crédit photo: Jonathan Goulet
Cutting Through the Noise

Cutting Through the Noise à l’Agora de la danse en avril 2024 | Défier l’algorithme, main dans la main

Cutting Through the Noise n’a pas le profil type d’une pièce qui aboutit à l’Agora de la danse. Destinée à une cohorte finissante de l’École de danse contemporaine de Montréal (EDCM), elle prendra pourtant forme à l’Édifice Wilder du 4 au 6 avril prochain. Sors-tu? a tenté de percer son mystère avec son chorégraphe, Alexandre Morin.

Le chorégraphe, danseur et artiste visuel ne pèse pas ses mots. « C’est complètement exceptionnel qu’on soit à l’Agora avec ce show-là », s’enthousiasme-t-il. Avec beaucoup de travail, de vision et peut-être d’un peu de magie, Cutting Through the Noise s’est étendue en-dehors des murs de l’ECDM.

Pour plusieurs des onze interprètes, il s’agira d’une première expérience professionnelle. Après des parcours écorchés par la pandémie, Alexandre tenait corps et âme à offrir à de jeunes artistes l’occasion d’un premier pas dans le « vrai » monde de la danse contemporaine.

La réputation croissante du chorégraphe a certainement aidé à ouvrir certaines portes. Fort d’un récent solo aussi présenté à l’Agora de la danse, Anatomie d’un moteur, Alexandre a de moins en moins de choses à prouver quant aux fruits de sa vision artistique. Mais dans ce cas-ci, le miracle relève aussi de quelque chose de très humain, voire exceptionnel dans la carrière du danseur.

C’est comme si des étoiles s’étaient alignées. Le processus de création a commencé en pleine Covid-19, ce qui a donné lieu à des conversations sans tabou sur les frustrations qui y étaient liées. L’équipe partageait ses inquiétudes et ses incertitudes quant à son futur.

« Avant même de penser à un thème pour la chorégraphie, je voulais mesurer l’impact de la pandémie sur les interprètes. On voulait retrouver le désir de danser », explique celui qui a aussi été formé à l’ECDM. Dix ans plus tôt, sa carrière professionnelle commençait. « Ça m’a ramené à mes débuts, confie-t-il. Je leur ai redonné confiance, et ça m’en a donné en retour. »

Retour au début des années 2000

Le partage intergénérationnel a été source d’une grande nostalgie qui a mené le chorégraphe sur des pistes créatives intéressantes. Cutting Through the Noise prend son ancrage dans plusieurs tendances technologiques.

Certaines sont plus poussiéreuses que d’autres, comme l’esthétique de Y2K, de Windows 98 ou de la culture rave des années 90, dont les costumes sont d’ailleurs inspirés. Le cycle des tendances et le caractère effréné de ce qui circule sur Internet sont riches en inspiration pour Alexandre, d’autant plus qu’on s’est toutes et tous refugié.es derrière nos écrans lorsque la pandémie a frappé.

« Je suis moi-même tombé dans des spirales sur YouTube où un vidéo mène à un autre, qui mène à un autre », raconte Alexandre. Si Cutting Through the Noise ne s’appelait pas ainsi, le chorégraphe aurait un autre titre tout prêt : Exit the Algorithm. Pour illustrer ces boucles sans fin qui nous emprisonnent, les interprètes arpentent la scène d’avant en arrière de façon presque obsessive.

« Quel est l’impact sur le corps de ces boucles, de ces tunnels? », se demande Alexandre. Il fait remarquer qu’il est maintenant difficile de mener une carrière professionnelle en danse sans se promouvoir sur les réseaux sociaux, et donc se battre avec les algorithmes, en quelque sorte.

Rapport corps-danse-musique

La musique comme lieu commun est centrale à Cutting Through the Noise. Le chorégraphe donne l’exemple de la rassembleuse tendance « Slowed + Reverb », de laquelle il s’est inspiré et qui consiste à ralentir et modifier des chansons et à les accompagner de vieux visuels d’animé.

Lui et ses interprètes se sont envoyé énormément de musique pendant les préparatifs du spectacle, si bien que pendant les premières minutes de la performance, chacun.e a son propre casque d’écoute et « chorégraphie sa playlist ». Plus tard, ils et elles se rallient autour de la playlist d’Alexandre, composée de sons du groupe de punk Boy Harsher, qui l’a beaucoup aidé au fil des dernières années.

« Ce projet est un remède post-pandémique », illustre le chorégraphe. Il espère que l’énergie qui émane des interprètes se rendra jusqu’au public de l’Espace orange. « Si les gens se balancent de gauche à droite, mon objectif est atteint. »

Avant de penser à rejoindre un public, Alexandre Morin a cependant dû faire en sorte que ses interprètes se rejoignent entre elles et eux. Créer un espace de rencontre. Heureusement, la chimie a été instantanée.

« On s’était fait enlever la danse pendant des mois. On n’avait plus rien à perdre », explique l’artiste. « Puisque j’étais à l’écoute de leurs besoins, leurs incertitudes et leur vulnérabilité au lieu d’arriver là avec un agenda, je pense que j’ai fait mon meilleur travail comme chorégraphe. »

Cutting Through the Noise sera présenté à l’Édifice Wilder les 4, 5 et 6 avril prochains. Les billets sont disponibles ici.


* Cet article a été produit en collaboration avec l’Agora de la danse.

Vos commentaires