Critique théâtre : Tristesse animal noir à l’Espace Go
Une belle brochette d’acteurs était réunie sur la scène de l’Espace GO jeudi soir afin d’interpréter le texte de l’Allemande Anja Hilling, Tristesse animal noir. David Boutin, Robin-Joël Cool, Stéphane Demers, Pascale Desrochers, Alexandre Fortin, Claude Gagnon, Alice Pascual et Marie-Ève Pelletier nous ont offert leur interprétation d’une pièce poétique, triste et noire, qui manquait cependant d’intensité.
Au tout début, l’éclairage met en lumière trois musiciens, un guitariste (Alexandre Fortin), une accordéoniste et choriste (Marie-Ève Pelletier) et un chanteur (Robin-Joël Cool), placés dans le coin avant gauche de la scène. Ils nous interprètent une musique lente et triste, qui est jolie jusqu’à ce que la voix féminine se superpose à celle du chanteur durant les refrains. Une impression agressante et fausse qui débute le spectacle sur une « drôle de note ».
Puis, on découvre que le chanteur est également l’un des personnages de la pièce, et que la choriste en sera la narratrice. Une narration qui manque de confiance et de fluidité.
On dévoile alors 6 amis et un bébé, qui sont en route pour passer un week-end ensemble dans la forêt. Paul Miranda et leur bébé naissant, Gloria, Martin et Oskar, un couple gai, et Jennifer, l’ex-femme de Paul et son nouveau copain, Flynn.
Il était une fois, dans la forêt…
C’est l’été et la canicule est à son apogée. Il n’a pas plu depuis longtemps. Les 6 amis d’installent en pleine nature, au milieu de nulle part, pour se retrouver, boire, manger et fêter. L’alcool coule à flot, les anecdotes s’accumulent, le barbecue grille la viande. Les amis s’endorment à la belle étoile, la petite Gloria dans la voiture, pour qu’elle soit plus en sécurité.
Alors que la mise en scène de Claude Poissant et l’interprétation des personnages étaient jusqu’à présent très réalistes, le ton change subitement lorsque le drame fait son apparition au cœur de la pièce. Un feu de forêt, des blessures, des déchirures, de la cendre, de la suie, des flammes…
La pièce prend alors un tournant plus poétique, plus imagé. La narration se fait plus présente et la pièce se découpe pour ne suivre que quelques personnages à la fois dans leur manière de vivre le drame, de tenter de s’en sortir, d’éprouver leur instinct de survie, tel un animal. Un animal noir. Noir de suie.
Au dernier tiers de la pièce, l’après-drame. Les blessures, plus psychologiques que physiques, vécues bien différemment par chacun d’eux.
Une retenue inappropriée
L’histoire est dure, dramatique, racontée d’une manière poétiquement belle. Mais avec un tel scénario, on se serait attendu à un peu plus d’intensité, beaucoup plus même. Alors que l’histoire devrait, à certains moments, donner des frissons dans le dos, on reste un peu de glace, tout comme les personnages. Comme si chaque entité vivait le drame de l’intérieur, avec beaucoup de retenue…
Mais est-il vraiment possible que sur 6 personnes dans un groupe, aucune d’entre elles ne craque sous la pression face au drame d’une vie ? Que chacun le vive avec retenue ? Tout au long de la pièce, on a l’impression que personne ne va au bout de ses sentiments et de ses émotions, ce qui donne, au bout du compte, la sensation qu’il manque quelque chose à cette tristesse animal noir : de l’intensité, de l’émotion brute.
Mention à Pascale Desrochers dans le rôle de Jennifer qui, du début à la fin, a offert un jeu sans faille, d’une véracité touchante, comme toujours.
Tristesse animal noir est présentée jusqu’au 11 février à l’Espace Go.
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