- Théâtre de la Vieille Forge
- Catégorie(s)
- Chanson,
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