Enigma - Burgan & Schmitt

Enigma de l’Opéra de Montréal | Énigme résolue avec brio

Grande nouvelle dans le monde littéraire et théâtral, apprenait-on lors du dévoilement de la saison 2023-2024 de l’Opéra de Montréal : le travail du primé auteur Éric-Emmanuel Schmitt serait porté en musique dans le cadre d’une collaboration avec le compositeur français Patrick Burgan. Déjà connue du public, c’est la pièce de 1996, Variations énigmatiques, qui a été portée sur la scène du Théâtre Maisonneuve, dans un libretto assez respectueux du texte original, Enigma.

Le résultat est simple dans son essence. Abel Znorko, prix Nobel de littérature, vit en ermite sur son île de Rösvannöy en Norvège. Cynique et froid, il décide un jour tout de même de recevoir l’ambitieux journaliste Erik Larsen chez lui pour un échange en huis clos dont on doute au départ de la pertinence, alors que l’auteur peine à s’ouvrir. L’opéra ne constitue donc qu’une seule et longue discussion entre deux hommes qui philosophent sur le thème de l’amour.

Opéra risqué, donc. Portée par deux excellents ténors québécois, Antoine Bélanger et Jean-Michel Richer, la co-production montée par l’Opéra de Montréal en collaboration avec celui de Metz s’en sauve. La qualité de l’interprétation efface le manque de nuances qui se manifeste à quelques moments. L’ajout d’un chœur, subtil au 2e acte, vient également rythmer la production de manière géniale, rappelant ceux de la musique des films à la Cendrillon ou à la Blanche-Neige de Disney dans les années 40 et 50.

Revenons-en d’ailleurs à cette musique. Les compositions de Burgan sont, sans être hermétiques, un rêve de nerd ou d’analyste. On y sent un plaisir, une légèreté et un agréable côté narquois dans ce qui constitue un patchwork d’influences et de motifs grapillés ça et là chez les Romantiques, Strauss notamment, ou chez Wagner et Elgar. La musique nous offre également quelques choix inusités via le travail réussi de l’Ensemble I Musici : chose rare, les altos sont régulièrement mis de l’avant, de même que certains cuivres trop souvent oubliés.

Burgan utilise le tout dans une efficace mission d’intertextualité qui aide à rendre l’idée de base ー ajouter une musique à une pièce préexistante ー plus à propos, car c’est parfois l’un des problèmes d’Enigma : le texte prend parfois un peu trop souvent le dessus sur l’opéra, surtout que la mise en scène simpliste n’occupe pas assez le public.

Le travail de Paul-Émile Fourny et Patrick Méeüs se présente en deux temps. Celui de l’interprétation est simple, mais réussi : les interprètes témoignent d’un réalisme en accord avec l’action. Au niveau des projections et du décor, on a toutefois un certain manque à rattraper. La projection d’aurores boréales du deuxième acte est une belle touche qui rappelle que l’on est toujours en Norvège, mais l’énorme cage de LED dans laquelle les interprètes évoluent, si elle constitue une excellente idée, peine souvent à bien justifier ses changements de couleur.

Somme toute, on retient un très bon souvenir d’Enigma. Sans révolutionner le monde de l’opéra, la production fait tout de même passer un excellent moment avec son esprit énigmatique, oui, mais souvent bon enfant et particulièrement accessible, surtout par rapport aux dernières productions originales de l’Opéra de Montréal. Très bonne occasion, donc, de s’initier à cet univers artistique lors des représentations restantes des 11 et 13 avril.

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