Emile Proulx-Cloutier à la Maison Symphonique | Chansons d’amour pour époque désespérante
Émile Proulx-Cloutier offrait hier une dernière supplémentaire à la Maison symphonique de Montréal, partageant la scène avec l’Orchestre de l’Agora, les Petits chanteurs du Mont-Royal et le Burning BRASs Band.
C’est devant un public conquis d’avance que l’auteur-compositeur-interprète (également acteur, metteur en scène, alouette!) s’est lancé avec la très belle Besoin de bras, annoncée par quelques notes de piano toutes en délicatesse, prémisse d’un tour de chant fort en contrastes. Porté par les arrangements pour orchestre (Guido Del Fabbro et François Vallières), savamment exécuté par l’Orchestre de l’Agora, Émile Proulx-Cloutier a enchaîné ses chansons réfléchies, en ponctuant le tour de temps d’habiles échanges vers le public, rappelant le talent de conteur d’un Michel Rivard des années de Bonsoir, mon nom est….
Fils de son époque, Proulx-Cloutier survole chansons d’amour-cocon où l’on reprend son souffle et enjeux sociaux où l’on s’essouffle et s’épuise à force de s’adresser à des sourds (crise climatique, patriarcat, travail qui broie les corps et les âmes, impacts des écoles pensionnats sur les communautés des Premières Nations…). Au bout d’une première partie passant de la chanson piano-voix (Besoin de voix, Kid, Craque les coeurs), où l’on retrouve parfois les inflexions d’un Claude Léveillé, à des pièces clamées en mode rap appuyées avec fougue par le Burning BRASs band (la très puissante L’horizon), on se retrouve le soleil fragile, les têtes sorties du sable : il nous reste à bouger dans le sens du progrès et céder des privilèges, hein?
En seconde partie, ouverture avec Le tambour de la dernière chance, et on enchaine avec Force Océane, Burn-out. Proulx-Cloutier réalise ensuite, devant son public, un rêve d’enfant, celui de diriger un orchestre, en prenant la place de Julien Proulx, chef de l’Orchestre de l’Agora. Le contrat, inspiré par la musique de Morricone, a été finement livré par l’ensemble, et on devinait l’émotion du chef d’un jour, avant que Le grillon et la luciole permette à l’ensemble symphonique de briller puissamment : cantonnés jusqu’ici dans un soutien aux chansons, cet arrangement leur a rendu pleinement justice. La chanson Cargaison, portée par un Émile Proulx-Cloutier plus émouvant que jamais, dans le dénuement d’une interprétation parfaite, a laissé nos joues ruisselantes de larmes. En finale, la trompette depuis le balcon a ouvert La saison des tremblements, oui, le temps est dur, mais heureusement, dans nos vies parfois, il y a des fleurs qui craquent le ciment.
Malgré une sonorisation parfois laborieuse (on comprend que la Maison symphonique n’a pas été pensée pour ce genre de spectacle), cet écrin a permis de créer un espace, comme l’a nommé Proulx-Cloutier, «pas pour me couper du monde, mais pour le retrouver», retrouver ce qui pulse en nous, ce qui crie urgence, ce qui dit basta! On en sort avec une impression de grandiose propulsée par le talent des musiciens sur scène, et une vague sensation : l’époque est dure, et on est tenté⸱es de se replier vers les beaux sentiments et l’intimité-cocon qui permet de reprendre notre souffle. Mais on le sent et on le sait, et ça nous traverse, électrique : il y a des horreurs que les belles chansons ne consolent pas, et nous avons un rôle à jouer pour faire avancer l’époque.
Photos en vrac
- Artiste(s)
- Burning BRASs Band, Émile Proulx-Cloutier, Les Petits Chanteurs du Mont-Royal, Orchestre de l'Agora
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Maison Symphonique de Montréal
- Catégorie(s)
- Chanson, Chorale, Francophone, Instrumental,




























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