Midsummer (une pièce et neuf chansons)

Critique théâtre: Midsummer à la Petite Licorne

Installées à la Petite Licorne jusqu’au 13 avril, les neuf chansons et la pièce réunies sous le titre de Midsummer sont un bijou de divertissement importé d’Écosse. L’auteur, David Greig, est déjà reconnu pour sa vision contemporaine du théâtre et son écriture en a déjà séduit plus d’un outre-mer.  Très habilement traduites par Olivier Choinière,  les chansons de Gordon McIntyre résonnent longtemps après la fin de ce spectacle aigre-doux,  mené avec sincérité et ferveur par Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant. Mise en scène de Philippe Lambert.

Photo par Suzanne O'Neill

Solstice d’été, la nuit la plus courte de l’année.  En noirceur peut-être, mais pas en action.  Une avocate du nom d’Helena, spécialiste en divorce, essuie son échec amoureux en proposant à Bob, inconnu mafieux tellement pas son genre, de passer la nuit avec elle.  De là, tout déboule ; on assiste à une folle nuit d’intimité, avec accès VIP aux cerveaux des nouveaux amants.  Remises en question, commentaires futiles et angoisses existentielles seront dévoilés à travers les actions et réactions plus vraies que nature des personnages.

D’un réalisme frappant

Photo par Suzanne O'Neill

Ils sont nous, nous sommes eux, parlant à travers un texte si collé à la réalité qu’on aurait pu y voir nos journaux intimes… et même pire, nos propres destinées.  La voix par laquelle Greig s’exprime est celle d’une génération, mais la forme donnée à la pièce réussit à interpeller tout l’auditoire.  L’interaction est partout, lors d’apartés bien envoyés, lors d’une chanson interprétée façon chansonnier de bar, ou même lors d’une conférence où l’on s’adresse à la foule.  Jamais on ne peut décrocher, une surprise nous guette à chaque détour.

Bien sûr, plusieurs aventures attendent les comparses et on remarque assez vite l’amusement avec lequel les deux comédiens traversent les intempéries.  Leur complicité est enviable, et leur aisance n’a d’égale que leur talent, maîtrisant les cordes de leur arc et de leur guitare sèche avec grâce et sensibilité.  Loin du show de boucane, on assiste plutôt à des réflexions chantées, philosophies musicales touchantes et amusantes.  Et quelle traduction dont Olivier Choinière nous gratifie!  Rien d’accrochant pour l’oreille avertie, tout coule comme si ç’avait été écrit à l’origine dans la langue de Tremblay. Le reste du texte ne manque pas d’expressions très familières, ce qui rend le tout encore plus attachant.

La force de ce spectacle réside aussi dans la mise en scène, truffée d’idées que le texte suggérait, mais qui ont su être exploitées avec finesse… ou grossièreté, c’est selon.  Isabelle Blais en chef de mafia avec une robe de demoiselle d’honneur, c’est assez tordant.  Ou encore, deux acteurs coincés la tête en bas pour recréer la fois où ils ont été oubliés en plein bondage japonais… Phillippe Lambert a su harmoniser tous les ingrédients qu’il avait sous la main – un bon texte, une bonne traduction, de bonnes chansons, de bons acteurs – et créé une recette dont on n’a pas fini d’entendre parler.  Parce qu’entendre parler de réalisation de soi, de liberté, d’engagement, de filiation, bref, de soi, à travers les autres, c’est immanquablement intéressant.

 

Vos commentaires